Veiller à ce que triomphe les valeurs de liberté, de dignité, de responsabilité est l’affaire de tous
Dans l’une de leurs récentes contributions, deux philosophes—Douglas Den Uyl et Douglas Rasmussen—rappelaient la distinction introduite par Michael Oakeshott entre « enterprise association » et « civil association ». Une « enterprise association »—que l’on pourrait traduire par « association privée »— rassemble des individus qui partagent un même but et pensent pouvoir mieux y parvenir en unissant leurs forces. Il peut s’agir de la sauvegarde d’une espèce animale, de la possibilité de participer à des compétitions de foot ou de pétanque, de la promotion d’un parti politique, de la possibilité de faire découvrir la musique classique aux jeunes générations ou encore d’aider les sans-abri: les buts que peut se donner une association sont innombrables et l’on jugera de la qualité des efforts déployés par ses adhérents à travers leur capacité à atteindre les objectifs qu’ils se seront fixés. Il en va tout autrement des « associations civiles » telles que celle constituée des citoyens habitant un même territoire. Ici, il n’est plus question de se donner des objectifs communs tant les individus sont uniques et diverses; d’autant que l’on ne peut entrer et sortir d’une association civile comme l’on entre et sort d’une association privée. A défaut de partager des objectifs, les individus qui forment cette association civile partagent des règles de conduite. Dans une perspective libérale, le respect de la personne et de sa propriété se trouvent évidemment en haut de la liste des règles qui fondent l’association civile. Life, Liberty and Property!
Le Journal des libertés et l’association qui le porte, l’IREF, appartiennent de toute évidence à la première catégorie d’associations. Ils œuvrent dans un but bien précis: faire connaître et faire avancer les idées libérales. Par “faire avancer” nous entendons à la fois chercher l’expression de ces idées qui soit la mieux adaptée à la réalité de notre monde mais aussi rallier le plus grand nombre à notre projet de société. C’est ce que nous faisons dans ces pages avec, par exemple, la contribution de Donald Boudreaux intitulé « Défendre le libre-échange à l’ère du nationalisme économique ». Dans cet article, le grand Professeur de la George Mason University nous rappelle la nécessité de regarder les chiffres avec attention et intelligence. On s’aperçoit alors que les faiblesses attribuées au libre-échange sont imaginaires. Ainsi,
« le prétendu “problème” industriel ou manufacturier [qui résulterait de l’ouverture au commerce international] n’est pas réel. C’est un fantasme, entretenu uniquement parce qu’il est répété sans relâche, sans qu’assez de voix s’élèvent pour le contester. Il n’y a eu aucun “déclin” de la capacité ou de la production industrielle américaine. »
Autre exemple, mais dans un registre différant, Karl-Friedrich Israel explique pourquoi la “Théorie Monétaire Moderne” – selon laquelle les déficits publics ne doivent pas nous inquiéter tant que l’inflation ne s’emballe pas—repose sur une illusion et conduit inexorablement à l’échec les gouvernements qui s’y réfèrent, trop heureux d’y trouver une justification à leurs politiques néo-keynésiennes qui décidemment ont la vie dure!
Toutes les associations privées s’insèrent dans de larges associations civiles qui, nous l’avons rappelé, se définissent par les règles qui prévalent en leur sein. Il est illusoire—voire dangereux—de penser que tous les individus qui composent une même association civile puissent un jour s’entendre sur toutes les valeurs et politiques à promouvoir et avec quelles priorités. Entretenir cette illusion est un peu comme partir à la recherche du personnage politique qui, non seulement conviendra en tout point à vos aspirations, mais conviendra également en tout point aux aspirations de chacun des membres de l’association civile… Par contre, nous pouvons et devons en tant qu’association privée essayer de peser sur le choix des règles qui gouvernent l’association civile. Cela suppose que l’on échange avec des personnes qui ne partagent pas nécessairement notre vision de la société idéale. Un entrepreneur qui adhère au PS ou au RN peut se joindre à nous dans une bataille visant à simplifier les démarches administratives des entreprises et réduire leurs charges fiscales tout en supprimant certaines subventions. De même, de nombreux retraités ou futurs retraités peuvent entendre nos propositions sur la transition vers la capitalisation quel que soit leur bord politique. Ou encore, des parents et des enseignants qui ne votent pas pour les mêmes candidats que moi peuvent néanmoins partager mon analyse sur la nécessité de changer les règles qui encadrent l’offre de formation pour les enfants afin de permettre plus d’innovation, de responsabilité et de diversité.
Animé par cet esprit, l’IREF a rassemblé le 2 avril dernier un large panel de chercheurs, d’animateurs de think tanks et d’hommes politiques pour discuter des règles à modifier dans la gestion des dépenses publiques. Tout, ou presque, de ce qui contribue aujourd’hui à accroître nos dépenses publiques a été examiné: les intervenants ont analysé les règles en vigueur dans le domaine de l’emploi, de la santé, de l’immigration, de la protection de l’environnement, du logement, du régime des retraites, de la répartition des pouvoirs de décision, etc. Si les règles du jeu sont mauvaises, le résultat ne saurait être satisfaisant. Bien entendu nous sommes aussi revenus sur les racines du problème: pourquoi choisissons-nous si fréquemment les mauvaises règles? Le manque de connaissances—en économie, mais pas que…– y est sans doute pour beaucoup ; mais des politiques dépourvus d’audace et trop souvent, eux aussi, de connaissances empêchent la mise en place d’une dynamique positive.
Fort heureusement, nous avons également eu la chance d’écouter des élus et des associations qui ont su aller à contre-courant, avec succès, à l’étranger, mais aussi dans notre bonne vieille France. Si vous n’avez pas pu vous joindre à nous le 2 avril, la lecture du dossier spécial sur les dépenses publiques inclus dans ce numéro vous permettra de découvrir bon nombre des témoignages et analyses qui y ont été présentés.
Un dossier à partager avec vos proches afin que nos efforts conjoints parviennent à faire évoluer les règles qui prévalent dans notre société civile. Vers plus de liberté, de responsabilité et de solidarité.