Introduction

La biodiversité est associée dans le débat public à la disparition d’espèces vivantes aussi emblématique que le rhinocéros blanc ou l’éléphant d’Afrique. Elle a fait l’objet d’une loi en 2011 et 2015 et a été élevée au rang de combat du siècle[1] au même titre que le climat par la Charte de Metz[2] du groupe du G7 de mai 2019.

Thammanoon Khamchalee / Shutterstock.com
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Le droit français par l’article L.110-1 du code de l’environnement définit la biodiversité ou la diversité biologique comme :

« la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la biodiversité des écosystèmes[3] ainsi que les interactions entre les organismes vivants. »

La Charte de Metz repose sur le constat des scientifiques de l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services ouplateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) du 4 mai 2019 qui estime que la biodiversité ne cesse de décliner et qu’il est urgent d’intervenir. L’IPBES regroupe des experts et a pour mission d’assister les gouvernements dans leur connaissance de la biodiversité. Elle est l’équivalent du GIEC (climat) pour la biodiversité. Elle émane de l’organisation des nations unies (ONU) et a été créée en avril 2014 par 94 gouvernements. Elle relaie deux constats. Le premier est le déclin de la biodiversité. Le second est l’origine anthropique de ce déclin. A l’origine de ce déclin cinq raisons sont avancées :

  1. la perte et la dégradation de l’habitat (y compris l’occupation des sols, la déforestation et la dégradation des forêts, les pratiques agricoles, forestières et de pêche non durables),
  2. la propagation des espèces exotiques envahissantes,
  3. la pollution terrestre et marine (notamment par les micro plastiques et les nutriments),
  4. la sur-exploitation des ressources naturelles (y compris la surpêche, l’abatage illégal du bois, le braconnage et le commerce illégal des espèces sauvages) et
  5. le changement climatique.

Parmi ces causes, la plus importante est cependant la destruction de l’habitat. Elle pourrait être à l’origine de la moitié des destruction (Sala et al. 2000[4]).

Le gouvernement français a créé en 2018 le Haut Conseil pour le Climat[5] et en 2020 l’Office français de la Biodiversité (OFB)[6]. La démarche est la même ; investir dans la science pour mieux gouverner. Dans l’une de ses dernières allocutions présidentielles sur la question de l’environnement, la France par l’intermédiaire de son Président s’engage à proposer un plan pour lutter contre la déforestation de l’Amazonie, à baisser l’usage des produits phytosanitaires de moitié d’ici 2015 (principalement par l’interdiction[7]), à augmenter les aides publiques aux agriculteurs qui s’engagent pour l’environnement (éco-subvention) et à interdire les importations issues de la déforestation d’ici 2030. La lutte contre la déforestation passerait donc par un droit d’ingérence, des aides publiques et donc l’impôt et l’interdiction.

Cet article défend que les solutions sont ailleurs. La solution passe par le développement économique et la mise en œuvre de régimes de droit de propriété appropriés. La première section explique pourquoi le développement économique est une condition nécessaire de la protection des écosystèmes (habitat naturel) et de la biodiversité (1). La seconde section montre le triple dividende environnemental de la mise en œuvre d’un régime de propriété adéquat (2).

1. La protection de l’habitat naturel par le développement économique

Il a été rappelé que selon le rapport de l’IPBES (06 mai 2019), la principale cause du déclin de la biodiversité est la destruction de l’habitat naturel des espèces vivantes. La conversion des terres à d’autres usages et en terre agricole en particulier est la principale raison de la dégradation des habitats naturels. L’augmentation de la population humaine, le faible rendement des cultures et la pauvreté créent une forte pression sur la terre et la nature. Ils expliquent la destruction de l’habitat naturel. Le développement économique favorise la baisse du taux de fécondité par femme et donc de la population. Il passe par la hausse des rendements agricoles et desserre ainsi la demande de terre et traite par définition la question de la pauvreté à sa racine.

