Introduction

Les mouvements agricoles observés dans l’Union européenne ces deux dernières années ont été générés par la guerre en Ukraine et les coûts de la transition écologique. L’agression de l’Ukraine par la Russie a déstabilisé les marchés ; l’Ukraine et la Russie étant les deux principaux pays producteurs et exportateurs de céréales et d’oléagineux. La guerre a réduit leur production disponible et favorisé une hausse des prix de ces biens et finalement une hausse des prix des engrais, des matières premières dont l’énergie et des aliments pour les animaux. En moyenne annuelle les prix à la production ont très fortement augmenté en 2022 dans l’agriculture (+20,9 %)[1]. Cette hausse des prix des intrants a limité les revenus agricoles. Elle est un premier facteur explicatif du mécontentement des agriculteurs.

L’autre cause des mouvements agricoles se trouve dans les coûts de la transition écologique. Ces coûts ont les mêmes effets : ils augmentent les coûts de production et baissent les revenus des agriculteurs. Les agriculteurs français, néerlandais et allemands se sont mobilisés contre les mesures qui avaient pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre. En juin 2020, les agriculteurs néerlandais ont protesté contre les projets d’une politique de réduction de 70% des rejets d’azote d’origine agricole dans certaines zones à horizon 2030. L’une des mesures proposées par le gouvernement était de réduire de 30% le nombre des animaux ; dans un pays qui compte quatre millions de bovins, douze millions de porcs et 100 millions de poulets. En Allemagne, l’origine des mouvements sociaux est le prix du gazole pour les tracteurs. En décembre 2023 le gouvernement Scholz annonçait qu’il avait l’intention d’augmenter le montant des taxes sur le diesel agricole. En France le gouvernement voulait augmenter le prix du gazole agricole en supprimant une partie des subventions afin de transformer la fiscalité brune en fiscalité verte. Il envisageait aussi d’augmenter les tarifs des droits d’autorisation pour le pompage des eaux souterraines (hausse du tarif de l’eau), et des droits d’épandage des pesticides (hausse des coûts de l’usage des pesticides), et de limiter l’usage des pesticides eux-mêmes et du désherbant glyphosate en particulier (en lien avec le Green deal de l’Union européenne).

Outre la menace politique qu’elle représente dans cette année d’élection européenne, la crise agricole est l’occasion de réfléchir sur le dirigisme agricole. Car cette crise se produit dans un des secteurs économiques les plus aidés de l’hexagone et des pays de l’Union européenne. L’aide publique à l’agriculture française représente 9,5 milliards d’euros en 2023 (voir la Figure 2 ci-dessous) soit 23 750 euros par an d’aide si on répartit cette somme sur les 400 000 exploitations agricoles que compte la France.

Cet article explique pourquoi les crises agricoles récurrentes dans l’histoire sociale de la France sont en grande partie la conséquence des échecs du dirigisme agricole. La crise de 2023-2024 est ainsi interprétée comme une nouvelle illustration du fait que les ordres sans tête, décentralisé par les prix, sont supérieurs aux ordres centralisé, dirigés par des experts, des savants, des économistes qui par leur connaissance explicite, scientifique seraient capables de limiter les maux des ordres complexes.

Pour comprendre cette crise il faut alors rappeler comment la politique agricole commune a progressivement substituer à la souveraineté du consommateur qui caractérise l’économie de marché, la souveraineté des experts. La politique agricole a transformé dans un premier temps l’entrepreneur agricole en simple producteur. Elle a dans un deuxième temps fait du producteur de biens alimentaires un jardinier de l’espace vivant en grande partie des subventions publiques ; des subventions versées en fonction de la superficie d’espace rural qu’il entretient pour la collectivité. Elle a enfin avec la politique « de la ferme à la fourchette » décidé de changer les modes de vie alimentaire des consommateurs qui seraient mauvais pour leur santé et le climat. La conséquence est une immixtion sans précédent de l’administration dans les choix technologiques et économiques des agriculteurs. La crise de 2024 doit pour cette raison être interprétée comme un conflit social de nature quasi public, à travers lequel les agriculteurs cherchent à négocier le tarif que le gouvernement devra leur payer pour réaliser ce qu’il estime être de l’intérêt de tous. C’est contre cette logique dirigiste qui crée l’assistanat qu’il faut lutter si l’on veut redonner aux entrepreneurs agricoles leur place dans la coordination des marchés et finalement substituer à la souveraineté, européenne ou nationale, la souveraineté du consommateur qui est le meilleur garant de l’efficience, c’est-à-dire, de l’affectation des ressources rares vers les secteurs les plus valorisés par les consommateurs. Le libre-échange peut rétablir l’harmonie et la dignité des agriculteurs.

Cet article rappelle dans un premier temps l’importance du rôle des entrepreneurs agricoles dans le fonctionnement des marchés (1) puis explique successivement comment la politique agricole commune a transformé ces entrepreneurs en producteur (2) puis, progressivement à partir de la réforme de 1992, en jardinier de l’espace rural (3) et en bras armé des experts de l’Union européenne (4). L’ultime étape du dirigiste est de substituer aux préférences des consommateurs une demande sociale d’environnement hypothétique qui ne fait que représenter les préférences d’une partie des élites politiques et administratives européennes (4). C’est cette politique qui a rendu les agriculteurs totalement dépendant dans leur pratique quotidienne des réglementations européennes et avec laquelle il faut rompre (5). Une telle rupture suppose que l’on pense autrement la transition écologique et climatique.

