La plupart des pays considèrent que l’État a le devoir d’assurer à tous les enfants l’accès à l’éducation. Le financement de l’enseignement y est donc majoritairement public et provient de l’impôt. A côté des écoles publiques peuvent exister des écoles privées, souvent partiellement financées par des fonds publics, mais, les programmes, les méthodes pédagogiques, les enseignants sont imposés ou contrôlés par l’État.

Les parents ont donc semble-t-il le libre choix de l’école pour leurs enfants, si l’on fait abstraction d’un obstacle majeur, le coût de l’enseignement dans les établissements privés. Des mécanismes de financement public du libre choix de l’école par les parents ont ainsi été mis en place notamment pour permettre aux plus défavorisés d’exercer ce droit. En instaurant ces modalités les États ont souvent aussi l’espoir que cela permettra le développement d’un système éducatif plus performant et moins onéreux, mais aussi le désir de diversifier l’offre et de mieux l’adapter aux besoins des enfants.

Un choix véritablement libre doit cependant reposer sur quelques piliers :

  • Le financement doit être lié à l’élève, versé sous forme d’un forfait par élève et non sous forme d’une dotation globale à l’école. Il en résultera une meilleure adaptation aux besoins de l’enfant (handicap, enfant précoce…). Le forfait peut être versé soit aux familles qui paieront l’école de leur choix, soit directement à l’école.
  • Les établissements doivent avoir une autonomie complète concernant le choix de leurs programmes, de leurs enseignants, des rémunérations et des méthodes pédagogiques.
  • Des contrats peuvent être passés entre les établissements et l’état concernant au moins le niveau minimum par tranche d’âge, contrôlé par exemple par un test annuel.

Plusieurs États se sont engagés dans cette voie du changement de mode de financement du système scolaire, certains depuis de nombreuses années, d’autres plus timidement.

Le financement du libre choix de l’école peut faire appel à plusieurs techniques[1] : le chèque-éducation (voucher dans les pays anglophones, bon scolaire, ticket scolaire ou chèque éducation dans les pays francophones), le crédit d’impôt[2], les comptes épargne éducation (ESA). L’autonomie des établissements peut passer par des contrats comme Les « Charter Schools » ou les « Magnet Schools ». Enfin le libre choix peut aussi se manifester par la décision des parents d’instruire eux-mêmes leurs enfants. Mais l’école à la maison, si elle est souvent légale, n’est pas toujours bien vue par les États. D’autres moyens, privés, peuvent aussi promouvoir le libre choix de l’enseignement, comme les bourses attribuées par des fondations philanthropiques, des entreprises, ou pour les étudiants par des prêts bancaires.

Le fonctionnement du crédit d’impôt

Hors des États Unis, le crédit d’impôt n’est pas ou peu utilisé pour aider les parents à couvrir les coûts d’enseignement. Le système américain se décline en trois types de programmes, le scholarship tax crédit program, l’individual tax credit program auquel on peut associer l’individual tax deductionset l’Education Savings Accounts program (ESA).

Le scholarship tax credit program correspond à un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises et des particuliers qui font des dons à des organismes à but non lucratif allouant des bourses à des familles pour qu’elles puissent scolariser leurs enfants dans des écoles privées de leur choix. Ces organismes sont financés par la société civile et non par des subventions publiques. Le crédit couvre ou non la totalité du don, selon la législation des états, ce qui affectera le montant des bourses déjà généralement soumises à condition de ressources. Dans certains États, les bourses peuvent aussi être versées pour scolariser des enfants dans des écoles publiques aux programmes innovants, ou même pour couvrir le transport.

Le scholarship tax credit program a été mis en place en Arizona en 1997. Aujourd’hui on compte 24 programmes dans 18 états[3] qui concernent environ 290 000 bénéficiaires. Les plus importants étant celui de Floride par le nombre de ses bénéficiaires (100 512), et celui du Montana dont 100% des élèves sont éligibles[4].

En mai 2021 la secrétaire d’état à l’Éducation a annoncé un projet de crédit d’impôt fédéral pour élargir le choix de l’école[5]. Dans le plan Cruz et Byrne, les états désigneraient les bénéficiaires et l’état fédéral financerait le remboursement. Il convient de noter que ce système existe en France puisque les dons à des organismes à but non lucratifs, associations ou fondations, offrant des bourses sous condition de ressources à des élèves scolarisés dans les écoles privées, ouvre un droit à défiscalisation.