Pression démographique et dégradation de l’habitat naturel

La baisse de la population et de la pression démographique sur la terre peut passer par une politique de régulation des naissances ou par le développement. Si on suit les travaux des Nations Unies, la baisse de la population mondiale s’annonce pour 2050[8]. La population mondiale compte 7,7 milliards d’habitants en 2019 et les Nations Unies en annoncent 9,7 milliards en 2050 dans leur scénario central, qui suppose que la fécondité mondiale continue de baisser – passant de 2,5 enfants par femme en 2019 à 2,2 en 2050 –, et 8,9 seulement dans leur scénario bas où la fécondité baisserait encore plus vite. Cette baisse du taux de fécondité est en grande partie la conséquence du développement économique (Figure 1). Le développement économique est donc via ses effets sur les mœurs et finalement la dynamique de la population favorable à la protection des habitats naturels.

 

Augmentation des rendements agricoles et réduction de la surface agricole utile

La pression démographique est d’autant plus nuisible à la protection de l’habitat naturel que les terres agricoles existantes ont un faible rendement. L’augmentation des rendements agricoles est un moyen de limiter la destruction des habitats naturels en freinant les besoins en terre agricole. Tout ce qui bloque la croissance des rendements agricoles favorise l’expansion des terres arables et la fréquence des récoltes sur une même superficie.

Figure 1 : Développement économique, baisse de la pression démographique et amélioration des rendements agricoles

Source : Banque Mondiale. PIB par habitant ($ US courant), Données sur les comptes nationaux de la Banque mondiale et fichiers de données sur les comptes nationaux de l’OCDE et taux de fertilité, total (naissance par femme) et rendement des céréales (kg par hectare).

Le progrès technique a permis à partir des années 1960 d’améliorer les rendements, mais cette hausse n’a pour l’instant pas empêcher l’accroissement des superficies et le risque d’épuisement des terres liées à la hausse du nombre des récoltes sur les surfaces exploitées. La FAO[9] estime que l’expansion des superficies cultivées a représenté à peine un quart de l’augmentation de la production dans les pays en développement. Elle fait aussi remarquer que c’est dans les pays les plus pauvres (Afrique subsaharienne) que l’accroissement des superficies contribue le plus à la hausse des quantités produites. Elle s’attend, pour cette raison, si rien ne change du côté des rendements à ce que l’expansion des terres agricoles compte pour 20% de la croissance de la production, et que 70% proviennent de l’amélioration des rendements. En Afrique subsaharienne et en Amérique latine, l’expansion des terres restera donc un facteur important, mais sera probablement de plus en plus devancé par l’augmentation des rendements.

La leçon qui devrait être prise en compte dans les politiques publiques est donc que les gains de productivité sont un moyen de répondre à la demande alimentaire sans hausse de la surface agricole utile. Le progrès technique est une source bien connue de gains de productivité. Il peut être une solution à la stagnation des rendements agricoles dans les pays développés et à la mise en œuvre de solutions plus productives dans les pays en voie de développement. L’enjeu n’est pas seulement de nourrir les hommes, mais aussi de protéger la biodiversité en limitant l’extension des surfaces agricoles. Les biotechnologies et la mise en œuvre d’organismes génétiquement modifiés (OGM) en particulier peuvent participer aux gains de productivité et finalement à la protection des habitats naturels. En 2018, les principales cultures Génétiquement Modifiées couvraient environ 191,7 millions d’hectares dans le monde[10]. En 1997, ce chiffre était de 11 millions d’hectares. Cet usage pose des problèmes qui sont largement débattus dans les pays développés et l’union européenne en particulier, mais soutient la progression des rendements. Il limite presque mécaniquement la pression foncière. Les OGM et la biotechnologie peuvent, aussi, proposer des plantes plus résistantes aux maladies et aux ravageurs, et moins exigeantes en eau. Ils peuvent alors aussi participer à la baisse de la consommation de pesticides. Cela signifie que les biotechnologies ne sont pas a priori opposées à la protection de la biodiversité[11].

Pauvreté et menace sur la biodiversité

Le progrès technique est un moyen de réduire la demande de terre, mais aussi de limiter la dépendance des pauvres aux ressources naturelles. La déforestation n’est pas seulement liée à la pression démographique. Elle est aussi la conséquence de la pauvreté. De 1980 à 1995, la superficie des forêts du monde (comprenant à la fois les forêts naturelles et les plantations) a diminué de quelque 180 millions d’hectares. Il y a eu un accroissement net de 20 millions d’hectares dans les pays développés mais une perte nette de 200 millions dans les pays en développement (FAO 1999[12]). Dans les régions pauvres, les moyens de subsistance des populations dépendent de la nature : bois de construction, bois de chauffage, bois pour chauffer les aliments, ressources halieutiques (poisson) et ressources cynégétiques (faune sauvage). Pour lutter contre le déclin de la biodiversité il faut donc lutter contre la pauvreté (Barrett et al. 2011[13]).