1. L’entrepreneur agricole

Dans une économie décentralisée par les prix ou une économie de libre contrat, l’entrepreneur est à l’origine du changement, des ajustements. Il est l’agent du changement parce qu’il est celui qui perçoit les opportunités de profit, les échanges mutuellement avantageux sur le marché qui n’ont pas encore été exploités par les autres intervenants sur les marchés. L’entrepreneur révèle par son action une information sur le prix ou les coûts qui n’est pas connue. Il réduit les poches d’ignorance. Il saisit un profit parce qu’il identifie qu’il peut vendre plus cher qu’il n’achète, qu’il peut vendre demain plus cher qu’il n’a acheté aujourd’hui et/ou proposer une nouvelle manière de travailler qui baisse les coûts de production et lui permet d’augmenter ses ventes et/ou un nouveau produit qui déplace la clientèle en créant un nouveau marché. La recherche de profits ou d’échanges mutuellement avantageux encore inexploités est la principale fonction des entrepreneurs qui, pour réaliser les profits potentiels identifiés, prennent un risque, un risque entrepreneurial. Alors que le profit est incertain, le salaire est certain, dans le cadre du contrat de travail.

D’un point de vue comptable, le profit (π) est la différence entre le chiffre d’affaires (p . q), les prix par les quantités vendues, moins les coûts de production (C).

avec C = charges de mécanisation[2]  + charges opérationnelles[3]  + charges fixes[4].

L’entrepreneur agricole est dirigé par le profit. Il ne maintient son activité que s’il dégage un profit positif et que si le montant de ce profit n’est pas trop inférieur à celui qu’il estimerait pouvoir réaliser en affectant ses ressources en capital physique et technique et en capital humain à une autre activité. L’entrepreneur agricole quitte l’agriculture pour un travail salarié ou une autre activité entrepreneuriale si ses profits agricoles sont inférieurs aux profits qu’il obtiendrait en transformant sa ferme en hôtel ou en logement d’habitation, et ses terres en entrepôt.

Ces choix des entrepreneurs sont ainsi fonction de la variation des prix, des prix qui l’informent de la disposition à payer des consommateurs, de la valeur qu’ils attribuent aux biens agricoles, mais aussi des coûts de production des autres entreprises agricoles. Si les prix baissent c’est que la demande de biens agricoles a baissé ou qu’une entreprise concurrente a proposé un prix plus bas grâce à une combinaison productive plus économe en ressources rares. Une entreprise agricole qui ne réussit pas à faire face à la concurrence ou à l’évolution des goûts des consommateurs est menacée de faillite parce qu’elle est devenue inefficiente par rapport aux conditions du marché. Cela rappelle que l’économie de marché, l’ordre du libre contrat, exige des entrepreneurs une constante adaptation aux nouvelles conditions du marché. C’est ce qui explique l’incertitude qui entoure l’activité entrepreneuriale et la recherche de profit.

2. La transformation des entrepreneurs agricoles en producteur

La politique agricole commune (PAC) va transformer les entrepreneurs agricoles en producteurs, en exploitants agricole. Un producteur n’a qu’une fonction, produire la plus grande quantité de biens avec la plus petite quantité de ressources. Il se désintéresse des débouchés, des conditions de vente de son produit.

Les politiques de prix-minima en agriculture sont les conditions d’une telle transformation. Cette politique débute dès le Traité de Rome (1957) qui, par ses articles 38 à 47 du titre II, traduit l’intérêt des autorités européennes pour la question agricole. Les principes de cette politique sont définis en 1957 puis mis en œuvre progressivement à partir de 1962 sur de nombreux marchés : céréales, riz, produits laitiers, viandes (bovine, porcine et ovine), fruits et légumes et vin. Les préférences de la PAC sont l’unicité du marché, la préférence communautaire et la solidarité financière. Il s’agit de protéger les revenus des agriculteurs de la volatilité des prix, mais aussi d’aider le modèle d’exploitation familiale à gagner en efficacité productive et économique. A ces fins, la PAC joue sur les prix, les quantités et les coûts. Elle garantit un prix-minima et un débouché. Elle taxe les importations et subventionne les exportations. Elle aide à la modernisation des exploitations agricoles. Elle vient résoudre un problème spécifique des marchés agricoles, l’extrême volatilité des prix.

La forte volatilité des prix agricoles est généralement expliquée par la conjonction de deux caractéristiques de l’offre et de la demande de biens agricoles. La demande de biens agricoles est rigide car la taille de l’estomac des consommateurs est limitée. La demande de biens agricoles n’augmente pas avec les revenus. La part des dépenses des ménages en biens agricoles a même tendance à baisser (loi d’Engel). L’offre de son côté s’adapte très difficilement aux variations des prix parce qu’un pommier ne produira jamais que des pommes et que la quantité de pommes produites n’est pas une variable contrôlée par l’exploitant.

La conjonction de ces caractéristiques de l’offre et de la demande soumet les marchés agricoles à la loi de King qui constate que les recettes agricoles varient en sens inverse de la récolte. Si la récolte est très volumineuse, il y a excès de production et baisse des prix. Ces caractéristiques des marchés expliquent la grande incertitude qui pèse sur les revenus agricoles et l’existence de surproductions chroniques qui relèvent plus de l’absence de maîtrise du climat et des processus naturels que d’erreurs de la part des entrepreneurs agricoles.