Grace à l’individual tax credit, les parents peuvent recevoir de l’état une réduction de l’impôt sur le revenu pour les dépenses d’éducation reconnues, frais de scolarité, livres, fournitures, ordinateurs, et même transport. Moins étendu que le précédent, ce programme n’existe que dans 5 états[6]. Le crédit d’impôt individuel vient en déduction de tous les impôts dus.

Le programme d’individual tax déductions propose une déduction des dépenses d’enseignement du revenu total imposable. Il existe dans 4 états, Indiana, Minnesota, Louisiane et Wisconsin.

L’Education Savings Accountspermet aux parents de recevoir un dépôt de fonds publics sur un compte éducation, fonds utilisables pour des dépenses d’éducation, limitées mais nombreuses. Ces fonds, souvent distribués sous forme de carte de débit, peuvent couvrir les frais scolaires, les programmes en ligne, le soutien scolaire. Les familles peuvent épargner année après année et ainsi couvrir les coûts de l’enseignement secondaire et même les dépenses d’enseignement supérieur. Les résultats montrent que les familles utilisent leurs fonds principalement pour couvrir les frais de scolarité mais 7% du total des fonds ont été dépensé pour le soutien scolaire et 31% ont été épargnés en 2016. 28% des familles ont dépensé les fonds pour des dépenses multiples. Les familles ont pu choisir entre 149 écoles privées dont des écoles Montessori, des écoles internationales, des écoles préparatoires, des écoles pour enfants autistes…

Actuellement 7 états ont mis en place un programme ESA : l’Arizona, le pionnier en 2011, la Floride en 2014, le Mississipi et le Nevada en 2015, le Tennessee, le Kentucky, la Caroline du Nord. Le nombre d’états progresse ainsi que les établissements éligibles. Mis en place au début pour couvrir les besoins d’élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux, seulement 58% des participants étaient dans cette catégorie au cours de l’année scolaire 2015-2016[7].

Le chèque-éducation[8]

Les systèmes de chèque-éducation les plus anciens, toujours en vigueur, sont situés aux États Unis : dans le Vermont depuis 1869 et le Maine (1873). En Europe, les Pays-Bas l’ont adopté en 1917, après une longue bataille sur le choix ou non de financer les écoles privées. Toujours en cours, il s’applique à l’ensemble de la population scolaire dans le public comme dans le privé. Aujourd’hui de nombreux pays l’ont adopté[9]. Aux États-Unis  , les expériences menées dans plusieurs États ne concernent jamais tout le territoire mais seulement un comté, une ville ou un établissement[10].

Le terme « chèque-éducation » ne doit pas être pris dans un sens trop étroit. Il ne signifie pas forcément que la famille reçoit un chèque ou un bon qu’elle utilisera pour payer l’école de son choix. C’est seulement le fait qu’une somme (un forfait) est attribué à l’enfant pour permettre le financement de sa scolarité, quelle que soit la nature des frais. Mais l’argent ne peut en aucun cas servir à couvrir d’autres dépenses que des frais liés à la scolarité. C’est un « bon » que l’on échange contre un « service ».

L’objectif principal de ces programmes est de faciliter le libre choix de l’école, le respect des convictions et du droit à l’éducation (Suède) ou encore la nécessité de responsabiliser les familles (Danemark). Les pays moins développés ou les pays en transition peuvent aussi avoir un objectif quantitatif. La Colombie et le Bengladesh par exemple veulent développer la scolarité des filles et ont choisi ce système pour augmenter le nombre d’écoles qui puissent les accueillir. La République Tchèque ou la Pologne veulent accroître le nombre d’écoles et d’enfants scolarisés, les écoles existantes étant saturées. Ces pays peuvent aussi poursuivre un objectif qualitatif. Le Chili, la Colombie, la Nouvelle-Zélande, la République Tchèque ou le Danemark, souhaitent relever le niveau des élèves, améliorer leurs résultats ou encore augmenter le nombre d’élèves accédant au secondaire. Pour la Nouvelle-Zélande le chèque éducation devait permettre le choix de l’école à des familles à bas revenu ou à revenu moyen, tout en améliorant le niveau de l’enseignement.