Le développement économique n’est donc pas l’ennemi de la biodiversité mais son allié. Il protège la biodiversité via ses effets sur la pression démographique, et la dépendance des populations les plus pauvres aux ressources naturelles.

2. Le triple dividende de la propriété sur la biodiversité

L’une des causes les mieux documentées du sous-développement est la mauvaise qualité du régime de propriété. Un bon régime de propriété est généralement un préalable à un haut niveau de développement (Besley et Ghatak 2010[14]). La mise en œuvre d’un régime de propriété et de la propriété privée en particulier n’est pas, cependant, qu’un préalable au développement économique d’une nation et in fine à la protection de la biodiversité via la baisse de la pression démographique, le progrès agricole et la baisse des taux de pauvreté. Il est, aussi, à l’origine de deux autres dividendes environnementaux. Désigner un propriétaire limite, tout d’abord, la sur-exploitation des ressources naturelles en mettant en œuvre un mécanisme de rationnement efficace et internalise, ensuite, les externalités négatives (pollution) grâce à la responsabilité qu’il impose en cas de dommage aux propriétaires. Détaillons ces trois points.

Propriété, développement économique et protection de la biodiversité

Le premier dividende environnemental d’un bon régime de propriété est l’avènement du développement économique. La qualité du régime de propriété est intimement liée au niveau de développement économique du pays. Le PIB par habitant d’un pays en 2018 est bien positivement corrélé à la qualité du régime de propriété (Figure 2). Le développement économique a ensuite un effet sur le moyen et long terme positif sur la biodiversité via la  baisse  de  la  pression  démographique (taux de fécondité), les

Figure 2. Droit de propriété et développement économique

Sources : Pour l’indicateur de développement économique, le PIB par habitant année 2018 Lien : http://bit.ly/2KSVN2s (Consulté le 30 novembre 2019). Pour l’indicateur de droit de propriété utilise les données pour l’année 2019 de la fondation Heritage, Lien : http://herit.ag/3azAsWl (consulté le 30 nov. 2019).

gains de productivité sur les terres agricoles (stabilité de la surface agricole utile), une baisse de la dépendance aux ressources naturelles, mais aussi une plus grande acceptabilité sociale des coûts de la protection de l’environnement.

 

Propriété et surexploitation des ressources naturelles

Le second dividende environnemental d’un bon régime de propriété est la mise en œuvre de mécanismes institutionnels qui limitent la surexploitation des ressources naturelles (eau, air, faune, flore, paysage, etc.). C’est parce que les ressources naturelles sont accessibles à tous (open access) qu’elles sont détruites. Une ressource qui n’appartient à personne est condamnée à être surexploitée et rapidement épuisée, car « ce qui appartient à tout un chacun est le plus négligé, car tout individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en propre, quitte à négliger ce qu’il possède en commun avec autrui. » (Aristote[15], 1261b 30-35 p.90 La Politique). Si l’on souhaite protéger la biodiversité il faut que chacun y ait intérêt. Les poissons d’élevage appartiennent à ceux qui les élèvent, comme les animaux domestiques. Alors que les espèces sauvages sont menacées, les espèces domestiquées prospèrent (Whitehead et Block 2002[16]).