Face à ces difficultés les entrepreneurs agricoles adoptent plusieurs stratégies qui dépendent des prix de marché, des prix des biens agricoles mais aussi des prix des intrants. i) Ils mettent en commun leurs outils de production (coopérative agricole et syndicat boutique[5]), ii) signent des contrats d’assurance récolte pour gérer les risques, iii) investissent dans la maîtrise de la chaîne du froid afin de stocker leurs marchandises et de les écouler à un meilleur prix sans les perdre, iv) innovent en créant de nouveaux labels (le bio, le terroir, etc.), v) augmentent les surfaces exploitées et la taille de leurs exploitations, vi) modifient leur combinaison productive pour accroître le rendement de leurs activités en mobilisant du mieux qu’ils peuvent le progrès technique, et/ou vii) décident finalement de réorienter leur capital dans d’autres activités plus lucratives et moins risquées.

Ces solutions ont permis au moins depuis le Xème siècle de répondre à la demande croissante de nourriture générée par la hausse de la population et de contredire la thèse Malthusienne. Les conséquences de ces solutions aux limites supposées des ressources alimentaires mondiales ont été la baisse du nombre des exploitations, la concentration des terres, l’exode agricole et une profonde modernisation des techniques agricoles.

L’exode agricole, la vente de sa terre, héritée des générations passées sont des traumatismes, des maux sociaux. Des maux qui peuvent inspirer l’action d’entrepreneurs politiques qui perçoivent dans la mise en œuvre d’une politique agricole qui bloquerait ces évolutions des opportunités de gains électoraux. « Moi le gouvernement, je suis capable de bloquer ces évolutions qui vous obligent à quitter votre terre.» La question agricole devient une question politique. Le gouvernement et les partis politiques qui sont en concurrence pour le pouvoir s’opposent et proposent des solutions pour aider, protéger les agriculteurs. Les agriculteurs eux-mêmes comme toutes les professions peuvent identifier dans l’action publique l’opportunité non plus de saisir un profit, mais la possibilité de capter une rente. Cette rente (R) est la différence entre ce qu’il aurait gagné sur le marché w et ce qu’il gagne grâce à la politique de redistribution du gouvernement (Y) ; soit . Car, comme toutes les politiques publiques, la politique agricole prend aux consommateurs et aux contribuables pour donner aux agriculteurs. Les coûts sont diffus puisqu’ils touchent un très grand nombre de contribuables et de consommateurs peu organisés alors que les bénéfices sont concentrés. Un petit nombre d’agriculteurs touche les aides publiques – on a dit 400 000 exploitations aujourd’hui.

En 1957 date à laquelle a été mise en œuvre la PAC le nombre des agriculteurs était beaucoup plus important. En cinquante ans le nombre des exploitations agricoles a été divisé par quatre. Ces exploitations étaient plus de 1,5 millions en 1970. Le vote agricole a donc perdu de son importance, mais un intérêt mutuel chez les administrateurs publics et les syndicats agricoles à maintenir ces politiques coûteuses aux coûts diffus et aux bénéfices concentrés reste bien présent.

Dans un premier temps, la PAC va traiter les difficultés des agriculteurs par i) une politique de prix-minima ou plancher, ii) l’application d’un principe de préférence communautaire qui protège les entreprises agricoles de la concurrence mondiale et iii) le versement de subventions pour moderniser les exploitations et baisser les coûts de production (hausse de la productivité). Ce sont ces politiques qui vont remplacer les entrepreneurs agricoles en producteur.

La politique de prix minima ou plancher devait garantir aux producteurs un revenu minimum via un prix de vente minimum. Des offices rachetaient les céréales, le beurre, le fromage, le sucre, etc. aux prix minima. Cette politique eut deux effets : une baisse de la consommation et une surproduction structurelle. Comme le prix-minima est supérieur au prix de marché la quantité demandée est réduite (sous consommation Figure 1), le bien étant plus coûteux, et la quantité offerte augmente (sur production Figure 1).

Les agriculteurs ne se préoccupent plus des débouchés, de la disposition à payer des consommateurs. Ils se contentent de produire. Plus ils produisent plus ils reçoivent d’aides publiques. Le seul objectif d’un producteur est de produire les plus grandes quantités possibles de biens agricoles. Ce qui explique le succès productif de la PAC, mais aussi son échec économique. On peut envoyer une fusée sur la lune comme l’URSS et ne pas être pour autant efficient, économe en ressources. On a juste investi toutes les ressources du pays dans ce projet de prestige. La Corée du Nord actuellement est probablement efficace sur son programme d’armement, cela ne veut pas dire que son économie soit efficiente. L’effet positif de la PAC sur la production agricole est renforcé par toutes les mesures de modernisation de l’exploitation qui augmentent la productivité, les rendements, à l’hectare et par tête d’animaux, des exploitations.

Figure 1 : Effet d’une politique de prix plancher ou minima sur l’équilibre quantité – prix sur les marchés agricoles

L’autre conséquence de la PAC est d’augmenter les coûts diffus pour les consommateurs et les contribuables. Les coûts budgétaires sont supportés par les contribuables européens qui doivent payer pour garantir aux agriculteurs un revenu minimum ou décent. La France a longtemps bénéficié des budgets agricoles européens, mais elle est, depuis la création de l’UE, contributeur net : elle reçoit moins qu’elle ne paie. La PAC coûte finalement indirectement de l’argent aux contribuables français.