Globalement le chèque-éducation doit permettre aux familles ayant les revenus les plus faibles de choisir une école privée, soit pour quitter une école publique dont le niveau est faible (failing schools), soit, lorsque les enfants sont forts académiquement, pour leur permettre d’intégrer une école de plus haut niveau. C’est alors un objectif de méritocratie destiné à faire émerger des élites. Le chèque-éducation peut aussi servir à aider des enfants en difficulté d’intégration scolaire ou en échec, permettre la scolarisation dans un cadre adapté pour des enfants souffrant d’un handicap ou de troubles d’apprentissage (dyslexie), pour les enfants précoces ou encore pour financer des écoles spécialisées dans l’accueil de primo-arrivants qui ne maîtrisent pas la langue du pays d’accueil.

Certains pays comme le Chili misent clairement, en adoptant ce mode de financement de l’éducation, sur la mise en concurrence des établissements pour obtenir une amélioration du niveau académique général et la réduction des dépenses publiques d’enseignement. Les résultats de l’enquête PISA montrent que l’objectif de relèvement général du niveau des élèves semble atteint, puisque le Chili est très au-dessus des pays de sa zone géographique.

Le versement du chèque-éducation dépend de l’organisation du système scolaire.  C’est l’État (central dans les fédérations) ou les États fédérés ou les Provinces ou les collectivités locales qui versent le montant du chèque-éducation. Aux États-Unis, ce sont les États qui financent, en Colombie 80% du financement provient de l’État, 20% des municipalités. Mais les fonds proviennent toujours des prélèvements obligatoires, en général de l’impôt sur le revenu, sauf au Canada où c’est l’impôt foncier qui finance l’enseignement. Au final, ce sont les familles qui supportent le poids de l’éducation. Le montant du chèque est, dans la plupart des pays, versé à l’établissement dans lequel l’enfant est inscrit. Mais c’est parfois la famille qui reçoit le montant alloué et le remet à l’école de son choix, comme en Colombie où il est versé par trimestre. Dans certains pays comme le Chili, la Colombie et certains États américains, lorsque la demande des parents excède l’offre de chèques, les élèves éligibles sont tirés au sort.

Le versement direct à l’établissement évite les fraudes et les pertes de ressources au cas où l’enfant quitterait l’école en cours d’année. Dans certains pays, l’école peut recevoir également des fonds publics mais cela demeure rare. C’est le cas au Danemark et en Nouvelle-Zélande. Les écoles peuvent par contre recevoir des dons privés ouvrant généralement droit à des déductions fiscales. Le versement à la famille responsabilise, permet à celle-ci de comprendre qu’instruire un enfant est un investissement dont le coût est élevé et l’incite à bien choisir son école. Il est mieux adapté aux enfants qui changent fréquemment d’établissement. Les parents peuvent contribuer aux frais de scolarité. Cela va de l’obligation comme au Danemark (sous condition de ressources), à la recommandation (Nouvelle-Zélande) et jusqu’à l’interdiction (Pays-Bas, Suède).

Le chèque-éducation peut être universel et donc versé à tous les élèves qu’ils soient scolarisés dans une école publique ou privée, comme c’est le cas aux Pays-Bas, en République Tchèque ou au Chili, ou être versé aux seuls élèves fréquentant une école privée, comme en Italie ou dans les États américains. Le forfait peut être modulé en fonction des besoins de l’enfant, minoré ou majoré en fonction de critères prédéfinis, comme le niveau de ressources de la famille. Les Pays-Bas répartissent le chèque en 5 catégories selon le niveau socio-économique de la famille. Une majoration de 25% est accordée aux familles défavorisées et de 90% pour les enfants appartenant à une minorité ethnique. La Colombie a d’abord réservé le chèque aux enfants des écoles primaires publiques âgés de 15 ans et qui, ne pouvant trouver de places dans un établissement secondaire public, devaient intégrer un établissement privé. Certains États américains le réservent à des enfants d’écoles publiques à faible niveau qui veulent s’inscrire dans une meilleure école privée. Un enfant éligible au chèque-éducation le reste tout au long de sa scolarité obligatoire dans la plupart des cas mais il peut aussi être soumis à des tests obligatoires ou à un examen, comme en Colombie. Parfois le comportement de l’enfant est décisif (absentéisme, raisons disciplinaires). C’est le cas en République Tchèque et en Italie.

