« Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal ! »

Jean de La Fontaine : Les animaux malades de la Peste, Fables, VII, 1

La faillite de la plate-forme d’échange de cyber-monnaies FTX, installée dans l’archipel des Bahamas, au large de la Floride et de l’île de Cuba, défraye la chronique financière depuis les premiers jours de novembre 2022. Au-delà de son caractère spectaculaire, cette affaire réveille le débat politique, très acide, que soulèvent les jetons monétaires dont le Bitcoin fut l’emblème principal depuis sa création en 2009.
Après avoir fait capoter l’initiative du groupe
Facebook qui tenta de lancer en 2019 une cyber-monnaie privée sous l’égide d’une fondation genevoise, sous la marque Libra, projet abandonné l’an dernier, les autorités monétaires, appuyées par une partie du monde financier et de la doctrine, semblent décidées à faire rentrer ces « jetons » dans le rang et à leur appliquer les obligations réglementaires et statutaires qui encadrent toute l’intermédiation financière : banques, bourses, fonds d’investissement, courtage en monnaies etc. Rebondissant sur une actualité encore chaude, cette chronique tente de résumer les faits et les circonstances et d’évaluer les premières retombées de la faillite FTX. Elle évoque pour conclure quelques leçons qui pourraient en être tirées pour l’avenir.

Photo: maurice norbert – stock.adobe.com

  1. Un point sur les faits

L’affaire FTX mûrit au cours des premiers jours de novembre 2022 : le 2 novembre, une information publiée par le site Coindesk souligne que le fonds d’investissement Alameda Research, fondé en 2014 par Sam Bankman-Fried[1], accumulait, depuis quelques semaines, des pertes qui pourraient menacer sa solvabilité. La plate-forme FTX (abréviation de Futures Exchange créée en 2019 par le même « SBF ») prête alors au fonds Alameda un portefeuille de jetons FTT (pour FTX-Tokens) émis par la plate-forme FTX. Cet actif est comptabilisé pour 5,8 Mds$, valorisé au prix de la cote qui tourne autour de 25 $ le jeton, de septembre 2022 aux premiers jours de novembre.

Binance, la principale plate-forme d’échange mondial de crypto-monnaies par son volume d’affaires, concurrent direct de FTX, comptait aussi à son actif, au même moment, un demi-milliard de dollars en jetons FTT ; or son patron et principal actionnaire Chang Peng Zao annonça brusquement le 6 novembre qu’il soldait cet investissement, effondrant ainsi le cours du jeton FTT qui tomba au-dessous de 3 $ pièce, pour ne plus remonter ! Cet intermède tragi-comique se poursuit pendant deux jours : Binance laisse entendre qu’il pourrait racheter FTX, puis se dédit ! Les dés sont dès lors jetés : le 11 novembre, Alameda Research, FTX, ainsi que leurs filiales, se déclarent faillis.

Tous les dirigeants de ces firmes sont démis de leurs fonctions ; un administrateur judiciaire prend le relais[2] tandis que des poursuites sont engagées à l’égard des principaux associés d’Alameda et de FTX, à plusieurs titres, aux Bahamas et surtout aux États-Unis : les chefs d’accusation retenus comprennent : l’association de malfaiteurs, le détournement de fonds, l’abus de confiance, le défaut de comptabilité, des manœuvres frauduleuses, l’abus de bien social etc.[3] Extradé des Bahamas puis libéré sous une caution de 250 millions $, assigné à résidence chez ses parents en Californie, Sam Bankman-Fried plaide non-coupable ; son associée et amie proche, Caroline Edison, directrice exécutive d’Alameda-Research ainsi que son copain Gary Wang, associé avec « SBF » depuis le début de cette vaste aventure, plaident coupables et disent coopérer avec la justice américaine.

  • Retombées visibles de cette faillite

Le Point du 8 décembre 2022 titra : « L’escroc du siècle », en première de couverture ; il publia un dossier de 22 pages rédigé à chaud par son envoyé spécial aux Bahamas qui rassembla des données sur les lieux, les gens et les conséquences les plus immédiates de cette affaire ; ce dossier de presse, comme celui d’autre journaux suisses, britanniques et américains, ne dépasse guère les apparences auxquelles se limitent, le plus souvent, les tabloïds : il reprend des images d’Épinal sur les îles paradisiaques qu’est censée fréquenter la jet set, sur le prix astronomique des hôtels de la Caraïbe, sur le comportement moutonnier des personnalités du spectacle, du sport, de la finance et de la politique mondiale qui furent associées aux manifestation organisées à grands frais par FTX depuis deux ans. Comme la plupart de ses confrères, ce magazine aborde peu le fond de l’affaire, sinon par une brève citation du patron de la plate-forme Coinhouse (anciennement : La maison du Bitcoin, installée à Paris dans le quartier du Sentier) qui mérite d’être relevée : M. Louvet déclara : « FTX n’est pas une météorite » !