Au coût budgétaire s’ajoute le coût de la politique de préférence communautaire qui augmente le prix des importations par la mise en œuvre de droits de douane et encourage les exportations par des politiques de subvention à la vente des biens agricoles hors de l’Union. Les aides à l’exportation étaient le seul moyen pour les autorités politiques d’écouler la production rachetée à haut prix et de limiter les coûts pour le contribuable d’une telle politique. Les droits de douane sur le bien importé qui devaient assurer l’autosuffisance alimentaire étaient aussi un moyen d’équilibrer les comptes publics agricoles, mais ils se sont avérés insuffisants.

La politique des prix-minima et l’ensemble des aides publiques ont donc distordu tous les calculs économiques des agriculteurs qui n’étaient plus dirigés par les consommateurs et leurs dispositions à payer (valeur), mais par le montant des aides que les administrations publiques nationales et européennes fixaient généralement sur une base comptable et politique.

Ce choix politique de 1957 a alors placé les autorités européennes sur une pente glissante. Car les prix planchers (minima) provoquent la surproduction (Figure 1), qui inspire la mise en œuvre de politiques de quotas sur le sucre puis à partir de 1984 sur le lait. Des politiques de quotas qui se sont avérées insuffisantes pour réduire la surproduction et qui ont conduit à la mise en œuvre de politiques encore plus autoritaires comme la jachère. La politique agricole génère donc ses propres maux et impose de nouvelles politiques qui elles-mêmes provoquent de nouveaux déséquilibres…

3. La transformation des producteurs en jardinier de l’espace

L’un de ces maux est la dégradation de l’environnement[6]. Le productivisme agricole a conduit les agriculteurs à mettre en péril les équilibres des écosystèmes. L’État a massivement subventionné l’assèchement des zones humides, lieu de biodiversité, l’arasement des haies, la mécanisation des outils de production, le recours à la chimie pour augmenter les rendements. Toutes ces mesures ont exposé les agriculteurs à des risques sanitaires pour un gain en termes de rendement de moins en moins important.

La solution ne fût pas de revenir au libre marché et à ses règles de propriété et de responsabilité (gestion des risques liés aux produits défectueux) mais de faire évoluer les règles de distribution des aides publiques et de transformer les entrepreneurs agricoles en jardiniers de l’espace rural.

La réforme Mac Sharry de 1992 annonce cette transformation et inspire toutes les réformes de 1999 (Agenda 2000, 2003, 2015 et 2023). Le diagnostic de cette réforme était que la PAC avait été un succès productif (hausse de la production européenne), mais qu’elle était trop coûteuse pour le budget européen. Elle était aussi jugée inégalitaire ou régressive : 80% du soutien européen était en effet affecté à environ 20% des exploitations (Ledent et Burny 2002, p.98[7]). La PAC avait enfin favorisé l’adoption d’un modèle d’agriculture intensif à l’origine d’importantes externalités négatives (pollution de l’eau, destruction des paysages, pollution de l’air, etc.).

Sans toucher aux principes fondateurs de la PAC (unicité du marché, préférence communautaire et solidarité financière), la réforme de 1992 introduisit l’idée que l’agriculteur produit deux types de biens, des biens agricoles et des aménités rurales (entretien des paysages, biodiversité, eau, air, chemin, etc.). Les agriculteurs ne sont plus seulement des producteurs de biens alimentaires. Ils deviennent des jardiniers de l’espace. La réforme de 2003 formalise cette double fonction de l’agriculture en instaurant le découplage des aides. Il y a les aides découplées, les aides couplées et les aides facultatives. Le découplage des aides structure toutes les réformes de la PAC de 2003 à la réforme de 2023. Le montant des aides européennes est stable en volume constant depuis 2000 (Figure 2), mais la composition des aides a beaucoup changé. Désormais l’UE distribue très majoritairement des aides découplées de la production et conditionnées à des services agro-environnementaux.

Figure 2

Subventions à l’agriculture en milliards d’euros (2000-2023)

Source : INSEE. Les subventions agricoles. Données annuelles. Lien : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2389212 (consulté le 04/03/2024). Les subventions à l’agriculture comprennent les subventions sur les produits (aides associées à certains types de production), qui ont pour la plupart disparu en 2010, et les subventions d’exploitation, entièrement restructurées dans le cadre de la PAC 2015, telles que le paiement de base (DPB), le paiement vert (aide agro-environnementale), les aides pour calamités agricoles.

Après avoir transformé les agriculteurs en producteur, la PAC fait ainsi des agriculteurs des jardiniers de l’espace rural, des producteurs d’aménités rurales. La première PAC agissait sur le prix dans l’équation de profit. La seconde PAC accroît le montant des subventions à l’agriculture. Désormais les agriculteurs qui réussissent le mieux sont aussi ceux qui se donnent les moyens de maximiser le montant des aides publiques qu’ils reçoivent. On peut réécrire l’équation de profit de la manière suivante : avec a1 les aides découplées, a2 les aides couplées et a3 les aides facultatives.

i)  Les aides découplées (a1) sont calculées n’ont pas sur la base de la production mais de la superficie de l’exploitation (nombre d’hectares). Elles sont égales à la somme des droits à paiement de base (DPB), des éco-régimes (er), des paiements Redistributifs (pR).

ii) Les aides couplées (a2) sont aussi calculées par hectare pour le végétal mais diffèrent d’un type de productions à l’autre. L’UE donne en 2023 150 euros/ha pour les légumineuses fourragères mais seulement 61 euros/ha pour du blé dur. Pour la production animale l’aide est calculée par UGB (unité de gros bétail) viande et non viande et atteint en 2023 110 euros/UGB. Il s’agit d’une aide calculée sur les quantités produites.

iii) Les aides facultatives dépendent de l’âge de l’exploitant, de la localisation des terres (Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels ICHN), du respect des normes agriculture bio, de la mise en œuvre de Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) et du besoin d’une assurance récolte[8].