Le montant du chèque-éducation dépend de son étendue. S’il est universel – tous les élèves étant éligibles quelle que soit l’école –, il est généralement plus généreux et égal au coût le plus élevé. En pratique, ce coût est généralement celui de l’école publique dont les frais de scolarité sont supérieurs à ceux des écoles privées, du moins celles qui sont éligibles au programme. Certains pays sont plus économes, certains États américains, la Suède, le Danemark, la République Tchèque ou l’Italie fixent le montant en pourcentage du coût public (entre 25 et 80%). Lorsque le chèque-éducation s’adresse à une population ciblée, le montant est fonction des besoins de l’enfant (handicap, origine ethnique) ou des revenus des parents. Il peut dépendre aussi de l’implantation géographique de l’école (Chili) ou de la taille de l’école, comme au Danemark ou les plus petites écoles reçoivent 1,45 fois le montant des plus grandes.

Les écoles éligibles au chèque-éducation doivent respecter les objectifs fixés par les autorités, ou ceux qu’elles ont annoncés. Mais pour que le système soit efficace elles doivent aussi disposer de quelques libertés : elles doivent être autonome. En premier lieu elles doivent pouvoir choisir leur forme juridique, établissement sans but lucratif ou établissement lucratif. Elles doivent pouvoir recevoir des fonds d’associations ou de particuliers et pouvoir faire des bénéfices Elles doivent pouvoir choisir librement leur projet pédagogique, les valeurs qu’elles défendent, au moins partiellement leurs programmes, le recrutement et le licenciement, la formation et la rémunération des enseignants et des autres personnels. Elles doivent aussi disposer de l’autonomie de gestion : le budget peut être établi en fonction des besoins pédagogiques, de la capacité des parents à contribuer aux frais, des dépenses de matériel scolaire, de cantine, des rémunérations. Elles doivent pouvoir choisir leur organisation. Ces libertés varient elles-mêmes selon que la liberté de choix de l’école est ou non inscrite dans la loi ou la constitution, ainsi que la liberté de créer des écoles privées.

Dans la pratique, la création d’une école est encadrée par la loi. Aux Pays-Bas, on ne peut ouvrir une école que si celles qui existent sont en excédent d’élèves. C’est également le cas au Danemark, dans certains États américains, au Chili ou en Nouvelle-Zélande. En Colombie et dans certains États américains, une école ne peut être éligible que si elle est implantée dans une zone urbaine où vivent des enfants éligibles ou dans une ville ayant adhéré au programme. Une taille minimale de l’école est parfois imposée (Pays-Bas, Danemark). En d’autres endroits les conditions pour créer une nouvelle école sont plus légères, mais c’est après que la règlementation devient pesante (Suède).

La loi fixe aussi un cadre général en matière de gestion et d’objectifs. Les programmes doivent être conformes aux schémas nationaux. Les écoles privées suédoises proposent un programme national. Certains pays proposent des dérogations à la règle du programme commun à tous les élèves. Un certain volume d’heures peut être affecté à approfondir certains points du programme national ou à proposer d’autres sujets (120h aux Pays-Bas). Elles peuvent définir leurs principes pédagogiques comme au Danemark. Le recrutement, les salaires et les qualifications des enseignants sont généralement règlementés (Pays-Bas, Chili, Grande Bretagne, Irlande) ou négociés avec l’État (Nouvelle-Zélande) et payés par lui. Les élèves eux, sont la plupart du temps soumis à des examens ou des tests nationaux obligatoires destinés à évaluer leur niveau.

Les écoles sous contrat : le modèle des Charter-Schools américaines[11]

Les écoles sous contrat existent dans quelques pays (Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) sur le modèle américain développé à partir des années 1990. Le modèle français se différencie sur un très grand nombre de points, notamment sur le statut juridique et l’autonomie des établissements. En effet les charter-schools sont des établissements publics autonomes, mais à gestion privée, ouverts à tous les élèves du primaire et du secondaire. Comme ce sont des établissements publics, la scolarité y est gratuite. Elles ne peuvent pas demander de contribution financière complémentaire aux parents. Leur accès relève du libre choix des familles. Toutefois l’État ou le district peuvent limiter le nombre d’élèves par école ou le nombre d’écoles, ce qui crée des files d’attente.