Cette sentence touche au fond car la flamboyante réussite de « SBF » n’est pas magique ; elle repose au contraire sur une vérité empirique : les entreprises qui créent, qui échangent et qui valorisent des jetons quasi-monétaires comme Bitcoin et Éther, ne sont pas fondées sur du sable ; elles exploitent l’extraordinaire potentiel de mémoire et de rapidité de l’informatique et des réseaux pour multiplier, étendre et renouveler les services financiers, à une échelle vraiment mondiale[4].

Premier état des lieux

Il faudra de nombreux mois pour faire l’état précis des actifs réalisables et donc du bilan réel de cette faillite. Elle impliquerait près d’un million de déposants et le montant global des dépôts piégés par cette affaire serait d’environ huit milliards de dollars, selon une première estimation de la CFTC[5] (Commodities Future Trading Commission) à laquelle se rattachait la pratique américaine de FTX.

Parmi les nombreux clients de FTX-Alameda, plusieurs sont de grands comptes dont les dépôts équivalent à des dizaines ou des centaines de millions de dollars. La plupart d’entre eux sont des investisseurs professionnels qui ont déjà assumé leurs pertes : des fonds d’investissement ou de capital-risque comme Softbank (100 M$), Temasek, fonds souverain singapourien (210 M$), Bravo (130 M$) ou Sequoia Capital (200 M$) etc. D’autres sont gérants de fortunes et de « families offices » (par exemple : Iconiq Capital qui gère les intérêts des fondateurs de Facebook, Twitter ou Netflix). Tous sont parfaitement au fait des risques qu’ils assument puisqu’ils placent le capital de leurs bailleurs de fonds dans des sociétés technologiques inventives dont l’objet social implique des opérations incertaines et risquées. Ce sont ces investisseurs professionnels que visaient les rassemblements spectaculaires organisés à grands frais par Bankman-Fried au cours de la vie sociale de FTX, à Miami ou aux Bahamas tout particulièrement.

A ces grand-messes, « SBF » et ses associés convièrent, comme ambassadeurs itinérants et, comme hommes-sandwiches, des célébrités du spectacle, du sport et des médias qui y participèrent soit parce qu’ils investissent eux-mêmes dans l’immobilier aux Bahamas ; soit comme animateurs rémunérés ! Toutes ces personnalités, politiques ou non, qui ont prêté leur nom et honoré de leur présence ces manifestations doivent évidemment en assumer les retombées[6].

Aux investisseurs institutionnels précédents se joignirent, comme partout où souffle l’esprit de risque depuis les années 1960, des individus qui vivent en osmose avec le milieu de l’informatique, de la communication, du jeu vidéo et des logiciels libres. Cette petite foule d’aficionados des technologies et du logiciel est apatride, nombreuse, mobile et de styles très variés : petits génies de l’informatique, codeurs, avocats, boursicoteurs, consultants etc. C’est en son sein que se recrutent les auteurs de blogs qui commentent, suivent et critiquent les cyber-jetons, les produits dérivés liés à ces jetons ainsi que les rencontres de ce microcosme très vivant ; cette foule bigarrée compte de petits entrepreneurs (start-up) nichés dans les deux Amériques, en Asie, en Europe et même en Afrique. Parmi eux se recrutent les développeurs qui entretiennent et conçoivent les plates-formes. Beaucoup d’entre eux ont ouvert des comptes en FTT (et dans d’autres jetons) tout en étant bien conscient du danger[7]. Initiés, ils savent ce qu’ils font, à la différence de ces moutons de Panurge qu’invoquent souvent les autorités politiques qui veulent protéger des consommateurs inconscients contre le mauvais sort !