La conséquence de ces aides est qu’une partie non négligeable des exploitations agricoles françaises a un excédent brut d’exploitation négatif hors aides publiques (Figure 3). Sans subvention, 28% des exploitations auraient eu un excédent brut d’exploitation négatif contre 4,7% après prise en compte des subventions. 66,7% des exploitations de viande bovine en 2020 avaient un Excédent brut d’exploitation négatif hors subvention. Ce qui signifie que sur un marché ce type d’entreprise n’aurait pas sa place. Cela ne veut pas dire que la filière viande disparaitrait sans aide, car dans un autre contexte institutionnel – lorsque d’autres règles du jeu économique prévalent – les entrepreneurs agricoles auraient travaillé autrement, produit d’autres types de bien, augmenté le degré d’intégration à l’agro-industrie[9], mobilisé de nouvelles technologiques, etc. Ils se seraient adaptés aux conditions du marché. Car sans ses innovations ils n’auraient de toutes les façons pas pu maintenir leur activité.

Figure 3

Excédent brut d’exploitation en 2020 et aide publique

Source : GRAPH’AGRI 2022. Lien : https://bit.ly/43yqgHl (consulté le 04/04/2024). Résultats économiques de l’agriculture. Il y a deux manières de calculer l’excédent brut d’exploitation (EBE). On peut calculer l’EBE grâce au chiffre d’affaires. EBE=Chiffre d’affaires + aides publiques – achats consommés – consommation en provenance d’un tiers – charges de personnel – impôts et taxes. On peut aussi le calculer en fonction de la Valeur Ajoutée (VA).

Cela permet de comprendre pourquoi la PAC maintient un bon nombre d’agriculteurs dans des trappes d’inefficience. Cela est inefficient pour la société parce que cela maintient dans une activité des capitaux humains et physiques (terre, installation, etc.) qui auraient pu être mieux rémunérés, mieux utilisés par d’autres activités. Cette trappe d’inefficience maintient un temps des agriculteurs sur leurs exploitations, mais à long terme n’empêche pas l’exode agricole. La PAC n’a d’ailleurs jamais réussi à bloquer l’exode. Elle a seulement retardé le moment où les enfants d’agriculteurs décident de ne pas reprendre la ferme de leurs parents.

Plus grave encore il est vraisemblable que la PAC ait eu un effet négatif sur l’attractivité du secteur agricole. L’agriculture apparaît aux jeunes comme un métier difficile (beaucoup d’heures de travail), sédentaire (élevage), sans vacances, exposé au risque du célibat[10] et de phénomène de migration matrimoniale, et faiblement rémunérateur. Ces inconvénients pourraient être compensés par l’autonomie qui est l’une des valeurs les plus fortes de la classe entrepreneuriale : « Je sais que je pourrais être mieux rémunéré en tant que salarié dans une entreprise mais je tiens à ma liberté ». C’est là que la réglementation agricole induite par l’orientation agro-environnementale de la PAC a un effet sur l’attractivité des métiers agricoles. L’agriculture est faiblement rémunératrice et en plus elle ne permet plus d’être libre. La PAC a fait des paysans des quasi-fonctionnaires de la collectivité qui doivent rendre des services publics contre une rémunération le plus souvent insuffisante. En contraignant tous les choix des entrepreneurs agricoles, la PAC a rogné sur l’une des principales motivations des agriculteurs, le désir d’autonomie, de souveraineté du paysan sur sa terre.

Ce travail de jardinier de l’espace rural est rémunéré sur la base d’un calcul budgétaire et non d’un calcul économique. Le calcul économique construit sur les prix de marché qui contiennent une information sur les dispositions à payer des consommateurs. Le calcul budgétaire est la conséquence d’un arbitrage politique entre différents usages des recettes fiscales. Les autorités européennes fixent en fonction de ses autres priorités le montant du budget qu’elles affectent aux paiement des services environnementaux que les agriculteurs vont rendre à la collectivité.

Pensée initialement comme le paiement des externalités positives que les agriculteurs rendent à la collectivité, les politiques agro- environnementales sont progressivement devenues des politiques de paiement pour des services que les agriculteurs ne rendent pas spontanément à la collectivité. Du paiement pour un produit joint à la production des biens agricoles, comme la production des paysages ruraux ou l’entretien de l’espace, on est passé à la production de services publics, de services spécifiques. Le montant des aides publiques ne compense pas ou plus suffisamment les coûts pour les agriculteurs de la mise aux normes de leurs pratiques.