Les charter-schools sont créées par des parents d’élèves, des enseignants, des fondations, ou toute autre personne non satisfaite par le niveau de l’école publique. Elles s’engagent, par contrat passé avec la « Public Chartering Agency », à atteindre un haut niveau de performance. Leurs enseignants sont invités à offrir une instruction innovante, de haute qualité. Ils ont une grande autonomie pour adapter leurs enseignements aux besoins des élèves. Ces écoles sont en effet très souvent spécialisées, s’adressant à des enfants en difficulté ou au contraire précoces, enfants à risque, minorités ethniques par exemple. Elles dépendent d’organismes divers (universités, fondations, collèges, administration scolaire, agences locales), mais jamais des autorités locales chargées des écoles publiques et ne sont pas soumises aux mêmes règlementations en vigueur dans l’État ou le district. Elles doivent toutefois respecter les objectifs et les résultats pour lesquels elles se sont engagées et qui sont souvent plus élevés que les standards académiques fédéraux. Leurs élèves sont soumis aux mêmes examens que les autres élèves.

Les charter-schools ont une grande autonomie de gestion, inspirée de principes privés, bien qu’elles soient financées sur fonds publics. Certaines – dans le Michigan, l’Arizona, le Wisconsin, le Massachussetts, la Californie – sont d’ailleurs gérées par des entreprises, des Educational Managements Organisations (EMO), à but lucratif mais qui ne peuvent pas faire de bénéfices sur les activités scolaires. Toutefois, la majorité des États a adopté des lois imposant une gestion par des établissements à but non lucratif (les CMO, Charter Management Organisations)[12]. Elles peuvent recevoir des dons. Les charter schools utilisent des fonds publics provenant des impôts, elles sont donc responsables devant les contribuables de l’utilisation de ses fonds : elles sont soumises à audit. Si les résultats ne sont pas bons, l’école peut être fermée, s’ils sont bons, sa dotation peut être augmentée.

L’autonomie des charter-schools s’étend au recrutement du personnel, enseignants compris. Ces derniers ne dépendent pas des conventions collectives en vigueur dans les autres écoles publiques, mais ils doivent avoir une certification fédérale. Ils sont rémunérés au mérite et peuvent être licenciés pour incompétence ; la durée de leur service peut être allongée et ils doivent encadrer les enfants et préparer les plus faibles à passer les tests. Les écoles ont le choix des programmes, de la durée de la journée et de l’année scolaire. Cette autonomie se traduit, par des résultats :  le niveau des élèves est généralement plus élevé que le niveau moyen car les écoles ont innové dans les méthodes pédagogiques, la discipline, l’implication des parents, et que les rémunérations des meilleurs enseignants ont été relevées.

Les charter-schools rencontrent un franc succès – aujourd’hui seulement 4 États en sont dépourvus. Leur nombre est passé de 2000 il y a dix ans à 7486 à l’automne 2019. Quant au nombre d’élèves il a augmenté de 500 000 à 3,3 millions, répartis entre : 33% d’élèves d’origine hispanique, 32% d’élèves blancs, 26% d’élèves noirs. 7% des écoles sont situées dans des villes, 56% en zone urbaine, 26% en zone suburbaine et seulement 11% en zone rurale[13].

Les Magnet schools américaines[14]

Un autre type d’école publique, développé à partir des années 1960, vient enrichir le choix des parents. Les Magnet-schools sont des établissements innovants ouverts à tous les élèves qui souhaitent développer leurs connaissances dans un domaine particulier[15]. Elles offrent donc un parcours spécialisé aux meilleurs élèves. Elles sont gratuites. Elles reçoivent des fonds spéciaux qui leur permettent de s’équiper en matériel, livres, et ainsi de maintenir un haut niveau et une bonne réputation. Elles accueillent des élèves de toutes catégories socio-économiques, de toutes races, de tous niveaux académiques. Mais la demande est élevée et certaines d’entre elles pratiquent un système de loterie pour déterminer les élèves qui les rejoindront.

Les Magnet-schools offrent ainsi un très haut niveau de connaissances, ont le plus fort taux de diplômés, le plus fort taux d’admissions au collège et le turn-over des enseignants y est le plus bas des écoles publiques. En 2016, il y avait 4340 écoles pour 3,5 millions d’élèves dans 46 États, chacune proposant un programme particulier.

Les academies et les free schools anglaises.

