Le sous-titre est explicite : « Droite et gauche unies dans l’erreur ». En réalité, droite et gauche n’ont jamais cessé depuis des décennies de faire progresser le socialisme étatiste et collectiviste.
Quel intellectuel français serait-il plus qualifié pour parler du vrai libéralisme, puisque Pascal Salin est non seulement un universitaire reconnu pour son autorité scientifique, mais aussi le libéral français le plus apprécié dans le monde entier, qui a notamment présidé la prestigieuse Société du Mont Pèlerin ?
Les chapitres du « Vrai Libéralisme » donnent tous les arguments pour comprendre et convaincre : comprendre pourquoi les chances d’une alternance libérale ont été stupidement gaspillées, convaincre les Français qu’on leur ment sur le libéralisme.
Le libéralisme n’a jamais échoué en France
Et pour une raison évidente : il n’a jamais été pratiqué. Le premier tiers du livre retrace avec précision les étapes du progrès socialiste.
La première étape est 1974-1981 : Valéry Giscard d’Estaing a porté tort au libéralisme en se présentant comme libéral alors qu’il faisait des politiques interventionnistes.
La deuxième étape est 1986 : après cinq ans au pouvoir d’une gauche unie autour d’un programme commun liberticide, la droite gagne les législatives, Jacques Chirac premier ministre pratique un « micro-libéralisme » : « on renvoie dos à dos libéralisme et socialisme, on invoque le pragmatisme en condamnant les idéologies »(p. 32).
Mitterrand réélu Président en 1988 voici les socialistes à nouveau au pouvoir jusqu’en 1995, date du Président Chiracet du ministère Juppé. La « droite » élue sur le thème de la « fracture sociale » (concept socialiste p. 57) sera-t-elle libérale ? Nouvelle déception, qui inspire à Pascal Salin ce diagnostic lucide :
« Le problème français c’est sa droite, à laquelle il manque les bases intellectuelles minimales pour comprendre les problèmes de l’époque et l’instinct philosophique minimal qui rendrait possible de réagir dans le bon sens (p.53). »
Une nouvelle étape,de 2002 à 2007, sera celle du « socialisme light » (Raffarin et Villepin), poursuivi durant la totalité duquinquennat Sarkozy. La rupture libérale n’a pas eu lieu :
« Par peur des réactions de la gauche, Nicolas Sarkozy n’a pas su supprimer l’ISF, ni diminuer la progressivité de l’impôt, pas plus d’ailleurs que renoncer aux 35 heures (p. 81). »
Évidemment il n’y aura aucun changement de politique durantle quinquennat socialiste de François Hollande, et voici une nouvelle étape d’espoir déçu : si ce n’estFrançois Fillon, « aucun candidat ne s’engage à une baisse forte des dépenses publiques et des impôts »(p. 85). Emmanuel Macron n’est pas libéral, « c’est clairement un homme de gauche : il n’a pas de véritable programme de réduction des dépenses »(p. 95), et ses réformes fiscales « tiennent plutôt du bricolage »(p. 105). Mais on commence déjà à « attribuer à son prétendu libéralisme l’échec de ses politiques, comme on l’a malheureusement trop souvent fait dans le passé (p. 107) ».
Perversion des idées dominantes
Ces idées ne sont ni de droite ni de gauche, elles sont socialistes.
La première perversion est de penser que l’analyse des phénomènes économiques dépend d’aprioris politiques, et qu’il n’existe donc pas de science économique. La politique guide l’économie : c’est L’Antiéconomique de Jacques Attali. « Ce qui manque aux socialistes c’est une véritable formation en économie (p. 119). »
La deuxième perversion est l’égalitarisme. On parle d’égalité, on ferait mieux de parler de diversité. « Certes, les hommes sont égaux dans leurs droits fondamentaux (droit d’être libre et, donc, de posséder le fruit de ses activités), mais ils ne sont pas identiques, et c’est cette diversité qui les solidarise. »
Alors : vive l’inégalité. Mais le socialisme et le mythe de la lutte des classes ont persuadéles gens que l’économie est un jeu à somme nulle. Il faut redistribuer pour parvenir à l’égalité des situations, par exemple avec l’instauration d’un revenu universel : « le revenu universel est le contraire d’une proposition libérale »(p. 174).
La troisième perversion est le constructivisme : avoir le projet d’une société parfaite. « Un libéral n’a pas de projet de société(p. 141) » : c’est une « présomption fatale » ditHayek car elle détruit la liberté personnelle. On oppose volontiers le libéral (qui se croirait tout permis) et le conservateur (attaché à la tradition). Opposition factice ou mensongère : « Il est parfaitement cohérent d’être à la fois un conservateur fidèle aux traditions et un libéral (p. 143). »
Permanence des erreurs de politique économique
Des idées perverties inspirent nécessairement des erreurs politiques.
La première erreur, de Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre à François Hollande, est le choix d’une politique économique keynésienne : l’État doit gérer les grands équilibres nationaux par ses interventions budgétaires et monétaires et en cas de crise la dépense publique doit permettre une relance. Mais comment financer la dépense publique ? Avec des impôts « désincitatifs » qui réduisent l’assiette fiscale ? Ou avec les déficits budgétaires, en croissance depuis 1974 et financés par la dette publique ?
La deuxième erreur a été le développement insensé et ruineux du système social – celui que le monde entier nous envie. Le droit du travail est au cœur du système, il a détruit la liberté contractuelle pour lui substituer une règlementation qui résulte d’un « dialogue » entre « partenaires sociaux » peu représentatifs. Par exemple :
« l’État interdit aux cocontractants de définir eux-mêmes la durée du travail ; celle-ci ne résulte donc pas d’un choix explicite des salariés et de leurs employeurs, mais elle leur est autoritairement imposée (p. 223).»
C’est évidemment dans le domaine de la Sécurité Sociale que les erreurs se sont multipliées. Les déficits s’accumulent, les prestations se détériorent. La retraite par répartition a explosé avec le vieillissement de la population et l’entrée de plus en plus tardive en activité. « On sait pourtant que le choix du futur c’est aussi la substitution de la retraite par capitalisation à la retraite par répartition (p. 215). »
La troisième erreur est le dirigisme envahissant. En apparence le Commissariat au Plan aurait disparu. Mais il renaît de ses cendres, et la tendance s’est confirmée avec la présidence Macron. C’est France Stratégie, et la Caisse des Dépôts etConsignations, qui prennent en charge les « dépenses d’avenir ». L’usagede l’argent est devenu un monopole public pour satisfaire l’intérêt général.
« Si l’État est plus efficace que le secteur privé pour certaines activités, pourquoi éprouve-t-il le besoin d’interdire à quiconque de le concurrencer ? (p. 278) »
Le passage d’une logique administrative à une logique économique est toujours salutaire. Aujourd’hui le champ potentiel des privatisations est immense.
Pour conclure, je reprendrai paradoxalement une remarque faite par Pascal Salin dans son introduction : il avoue éprouver quelque frustration parce qu’il a constamment dénoncé les erreurs des gouvernements successifs sans être arrivé à convaincre. Je suis persuadé que tout lecteur de ce nouvel ouvrage y puisera de quoi se convaincre et surtout convaincre d’autres Français des vertus du vrai libéralisme.