Dans l’équation de profit cela signifie que les coûts induits par la réglementation européenne sont, pour de nombreuses exploitations, supérieurs aux montants des aides publiques. Tous les coûts de production sont impactés par la réglementation. La réglementation augmente le prix des nombreux intrants de la fonction de production des agriculteurs. A ces coûts s’ajoutent les impôts, les taxes sur chaque intrant et les charges sociales sur le travail qui rognent encore un peu plus les profits agricoles :

avec

C = charges de mécanisation + charges opérationnelles + charges fixes   + charges sociales + impôts + taxes + coût de la mise aux normes

Pour percevoir les aides publiques à l’agriculture depuis la réforme de 2003 les agriculteurs doivent mettre leurs bâtiments d’exploitation aux normes. Le non-respect d’un règlement sanitaire ou des procédures de déclaration ou d’autorisation « Installation classée pour la protection de l’environnement » (ICPE) peut empêcher une exploitation d’accéder aux aides financières prévues. Souvent la mise au norme est beaucoup plus coûteuse que l’aide publique.

Aux coûts de la mise aux normes s’ajoutent ensuite les effets de ses normes sur le rendement de l’exploitation. Les normes de bien-être animal augmentent par exemple les coûts de production structurellement. Les œufs de poules élevées en plein air coûtent plus chers que les œufs des poules élevées en cage. Si l’UE interdit l’élevage en cage et impose des normes sur l’élevage en batterie, puis décide d’interdire l’élevage en batterie, les coûts pour les éleveurs de gallinacés sont prohibitifs puisqu’ils se sont ajustés aux normes, mais pour rien puisque la norme a été réajustée et est devenue plus restrictive. On retrouve l’argument de la pente glissante : alors que sur un marché le bien-être animal peut devenir un argument de vente, un moyen de se différencier des autres entreprises, dans une logique dirigiste, ce n’est qu’un coût et ce coût est infini. Car la logique du régulateur est toujours plus de bien-être pour les animaux, ce qui conduit finalement à la fin de l’élevage et de la soumission des animaux à l’homme comme l’indique l’expression « animal domestique ».

La dernière illustration de ces coûts supplémentaires partiellement compensés et à l’origine d’importantes distorsions de marché est la réglementation des pesticides (herbicides, fongicides et insecticides). Les pesticides ne se sont généralisés en agriculture que parce qu’ils sécurisaient les rendements des agriculteurs face aux aléas climatiques qui favorisent les champignons, et l’apparition de ravageurs qui déciment les récoltes. Là encore la réglementation crée de l’incertitude, car l’idéal est toujours le zéro pesticide. L’agriculture entre dans un engrenage dont il est difficile de sortir. D’autant que si certains consommateurs sont prêts à payer pour des biens agricoles sans pesticide, d’autres ne le sont pas. Si la demande n’est plus suffisante et qu’il est interdit de revenir en arrière, alors c’est toute une filière qui s’effondre.

Si on ajoute à l’ensemble de ces coûts, l’ensemble des charges sociales et fiscales et la faible intégration verticale de l’agriculture française on comprend mieux encore pourquoi les agriculteurs n’arrivent pas faire face à la concurrence mondiale.

La défense du modèle familiale a pour conséquence de bloquer la concentration des terres, mais aussi d’empêcher la grande distribution de produire directement les biens alimentaires dont elle a besoin pour répondre à la demande de ses clients. La conséquence est le maintien d’exploitations trop petites et insuffisamment équipées (sous-capitalisées). L’absence d’intégration verticale de l’agriculture française à l’agro-industrie est un réel handicap. Le problème n’est pas en ce sens le libre-échange, mais les conditions institutionnelles que le gouvernement offre aux entrepreneurs agricoles. De mauvaises institutions détournent les entrepreneurs de l’agriculture. Le niveau des profits relatifs étant largement insuffisant par rapport aux autres opportunités qui s’offrent aux entrepreneurs dans les autres secteurs. La crise agricole est avant tout une crise institutionnelle, la conséquence de mauvaises règles du jeu.

4. La nouvelle PAC et l’éviction des préférences des consommateurs

La crise agricole est bien la conséquence de cette pente glissante réglementaire. La stratégie « de la ferme à la fourchette »[11] (“Farm to Fork” ou “F2F”) qui qualifie la réforme de 2023 renforce la nature restrictive des normes européennes et la radicalité du dirigisme économique de la PAC puisqu’elle substitue aux consommateurs, à leurs préférences, les préférences des experts et de quelques représentants des autorités européennes qui profitent de leur pouvoir pour engager l’UE dans un changement profond de culture alimentaire.

Après avoir transformé l’entrepreneur agricole en producteur et en jardinier de l’espace, l’administration européenne se propose de prendre la place d’un consommateur dont elle juge les pratiques alimentaires dangereuses pour la santé et le climat. Pour bien comprendre cette ultime évolution de la PAC il faut rappeler succinctement l’origine politique de la stratégie de la ferme à la fourchette de l’UE.

Cette politique a été portée en particulier par l’action du député européen LREM, ancien ministre de l’écologie du Président François Hollande et membre de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement Européen, Pascal Canfin[12]. Elle a aussi été soutenue par le Ministre français de l’agriculture, Julien Denormandie. Elle lie la transition climatique et la politique agricole. Elle a deux objectifs : i) augmenter la part dans la surface agricole utile européenne consacrée à l’agriculture biologique à 25% en 2030 au lieu de 9,1% en 2020 et ii) réduire l’usage des pesticides de 50% d’ici 2030. Elle révèle les nouveaux principes qui guident la politique agricole européenne, la philosophie du Pacte vert.