Alors que trois mois se sont déjà écoulés depuis la faillite FTX, il n’apparaît guère que la chute de la maison « SBF & C° » ait entraîné de grandes pertes chez les petits porteurs que vise l’appareil consumériste qui protège les parieurs imprudents ! Certes, quelques plates-formes, partenaires d’Alameda et de FTX, devront éponger leurs pertes ; mais aucun trouble majeur n’a secoué ni la place de New York ni d’autres grandes places ; pas de contagion, pour le moment, aux bourses de valeur ni aux marchés monétaires. L’effet domino (que l’on baptise parfois : « systémique ») n’a pas eu lieu, jusqu’à ce jour. Cette faillite devrait donc, à l’échelle historique, être un accident moins dramatique que ne l’ont cru la majorité des commentateurs depuis novembre 2022[8].

Marquée par les ordinateurs, par les téléphones portables, par des réseaux mobiles, par les réseaux sociaux et par les plates-formes d’intermédiation, « L’ère du numérique » est coutumière d’essais et d’erreurs constants d’où émergent, à la longue, ces pépites qui marquent notre siècle : les GAFA, dont chacun se sert chaque jour, en sont l’étendard[9] ! Une interrogation s’impose donc : cette faillite n’est-elle qu’un incident de parcours comme on en relève dans toute l’histoire économique ? Au cours du XIX° siècle, par exemple, la sidérurgie, les réseaux ferroviaires, l’industrie chimique, le pétrole et la pétrochimie furent accompagnés par une floraison d’entreprises dont beaucoup disparurent prématurément. Il en fut de même depuis la naissance de l’industrie automobile, de l’électromécanique et de l’aviation au XX° siècle[10]. Et, plus proche de nous, le long de la Route 128 de la région de Boston, là où fleurirent tant d’entreprises d’électronique et d’informatique dont une grande partie disparut en moins de dix ans. Faut-il alors vraiment s’inquiéter du sort de FTX ?

Disruption des intermédiaires financiers

Au lendemain de la grande crise de 2007-2008, le Bitcoin, premier système de paiement décentralisé, s’affranchit des intermédiaires financiers en exploitant la cryptographie moderne, mise en œuvre sur des ordinateurs portables ; ce système offre une sûreté technique qui dispense de faire appel au banquier ; cet intermédiaire n’est plus nécessaire pour échanger des signes monétaires. Sa chaîne de blocs qui enregistre toutes les transactions effectuées en Bitcoin en est le grand livre, accessible à tous, partout et à tout moment[11].

Ce système a fait école. Il est aujourd’hui reproduit sous de multiples formes, avec un très grand nombre de variantes (par dizaine de milliers, semble-t-il, à travers le monde) dont seulement quelques dizaines sont exploitées à une large échelle. Et pourtant, les usages réellement monétaires de Bitcoin et des autres jetons monétaires sont peu nombreux et de faible diffusion dans le grand public ; la réticence manifeste de nombreux États n’a pas facilité les choses car, depuis des siècles, la monnaie reste l’un des attributs traditionnels du Prince qui protège son monopole d’émission dont il tire de nombreux avantages, politiques, financiers et fiscaux et qu’il n’est disposé à partager avec personne !

Cyber-monnaies & ICO

Mais, à défaut d’usage quotidien, les jetons monétaires ont trouvé un vrai débouché pour lever des fonds d’amorçage dans des circonstances où l’intermédiation bancaire est chère, lourde et circonspecte face au risque et à l’innovation : les entrepreneurs en herbe se tournent donc rarement vers des banques[12]. Et les créateurs de start-up ont décidé de collecter du capital en échangeant des jetons électroniques contre de l’argent frais, moyennant soit une promesse de service, soit d’intéresser l’investisseur au succès futur, soit de l’associer à la vie de leur nouvelle entreprise, soit d’un autre engagement lié à la réussite de leur pari. Lancé sur un site internet ad hoc, cet appel à l’épargne rappelle les tontines qui rassemblaient jadis l’épargne d’un groupe quasi-familial pour financer, par exemple, l’établissement d’un commerce ou d’un artisan ; comme la tontine, la levée initiale de capital en contrepartie de jetons (en anglais ICO pour Initial Coin Opening) évite la procédure lourde, coûteuse et contraignante de l’appel public à l’épargne qui est étroitement encadrée par des règlements tatillons d’inspiration consumériste.