Depuis 2000, l’Angleterre, l’Ecosse et le Pays de Galles sont dotés d’écoles publiques dont la gestion est privée et qui ressemblent sur ce point aux charter schools américaines. Les academies sont des écoles publiques ayant opté pour ce statut, financées par l’État, et donc gratuites. Elles bénéficient d’une assez large autonomie puisque, à la différence des autres écoles publiques, elles peuvent gérer 100% de leur budget, à condition d’accueillir tous les enfants sans discrimination. Leur autonomie s’étend à la liberté de fixer leurs programmes, de recruter leurs enseignants et de décider du niveau des rémunérations. Elles choisissent aussi la durée de l’année scolaire. Les Free Schools bénéficient de la même autonomie mais elles peuvent être créées par des parents, des enseignants, des Fondations, des universités, des entreprises qui veulent notamment appliquer leur propre pédagogie. Elles reçoivent les mêmes financements par élève que les écoles publiques mais ne sont pas tenues de suivre le programme officiel[16].

L’École à la Maison.

Avec la crise du COVID, le nombre des familles qui optent pour l’école à la maison a fortement augmenté, accentuant une tendance déjà amorcée dans les dernières années [17]. L’école à la maison c’est le choix que font les parents ou les tuteurs légaux de prendre la responsabilité de l’éducation de leurs enfants au lieu de la confier au système scolaire. Parmi les parents qui font ce choix, certains sont des expatriés pour raison professionnelle, des parents dont les enfants ne s’intègrent pas à l’école (enfant en difficulté d’apprentissage ou au contraire enfants précoces) ; mais un grand nombre l’a fait pour des motifs religieux. C’est ce motif qui suscite la méfiance des États qui refusent que les enfants puissent être éduqués à la Maison.

Début 2020 on comptait dans le monde entier moins de 3 millions d’élèves éduqués par les parents. Les pays où il y en a le plus sont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie[18]. L’école à la maison est illégale dans de nombreux pays, légale mais fortement régulée dans d’autres, et simplement autorisée ou « pas interdite » dans certains cas (Japon, Mexique). En Afrique du sud, cette école a d’abord été autorisée en 1996, puis interdite car « les enfants appartiennent à l’État » (selon le ministre de l’Éducation) ; la situation y est aujourd’hui incertaine.

C’est dans les pays anglo-saxons que l’école à la maison est la plus développée. Aux États-Unis, le nombre d’enfants concernés par État dépend directement de la loi et des règlementations. Certains d’entre eux proposent plusieurs programmes (3 ou 4), selon le motif choisi par les parents pour ne pas scolariser leurs enfants dans une école publique ou privée, dont la religion. C’est en Californie, en Caroline du Nord et au Texas que les enfants sont les plus nombreux (plus de 100 000 dans chacun d’eux) et dans le Vermont, le Wyoming et le Connecticut ou ils le sont le moins (3000 enfants).

En Europe, l’école à la maison est illégale en Allemagne, en Grèce, à Chypre, à Malte et en Croatie. Au Royaume-Uni, en Finlande, en Norvège, au Danemark, en Autriche, en Irlande du Nord, l’école à la maison est largement acceptée – au Danemark, par exemple, on considère que l’éducation est obligatoire mais pas l’école. En Suisse ses modalités dépendent des cantons. En Suède, elle est très peu développée. L’illégalité en Allemagne peut être détournée dans certains Lands. L’Italie a imposé des restrictions en 2017. En Espagne l’école à la maison n’est pas illégale mais pas non plus reconnue par la loi. En France, la loi sur les séparatismes votée en février 2021 prévoit un encadrement renforcé et une période de transition jusqu’en 2024-2025, après quoi, l’école à la maison sera interdite, sauf exception.

Conclusion

La liberté de choix de l’école est donc reconnue dans un grand nombre de pays et des expériences assez significatives s’y sont développées. Lorsqu’on fait le bilan des résultats sur le plan académique des élèves concernés, il apparaît qu’il est généralement très supérieur aux standards exigés de ceux qui fréquentent les écoles publiques. Ils sont proportionnellement plus nombreux à atteindre le niveau de l’enseignement supérieur, collège ou université. On y remarque aussi que les enfants ont plus d’activités périscolaires, sont plus impliqués dans les relations sociales et ont donc moins de problèmes relationnels, et qu’ils sont plus respectueux des adultes[19].