La stratégie F2F repose en effet sur deux constats accablants pour le modèle agricole européen et plus généralement les modes de vie alimentaire des européens. Car la base de la politique F2F est une critique du régime alimentaire des européens qui serait mauvais pour leur santé[13] et leur environnement. Les agriculteurs européens répondent à une demande de biens alimentaires qui est polluante (viande) car à l’origine de l’émission de 10,7% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union en 2021 et d’une importante perte de biodiversité. Il y a en ce sens dans cette politique (F2F) une radicalité culturelle qu’il ne faut pas sous-estimer. Elle est anti-entrepreneuriale et anti-libérale. Elle s’applique de plus aux négociations sur le commerce mondial. Et a des conséquences protectionnistes. Tous les contrats commerciaux avec les autres pays tiendront compte des nouvelles normes écologiques de l’UE. La stratégie F2F possède en son sein une posture protectionniste, un principe de réciprocité, « j’ai des normes exigeantes tu dois faire de même ».

La conséquence est une hausse des prix des biens agricoles, une baisse des exportations des agriculteurs des pays les plus pauvres, une absence de développement et une plus forte pression migratoire, car tout ce qui se fait contre le développement des pays pauvres crée les conditions de l’immigration.

La stratégie F2F a aussi pour effet d’augmenter à termes les dépenses publiques agricoles, car la réglementation génère de nouveaux coûts pour les acteurs qui vont chercher à les externaliser sur l’ensemble de la communauté européenne. Si la règle n’est pas abrogée mais que ses coûts de mise en conformité ne sont plus à la charge de l’agriculteur, ce sont tous les consommateurs–contribuables qui les paient. C’est d’ailleurs l’un des leviers de la négociation avec les agriculteurs. Il faut s’imaginer que les agriculteurs sont devenus les salariés de l’UE. Les mouvements agricoles sont comme des grèves. Les agriculteurs négocient avec leur employeur une hausse de leur salaire, entendez ici des subventions publiques pour mettre leurs pratiques en conformité avec les attentes de l’UE. La stratégie F2F est donc une nouvelle étape dans le dirigisme agricole puisque son ambition est de changer les préférences des consommateurs. En attendant les effets sur les mentalités des campagnes de presse et du changement des programmes scolaires, les autorités européennes imposent leurs préférences alimentaires aux consommateurs en subventionnant un type de bien agricole au détriment d’un autre. L’agriculteur bio est privilégiée et la viande bovine ciblée via les politiques de réduction de l’azote émis par la production agricole (politique néerlandaise).

5. Rompre avec le dirigisme agricole

La conséquence prescriptive de cette analyse positive (ce qui est) est que la nouvelle PAC n’est pas seulement insoutenable financièrement pour les agriculteurs qui ont des coûts de mise en conformité aux réglementations parfois supérieurs aux aides publiques qu’ils reçoivent, elle est aussi une menace pour la souveraineté alimentaire des consommateurs et la capacité des agriculteurs français à répondre aux enjeux de l’agriculture de demain.

Les alternatives politiques existent. Elles passent par le retour de l’entrepreneuriat agricole et le libre-échange, c’est-à-dire, une orientation des marchés agricoles qui se fait par la demande et les consommateurs et non par les préférences des autorités politiques nationales et européennes. Cette rupture avec le dirigisme agricole serait un moyen de sortir de cette pente glissante sur lequel la PAC a placé la profession agricole et l’ensemble des consommateurs de biens alimentaires. La solution n’est ni dans la mise en œuvre des prix-planchers[14] qui ont fait la preuve de leur inefficience (Figure 1), ni dans l’augmentation des aides agricoles contre paiement de services environnementaux qui renchérissent le montant des impôts pour les contribuables et placent un bon nombre d’agriculteurs dans une trappe d’inefficience[15]. Elle est dans la liberté d’entreprendre des agriculteurs et la liberté de choix des consommateurs[16]. Les agriculteurs et leurs syndicats doivent renoncer aux aides publiques pour reprendre leur liberté et pouvoir exploiter pleinement leurs talents entrepreneuriaux et les potentialités de la IVème révolution technologique[17]. La solution est aussi dans une baisse des charges et des impôts, une libéralisation du marché de la terre qui doit permettre aux propriétaires de s’adapter au réchauffement climatique et à la valeur de leurs biens et une confiance accrue dans les solutions judiciaires et les règles de responsabilité en cas de dommage pour gérer la pollution agricole.


[1]    Coltier, Y., A., Gourdol, B., Lutinier, S-E., Maillefert, G., Verriest 2023. « Les prix de production connaissent une hausse inédite en 2022 mais décélèrent en fin d’année », INSEE FOCUS n°296. Lien (consulté le 04/03/2024) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7454950.

[2]    Les charges de mécanisation incluent l’achat et l’entretien des tracteurs, des moissonneuses, des semoirs, des ensileuses et toutes les machines nécessaires à la production agricole.

[3]    Les charges opérationnelles sont variables car elles dépendent de la surface cultivée et du nombre d’animaux élevés. Elles dépendent des prix de différents intrants : les engrais, les semences, les plants, les produits de protection des végétaux, du gasoil non routier, des aliments pour bétail, des produits et frais vétérinaires, des produits pour la reproduction animale, des animaux et des emballages.

[4]    Les charges fixes sont l’amortissement du matériel et des bâtiments, les loyers (fermage ou métayage), les frais d’entretien du matériel, les frais de personnel (salaire), la prime d’assurance, les fournitures de bureau, le recours à un comptable, etc.