Cette pratique connut le succès à partir de 2013, à peu près au moment où le système de bitcoin et ses émules commençaient à être repérés par le public informé[13]. En occident, elle fut portée par la mode du « financement collaboratif » promue par des milieux écologistes et par les zélateurs du « bio » ; ainsi que par les tenants d’une économie « marchande et collaborative », ce tiers secteur qui plonge en partie ses racines dans l’utopie proudhonienne du XIX° siècle[14] !

Les jetons numériques émis pour lever des fonds ne s’adressent pas au grand public mais à des amateurs éclairés qui sont prêts à risquer une partie de leur argent sur un projet risqué et qui en sont conscients. Ces émissions visent donc une cible étroite[15] et leurs règles sont fixées par un « livre blanc » établi par l’émetteur, opposables à lui comme aux tiers qui y souscrivent : on y définit la nature, l’objet et les caractéristiques des jetons à émettre, en contrepartie soit d’un dépôt d’espèces soit d’un autre gage, par exemple des Éther apportés par le souscripteur. Cette charte précise les droits attachés aux jetons, les conditions et la durée de l’émission, les valeurs acceptées pour y souscrire (devises traditionnelles ou cyber-monnaies). Ces émissions sont régies par le contrat qui forme la loi des parties, sans intermédiaire de banque ni de bourse. Au premier semestre 2017, ces Initial Coin Offerings (ICO) levaient déjà l’équivalent d’un milliard de francs suisses à Zoug, ville et canton spécialisés dans ce domaine.

La plupart des opérateurs financiers (banques et bourses) ont interprété les ICO comme une menace ; sous divers prétextes, ils ont donc été soit purement interdits, dès 2017 en Chine, sous peine de lourdes sanctions parce qu’elles permettent d’esquiver le contrôle, préalable et donc politique, de l’investissement. Elles sont soumises ailleurs à des contraintes qui les assimilent, plus ou moins, aux titres cotés : la SEC américaine[16], par exemple, décida en juillet 2017 — en même temps qu’en Chine ! — que les jetons numériques sont des « titres »(securities). Cette interprétation détourna les émetteurs d’Amérique si bien qu’une partie des émissions se fit ailleurs : la place suisse favorisa l’installation d’un bon millier d’entreprises de ce type à Zoug. Et, pour la petite histoire, deux de ces émissions eurent une valeur exemplaire :

  • celle du jeton Ethéreum qui fut émis en juillet 2014 par la Fondation suisse qui porte ce nom, en contrepartie du dépôt initial de 31.000 Bitcoins ; l’Éther est devenu ensuite le cyber-jeton dont l’impact global est le plus significatif et le plus original ; c’est l’un des plus utilisés après le Bitcoin qui domine largement le marché ;
    • celle de Tezos fut lancée à Zoug en 2017 par Kathleen (financière américaine) et Arthur Breitman (polytechnicien français) qui levèrent l’équivalent de 230 M$ (contre-valeur de l’époque) sous la forme de 65.000 Bitcoin et de 360.000 Éther. Toutefois, cette ICO record faillit tourner mal : résident suisse d’origine sud-africaine, le président de la Fondation Tezos, dépositaire des souscriptions, bloqua ces fonds, forçant les fondateurs à un arrangement avec lui avant de libérer les dépôts (tant en BTC qu’en ETH) ; les jetons subirent de très fortes variations de cours à cette période[17] !
  • Des leçons pour le long terme ?

Je viens d’examiner ce que chacun peut voir, au premier coup d’œil ou presque : la chute de la maison FTX se comprend d’abord parce que ses animateurs se sont éblouis eux-mêmes, tant par péché d’orgueil que par inexpérience ; mais s’ils ont trompé leur monde, il faut admettre que ce monde s’est aussi trompé sur leur compte et qu’il a, plus ou moins consciemment, surestimé la résilience de FTX, face aux coups du sort !

On ne peut toutefois borner l’analyse à cela : poursuivant l’aphorisme de Bastiat, il faut aussi examiner froidement ce que l’on ne voit pas de cet échec patent, penser au-delà des lieux communs qui vouent ces jeunes gens aux gémonies, ne pas les traiter comme ce « bouc émissaire » que l’on sacrifie afin d’effacer ses propres turpitudes : leur chute brutale, après une réussite flamboyante, quelle leçon en tirer pour l’avenir ? Quelques réflexions raisonnées concluent donc cette note.