Les animaux domestiques sont mieux protégés que les animaux sauvages parce qu’ils appartiennent à quelqu’un. Ils sont la propriété d’un individu qui a intérêt à les protéger parce que leur exploitation génère un revenu. L’individu sait que s’il détruit certaines espèces il détruit en même temps ce qui est à l’origine de son revenu. Lorsque la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction autorise les autorités africaines en 2004 à tuer légalement cinq rhinocéros noirs, elle permet aux réserves de chasse de ce pays de vendre un droit de chasse. Le prix à payer pour abattre un rhinocéros noir était de 150 000 dollars en 2010 (Borrell 2010[17]) et de 350 000 dollars en 2015[18]. La protection des espèces ne passe plus ici par l’interdiction, mais par le prix. C’est le prix qui révèle la valeur du bien et qui permet de couvrir les coûts de sa protection. C’est parce que le chasseur est prêt à payer 350 000 dollars pour abattre un rhinocéros que le responsable de la réserve de chasse peut payer des gardes pour empêcher le braconnage et qu’il fera tout pour protéger le rhinocéros de la sur-chasse. C’est ce qui distingue les parcs nationaux des réserves de chasse. Dans les parcs nationaux les rémunérations des fonctionnaires qui gèrent la ressource sont indépendantes du succès des normes qu’ils imposent aux agents ou de la manière dont ils réussissent à protéger la faune et la flore. Si ces agents publics sont mal payés, il est dans leur intérêt d’accepter des pots de vin et de fermer les yeux sur les actes de braconnages ou de contournements de la loi. L’importance de la corruption gouvernementale est même devenue l’une des principales explications de la déforestation (coupe illégale) et du déclin de certaines espèces sauvages (Gibson 1999[19]). Les hommes politiques et les agents publics ont un intérêt immédiat à vendre des passe-droits qui rendent les politiques de rationnement réglementaire ou la protection in situ dans des parcs nationaux inefficaces. La propriété publique transforme ainsi les ressources naturelles en bien de libre accès et les exposent à la destruction et la surexploitation (Bromley 2003).

Dans le même esprit, Hyde et al. (1996[20]) observent que la déforestation est la conséquence d’un manque d’incitation à la protection, autrement dit, d’un droit de propriété mal défini ou non exclusif. L’insécurité des droits de propriété est l’une des principales causes de la déforestation de la forêt amazonienne au Brésil (Araujo et al. 2009[21]). La conséquence de cette insécurité est le mitage, le braconnage illégal et les coupes de bois illégales. Ainsi si on garde à l’esprit que dans la plupart des pays où la forêt est menacée de destruction elle relève d’un régime public[22], il devient clair que la déforestation n’est pas la conséquence du capitalisme qui repose sur la propriété privée, mais de l’absence de droit ou d’une propriété publique qui fait de la ressource un bien de libre accès.

Propriété, responsabilité, pollution et protection de la biodiversité

Le troisième dividende environnemental de la propriété privée est la mise en place d’une règle de responsabilité qui limite la pollution. La solution, là encore, n’est pas d’interdire les produits polluants, mais d’obliger les utilisateurs de ses produits polluants à payer pour les dommages qu’ils causent à autrui.

La pollution nuit à la biodiversité. Les rejets industriels et domestiques et les mauvaises pratiques agricoles sont à l’origine d’une importante pollution des sols qui perturbe l’équilibre chimique des végétaux et engendre des dégâts collatéraux sur la microfaune. La pollution des sols, par ruissellement, explique la pollution des eaux. La dissémination d’engrais à base de nitrates et de phosphates est à l’origine de la prolifération d’algues et de l’asphyxie des rivières, mais aussi des mers. Lutter contre toutes ces formes de pollution est une condition de la protection de la biodiversité.

Généralement, l’attitude des décideurs publics et des écologues est d’interdire les rejets industriels, domestiques et l’usage des produits polluants (produit phytosanitaire). Une telle attitude a, pourtant, le tort de ne pas tenir compte des gains sociaux de l’usage des produits polluants, mais aussi de faire supporter à toute la communauté nationale le coût de l’interdiction alors qu’il faudrait au contraire rendre responsable les agents à l’origine de la pollution. L’interdiction n’est pour cette raison ni efficiente ni juste. Elle est la conséquence d’une défaillance du droit. C’est parce que les consommateurs de produits polluants n’en supportent pas les dommages que la pollution menace la biodiversité. Là encore, la solution est dans une étude minutieuse du régime de propriété.