Au regard des problèmes du système d’éducation en France, certaines des expériences de libre choix pourraient être adaptées. Les programmes ne présentent pas de difficultés techniques particulières. Le crédit d’impôt est déjà pratiqué et pourrait simplement être étendu. Les contrats qui lient les écoles privées à l’État pourraient être amendés et étendus aux écoles publiques. Par contre, la modification du système de financement de l’école demanderait un changement de mentalités pour faire accepter que la subvention ne soit pas versée sous forme d’une dotation globale, mais soit attachée à l’enfant scolarisé. Le système anglais des free schools est également simple à mettre en place, mais il supposerait que les enseignants notamment acceptent de changer de statut.

Accorder le libre choix de l’école aux parents dépend avant tout des valeurs que l’on veut défendre, de la place que l’on accorde à la liberté des citoyens et au rôle de l’État. Avec le projet de loi sur le séparatisme, la France semble s’en éloigner un peu plus.


[1]     Charles Arnoux et Liliane Debroas, Bilan des expériences étrangères de financement public du libre choix de l’école. Étude réalisée pour la Fondation Pour l’École – Avril 2012.

[2]     Andrew J. COULSON, “Do vouchers and tax credit increase private school regulation?” Cato Working Papers N°1, Octobre 2010, Cato Institute.

[3]     Alabama, Arizona (4), Floride (2), Géorgie, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Louisiane, Montana, New Hampshire, Nevada, Oklahoma, Pennsylvanie (2), Rhode Island, Caroline du Sud, Sud Dakota et Virginie.

[4]     School Choice in America Dashboard, The Friedman Foundation for Educational Choice: edchoice.org

[5]     https://www.educationnext.org/journal/vol-21-no-02/

[6]     Alabama, Illinois, Iowa, Minnesota et Caroline du Sud.

[7]     Jonathan Butcher, Burke Lindsey M: “The educational debit card. What Arizona Parents purchase with Educational savings accounts”- Feb 2016. The Friedman Foundation for Educational Choice.

[8]     Eric Bettinger, “How do vouchers work? Evidence from Columbia,” World Bank, juin 2007. Jacques Bichot, « Le chèque-éducation : une idée française mise en œuvre à l’étranger », Cahiers de l’éducation N°36 IRIE 2010.

[9]     Suède, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Royaume uni, Irlande du Nord, Pologne, république Tchèque, Hongrie, Italie, Espagne, Suisse, en Europe. USA, Canada, Guatemala, Chili (1980), Colombie, Belize, Australie, Nouvelle-Zélande (1985), Lesotho, <philippines, Bengladesh, Inde, Thaïlande, Inde.

[10]   17 États.

[11]   National Alliance for Public Charter School: https://bit.ly/3cJlRYA.

[12]   James L. Woodworth (2017), “Charter Management Organizations 2017”, Center for research on Education Outcomes Stanford University. “CMO and EMO Public Charter Schools: A growing Phenomenon in the Charter School Sector”, National Alliance for Public Charter Schools. 2018.

[13]   National Center for Educational Statistics.

[14]   https://bit.ly/3gqn49E

[15]   Parmi ces domaines on trouve les sciences, la technologie, les mathématiques, les arts, les études internationales, la préparation à des diplômes internationaux, les langues (en immersion ou non), l’éducation professionnelle.

[16]   https:/bbc.com/news/education/ 

[17]   Hongrie, Japon, Kenya, Russie, Mexique, Corée du Sud, Thaïlande, Royaume-Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, États-Unis.

[18]   Au Royaume Uni, l’école à la maison a augmenté brutalement de 40% entre 2015 et 2018 pour atteindre 130 000 en 2019-2020. Au Canada il y avait plus de 100 000 enfants dans ce système avant la pandémie en 2019-2020. L’Australie n’enregistre que 21 437 enfants mais ils y seraient 55 000 : en effet l’enseignement à distance n’est pas considéré comme « enseignement à la maison ». Aux États-Unis on en comptait 2,5 millions en 2019. En Nouvelle-Zélande, 6000 enfants sont concernés, en Afrique du Sud 500 ; pour la France, Taïwan, Irlande, Allemagne on serait entre 400 et 600 enfants ; au Pays-Bas, Pologne, Suisse, Bulgarie, Brésil, Ukraineet Kenya moins de 100.

[19]   NCES, National Center for Education Statistics – Département de l’Éducation des États-Unis.

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Journal des Libertés

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