[5]    La mutualisation des machines agricoles par l’adhésion à une CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole) est un moyen de réduire les coûts de la mécanisation.

[6]    Facchini, F. (1995), « La qualité de l’environnement, nouvel enjeu de la réforme de la politique agricole commune. » Politiques et Management Public, 13 (1), 29-54.

[7]    Ledent, A. et P. Burny (2002), La politique agricole commune. Des origines au III° millénaire, Presses agronomiques de Gembloux.

[8]    On peut consulter le site « Calculez vos aides PAC » grâce au lien : https://conseilenagriculture.fr/calculer-aides-pac/ (consulté le 04/04/2024)

[9]    Facchini, F. (2000), « Coordination économique et droit rural », Revue Droit Rural, décembre pp.614-620, Editions du Juris-Classeur. http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00270703

[10]   Facchini, F. et R., Magni Berton (2010), « Politiques publiques d’installation et célibat des agriculteurs », Politique et Sociétés, 29(2), 47–64.

[11]   « “De la ferme à la table” : la stratégie de l’Union européenne pour verdir l’agriculture. » Lien : https://bit.ly/3VAEVji (consulté le 26/02/2024).

[12]   Pour un portrait et une description des actions engagées par Pascal Canfin on peut se reporter à l’article publié dans « T » La Revue de La Tribune n°6 – PLANETE MON AMOUR – Réparons les dégâts ! octobre 2021 – https://bit.ly/43vlQAV (consulté le 25/02/2024).

[13]   Dans une « Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Une stratégie de la ferme à la table pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement » en date du 20 mai 2020 on lit en page 15 : « Les comportements alimentaires actuels ne sont pas durables, tant du point de vue de la santé que du point de vue de l’environnement. Alors que, dans l’Union, les apports moyens en énergie, en viandes rouge, en sucres et en matières grasses continuent de dépasser les recommandations, la consommation de céréales complètes, de fruits et légumes, de légumineuses et de fruits à coques est insuffisante. Le passage à un régime alimentaire plus végétal avec moins de viandes rouges et transformées et plus de fruits et légumes réduira non seulement les risques de maladies potentiellement mortelles mais aussi l’incidence environnementale du système alimentaire. Selon les estimations, plus de 950 000 décès (un sur cinq) et plus de 16 millions d’années de vie en bonne santé perdues dans l’Union en 2017, principalement en raison de maladies cardiovasculaires et de cancers, étaient imputables à des régimes alimentaires peu sains. Le plan de lutte contre le cancer proposé par l’UE comprend, dans le cadre des actions de prévention du cancer, la promotion de régimes alimentaires sains ». Lien : https://bit.ly/3TTMy33 (consulté le 16/02/2024).

[14]   Le gouvernement de Gabriel Attal envisage aujourd’hui sérieusement cette solution proposée par le candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon en 2022. LFI annonçait un prix plancher pour les agriculteurs, des aides pour installer les nouveaux agriculteurs, un plan de lutte contre l’artificialisation des sols, une planification pour réduire les engrais, les pesticides, et un protectionnisme écologique pour défendre les circuits courts.

[15]   Cette solution est indirectement celle du gouvernement de Gabriel Attal lorsqu’il répond à la crise par une dotation supplémentaire de 400 millions d’euros sans remise en cause des principes qui guident la nouvelle PAC. Elle avait été en son temps soutenue par les candidats de la gauche à la présidentielle de 2022 : Anne Hidalgo (Parti Socialiste), Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) et Yannick Jadot (Europe, Ecologie, Les Verts). Ces derniers soutenaient l’idée qu’il fallait redéployer les politiques publiques vers le paiement des services écosystémiques de l’agriculture agro-écologique et bio. L’objectif est toujours le même : subventionner l’agriculture qui sert ce qu’ils estiment être le bien commun contre l’agriculture productiviste. Voir : « Présidentielle 2022 : on vous résume le programme de Marine Le Pen », Caroline Sénécal le 15/04/2022 pour le journal Challenge. https://bit.ly/3IUlWbM

[16]   Facchini, F. et P. Garello (2014), « Solutions de laisser faire et avenir de la PAC après 2013 », dans Lamotte, H. et M. Falque, Ressources agricoles et forestières, Bruylant, disponible sur HAL, ⟨hal-01286656⟩

[17]   La révolution numérique devrait conduire à une nouvelle forme d’agriculture, l’agriculture 4.0. Cette agriculture devrait pourvoir générer d’importants gains d’efficience pour tous les propriétaires et agriculteurs qui le souhaitent. Cette agriculture 4.0 ouvre la voie à la ferme intelligente où les machines agricoles sont interconnectées via des capteurs, des drones, des images satellites qui collectent des données en temps réel et permettent d’optimiser l’usage des intrants pour chaque parcelle, chaque animal. Mais aussi à la robotisation et la baisse des heures passées à des tâches pénibles et peu valorisées par le marché. Contrairement à une croyance répandue,  il existe d’importants gains de productivité potentiels dans le secteur primaire ; encore faut-il laisser les entrepreneurs les exploiter. Pour que cette révolution technologique ait ses chances, une révolution institutionnelle doit avoir lieu.

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François Facchini

François Facchini est Professeur Agrégé des Universités en Sciences Économiques. Il est en poste à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et responsable du Programme Politiques Publiques du Centre d’Économie de la Sorbonne (CES). Il a récemment publié Les dépenses publiques en France, De Boeck Supérieur (2021).

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