Dans les régimes de common law ou de droit continental (code civil), les propriétaires disposent de leur bien (abusus), peuvent en user à leur guise (usus) et s’approprier les fruits de cet usage, mais en contrepartie, ils sont jugés responsables des dommages qu’ils causent à autrui. Le propriétaire d’une terre ne peut pas créer un étang en détournant l’eau de la rivière et en privant son voisin et en inondant sa propriété. Tous les usages de ses droits qui nuisent à autrui sont prohibés. La gestion des externalités est, dans ces conditions, entre les mains du juge, car le plaignant potentiel doit démontrer qu’il a subi un préjudice pour un intérêt légalement protégé et que ce préjudice est dû à l’usage qu’un autre individu fait de sa propriété. De vagues accusations du plaignant ne suffisent pas, il faut s’assurer des relations de cause à effets dans un cadre légal. La définition claire des responsabilités potentiels des propriétaires favorise, aussi, la négociation (Facchini 2002[23]). La propriété privée et le principe de responsabilité se conjuguent ainsi pour internaliser les effets externes (Facchini 1997[24]). Si une activité entreprise sur la propriété A (pollueur) cause un dommage à la propriété B, sans que ce dernier l’est consenti, A est responsable[25]. Toute violation des droits de propriété expose au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice causé. Une telle règle est efficace pour limiter la pollution parce qu’elle oblige chacun à tenir compte des effets de ses choix sur les autres.  Pourquoi ne s’applique-t-elle pas ?

  1. La première raison est l’existence d’un capital foncier en accès libre (les communs ou commons). La terre n’appartient à personne ou à tout le monde et personne ou tout le monde est responsable des dommages qu’un choix cause à autrui. L’autre effet de la propriété publique est de brouiller les responsabilités. Personne ne sait qui est responsable des coûts sociaux des coupes illégales dans la forêt amazonienne.
  2. La seconde raison est l’intervention de l’État. L’État peut vouloir favoriser l’industrialisation contre les préférences des propriétaires. Le goût pour l’industrialisation forcée a justifié de nombreuses décisions qui ont été à l’encontre du caractère absolu de la propriété privée (Bouckaert 1991[26]). Encore aujourd’hui les États jouent double jeu, ils subventionnent leur agriculture, leur pêcheur, leur producteur de bois, etc. et signent des traités pour protéger la biodiversité.
  3. La troisième raison est l’ignorance. Si un agriculteur utilise des produits phytosanitaires et qu’il n’en connaît pas les effets sur le voisinage et la fertilité de sa terre, il n’anticipera pas qu’il devra payer pour un dommage. Lorsque la science et l’écologie en particulier mettent en évidence les effets négatifs sur la santé, la qualité des sols et la fertilité des parcelles de l’usage de certains produits, l’agriculteur-propriétaire va immédiatement développer un usage raisonné de ces substances. L’amélioration des techniques de mesure de la pollution et de la connaissance des effets de certains produits phytosanitaires en trop grande quantité conduisent les agriculteurs à chercher des solutions alternatives et à les utiliser en plus petite quantité. L’intérêt des agriculteurs est triple : baisser le coût de production en achetant moins de ces produits, ne plus appauvrir leur sol et ne pas être sanctionnés en cas de procès. Un agriculteur sait, en effet, qu’il risque deux ans d’emprisonnement et jusqu’à 18 000 euros d’amende s’il rejette dans les eaux directement ou indirectement des substances dont l’action ou la réaction détruisent les poissons ou nuisent à leur nutrition (Article 432-2 du Code de l’Environnement).

Conclusion

Face au combat du siècle, les solutions ne devraient pas être plus d’impôts et plus de règlements (interdiction), mais plus de développement économique autrement dit plus de propriété afin i) d’augmenter l’acceptabilité politique des mesures fiscales et réglementaires ; les riches ont les moyens de payer pour l’environnement, ii) d’accroître le prix d’accès à la nature et d’en rationner son usage et iii) de rendre responsable toute personne qui détruit une ressource naturelle sans le consentement de son propriétaire. C’est parce que la nature n’appartient à personne qu’elle est détruite.


[1]    Emmanuel Macron, « Le combat du siècle ». Lien : http://bit.ly/2JbNOwI  (consulté le 02 octobre 2020).

[2]    Charte de Metz. G7 Biarritz 2019. Lien : https://bit.ly/2KwJGYK  (consulté le 02 octobre 2020).

[3]    L’écosystème décrit les relations fonctionnelles entre organismes vivants. Un marais, un étang et/ou une tourbière sont des écosystèmes.

[4]    Sala, Osvaldo, E., and al. 2000. “Global biodiversity scenarios for the year 2100,” Science 297 (march), 1770-1774.