Leçons pour les entrepreneurs

Première remarque : des imprudences — peut-être des malversations ? — ont provoqué la chute de FTX dont la vie quotidienne avait, semble-t-il, échappée tant à la vigilance des autorités qu’à celle des contrôleurs qui doivent vérifier la sincérité des comptes et la gestion d’une entreprise commerciale. Une sincérité d’autant plus essentielle lorsque cette entreprise effectue des opérations fiduciaires, fonction-même d’une plate-forme d’échange.

Je note que d’autres accidents, antérieurs à celui de l’équipe FTX, ont frappé des plates-formes au cours des mois derniers, révélant des fragilités parfois différentes de celles qui condamnèrent « SBF ». Deux de ces accidents pourraient éclairer la lanterne de futurs entrepreneurs : le premier concerne les cyber-jetons Terra/Luna, qui faillirent au mois de mai 2022 ; et le second la plate-forme de prêt Celsius, défaillante en juillet 2022.

L’opération Terra était une poupée russe à trois niveaux : A/ une fondation de Singapour pilotait l’émission du jeton Luna, dans des conditions un peu semblables à celle des fondations suisses évoquées plus haut pour Étherou pour Tezos. B/ la collectivité des mineurs du Luna devait maintenir la parité de ce jetonavec le dollar américain. Et C/ le protocole algorithmique reliant Terra et Luna, devait piloter le minage de Luna en fonction du cours constaté sur le marché secondaire !

Il semble que le décrochage du jeton par rapport au dollar ait provoqué une brutale inflation du nombre de Luna minés, effondrant ainsi son prix, faute d’acquéreurs. De plus, les clients de la plate-forme reprirent plus de la moitié de leurs dépôts, pour un montant estimé à 7,5 Mds de dollars US ! Au bilan de la plate-forme, l’actif de jetons et d’espèces s’effondra, rendant Terra/Luna insolvables ; s’agit-il d’une conception maladroite de l’algorithme qui dériva lorsque le prix baissa trop vite au-dessous du pair ? Inverse du prix du Luna en dollar, le nombre de jetons émis tendit vers l’infini contribuant à l’effondrement du cours : il ne faut jamais diviser un paramètre par zéro[18] !

L’affaire Celsius est différente : fondée à Londres en 2017, cette plate-forme de prêts s’établit dans le New Jersey ; elle fut adoubée par la SEC américaine. Elle recevait des dépôts en cyber-monnaies, portant intérêt mensuel (une quarantaine de jetons étaient admis à ce titre en 2022) ; Celsius prêtait à court terme (de six à 36 mois) soit en dollars, soit en cyber-jetons représentatifs du dollar (en anglais : stable coins). Chaque prêt s’appuyait sur un dépôt collatéral en cyber-monnaie qui ne portait, en revanche, aucun intérêt.

Financée par ICO, Celsius émit 325 millions de jetons CEL en contrepartie d’un apport de 50 M$ d’espèces. Confrontée à la ruée soudaine de clients soucieux de retirer leur dépôt à temps (un traditionnel bank run) Celsius suspendit sine die les retraits-clients en juin 2022 ; elle comptait près d’un million et demi d’utilisateurs pour 20 Mds de dollars en prêts et avoirs. Sa direction fut suspectée de manipuler le cours de son jeton CEL en le rachetant sur le marché, une manœuvre que pratiquent couramment les firmes cotées en bourse dont la trésorerie permet de racheter une partie des titres en circulation afin d’en soutenir effectivement le cours ! Plus dolosives, peut-être, d’importantes cessions de jetons CEL, vendus par le principal fondateur de Celsius, lui sont reprochées. La mise en faillite a arrêté les compteurs le 16 juillet 2022.

Que déduire de ces deux cas : le premier (Terra-Luna) a peu de similitude avec FTX car, au contraire de celle de « SBF », il semble que cette faillite soit imputable à un automate trop confiant dans la rétroaction programmée qui aurait dû maintenir Luna à parité avec le dollar : la division par zéro est déconseillée pour maintenir une parité ! Le cas Celsius peut, au contraire, se comparer à celui de FTX : soupçon de manipulation de cours, soupçon d’intérêts personnels et/ou de détournement d’actifs, soupçon de puiser dans les dépôts-clients pour faire vivre l’entreprise ou ses dirigeants !