[5]    Haut Conseil pour le Climat Lien : https://www.hautconseilclimat.fr/ (Consulté le 02 octobre 2020).

[6]    L’OFB est le regroupement depuis le 1° janvier 2020 de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONFCS). Lien : https://www.afbiodiversite.fr/

[7]    Après l’interdiction de l’usage des pesticides dans les espaces verts et sur la voirie en 2017 et par les particuliers en janvier 2019, c’est au tour des lieux de vie d’être concernés. Le ministère de la Transition écologique a en tout cas annoncé sa volonté d’y interdire l’usage de produits phytosanitaires d’ici juillet 2022.

[8]    United Nations, Population Division, 2019, World Population Prospects. The 2019 Revision.

[9]    Agriculture mondiale : horizon 2015/2030, Perspective par grand secteur (Terre, eau et rendement des cultures). Lien : http://bit.ly/3pgtQ3d  (Consulté le 02 octobre 2020).

[10]   Clives, James, « Global Status of Commercialized Biotech/GM Crops: 2018». International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications, ISAAA Briefs, n° 54. Lien: http://bit.ly/3hidxAf (consulté le 09/10/2020).

[11]   Cela s’oppose à l’anti-biotechnologie d’un intellectuel comme Jeremy Rifkin.

[12]   FAO 1999. Situation des forêts du monde 1999. La situation des ressources forestières. Lien : https://bit.ly/3aBVWSn (Consulté le 02 Octobre 2020).

[13]   Barrett, C.B., A.J., Travis, and P., Dasgupta 2011. “On biodiversity conservation and poverty traps,” Proceedings of the National Academy of Science, 108: 13907-13912.

[14]   Besley, T., and M., Ghatak 2010. “Property Rights and Economic Development,” in D., Rodrik and M., Rosenzweig (eds), Handbook of development economics, volume 5, North-Holland, Amsterdam 4525-4595.

[15]   Aristote [323 av. J.C.] 1982. La politique, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, Nouvelle traduction avec introduction, notes et index par J. Tricot, quatrième tirage.

[16]   Whitehead, R. and Block, W. (2002). “Environmental Takings of Private Water Rights: The Case for Full Water Privatization,” Environmental Law Reporter, October; 11162-11176.

[17]   Borrell, Brendan 2010. “Saving the Rhino Through Sacrifice,” Bloomberg Businessweek, 09 December.

[18]   Le Figaro, 20 mai 2015. « 350 000 dollars, le prix à payer pour abattre un rhinocéros très rare ».

[19]   Gibson, C., 1999. Politicians and Poachers: The Political Economy of Wildlife Policy in Africa, Cambridge University Press, Cambridge.

[20]   Hyde, W., G., Amacher and W., Magrath 1996. “Deforestation and Forest Land Use: Theory, Evidence, and Policy Implications,” Oxford Journals, 11 (2), 223-248.

[21]   Araujo, C., and 2009. “Property Rights and Deforestation in the Brazilian Amazon,” Ecological Economics, 68 (8-9), 2461-2468.

[22]   FAO 2001. Table 1 Official Forest ownership in 24 of the top 30 forest countries. Who owns the world’s forests? Forest tenure and public forests in transition, Forest Trends, Washington, D.C., Center for International Environmental Law.

[23]   Voir pour une discussion à l’intérieur de l’économie du droit de la notion de causalité notre article: Facchini, F., 2002. « Principe de causalité et économie de la responsabilité civile », in Deffains, B. (ed.), L’analyse économique du droit dans les pays de droit civil, Préface de Guy Canivet, Paris, éditions Cujas.

[24]   Facchini, F. 1997. « Gestion des externalités, droit de propriété et responsabilité civile », Économie Appliquée, L., 4 : 97-125. https://bit.ly/38u4w2V   

[25]   Une importante littérature discute de l’efficacité de ces différentes règles. Voir pour une introduction : Lemennicier, Bertrand 1991. Économie du droit, éditions Cujas Paris (Chapitre 3. La responsabilité civile). 

[26]   Bouckaert B. 1991. « La responsabilité civile comme base institutionnelle d’une protection spontanée de l’environnement », Journal des Économistes et des Études Humaines, 2 (2/3), 315-335.

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Journal des Libertés

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