En résumé : avec ce que nous savons, les erreurs d’appréciation ou de management et les maldonnes de conception (cas de Terra-Luna, peut-être de FTX-Alameda, l’avenir le dira) ne sont-elles qu’un péché de jeunesse d’une activité émergente ? L’apprentissage est souvent rapide[19]. Il est irremplaçable. Il faut donc le laisser-faire avant d’intervenir par un acte d’autorité : les entrepreneurs du net apprennent tous leur métier sur le tas, surtout sur des marchés nouveaux dont la défaillance n’a rien de systémique, ce qui est le cas des ICO, me semble-t-il !

Leçons pour réviseurs et analystes

Il semble bien qu’aucun auditeur ni aucun expert-comptable n’ait été mis en cause au lendemain des faillites que je viens d’évoquer. Il est vrai que la fonction d’audit n’est pas simple en l’occurrence, étant donné, d’une part, le caractère intangible et logiciel des activités qu’il faut surveiller et, d’autre part, la célérité, l’ubiquité et la volatilité des engagements, des valeurs et des prix qu’impliquent les fonctions de changeur et de dépositaire, ainsi que les risques encourus de ce fait. C’est une raison supplémentaire pour compter sur la diligence et sur l’expérience des contrôleurs et des analystes de métier !

On doit à cet égard souligner que, siFTX n’existait que depuis quatre ans, Alameda Research aurait eu huit ans révolus cette année : sept exercices complets auraient dû permettre aux réviseurs de se faire une idée sur ce fonds de commerce, sur ses pratiques managériales et sur les risques éventuels. Sinon, à quoi servent-ils ? D’autant que les sommes importantes engagées par les levées de fonds et l’enjeu, tout particulier, d’une plate-forme d’échange, n’ont jamais été cachés ; pas plus que la personnalité débordante d’un animateur comme « SBF » qui crève l’écran et attire donc l’attention de tout un chacun ! Que dire des autres experts qui ont examiné les résultats d’Alameda pendant sept exercices, marqués par l’ICO et par des apports milliardaires en dollars ? Tous ont-ils assumé leurs « diligences normales » ou ont-ils seulement endossé, sans trop y regarder, des dossiers pas très bien ficelés ?

Certes, la jeunesse et la très vive intelligence financière, technique et commerciale de cette petite équipe a pu éblouir son entourage. Mais, au-delà de ses qualités, cette jeunesse a aussi ses défauts : l’un d’entre eux, répandu au jeune âge, étant l’imprévoyance ou l’inconséquence qui s’effacent avec le temps ! Cela aurait pu éveiller la sagacité de professionnels confirmés qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont peut-être pas été très vigilants ! Enfin, au-delà des comptables, comment se fait-il que les analystes financiers, nombreux à rendre compte des faits et gestes de Bankman-Fried et de ses acolytes au fil des années, n’aient rien remarqué ? Se contentaient-ils seulement de faire écho aux promesses de FTX, de profiter d’une aubaine, de décrire un succès spectaculaire… quitte à s’en détourner dès que cette machine s’est déglinguée ? Autant de questions auxquelles on peut espérer que l’enquête apporte des réponses, au fil des mois d’instruction.

Je dois évoquer aussi les avocats et les autres conseils qui ont accompagné « SBF » depuis ses débuts. Connaissant le champ d’expertise de ses parents, on peut suspecter que plusieurs de ces conseils ne sont pas très éloignés d’un noyau familial qui n’est pas né de la dernière pluie : enseignants à Stanford, ses parents n’ignoraient guère, semble-t-il, les brillantes initiatives de leur fils ; ils sont d’ailleurs venus près de lui dès que le vent a tourné et lui fournissent un asile californien depuis qu’il a été extradé des Bermudes. Avaient-ils repéré ses faiblesses_? Présents auprès de leur fils aux derniers jours avant l’hallali, ces intellectuels, au fait de la finance contemporaine, ont-ils suivi toute cette aventure ? Se sont-ils seulement rués aux Bermudes, au dernier moment, pour protéger leur fils et pour sauver les meubles ?

Je dois enfin rapprocher la triste fin de « SBF » d’une autre faillite, autrement plus grave en termes socio-économiques, survenue aux lendemains de l’an 2000 : la chute de la maison Enron, pépite de la place de New York il y a plus de vingt ans, entraîna une longue série d’épurations et de procès à charge contre les conseils, les comptables et les financiers qui avaient bénéficié pendant des années des largesses de cette entreprise exceptionnelle dont l’action et l’imagination créatrice préfigurèrent  le fonctionnement des marché énergétiques actuels[20] !

Qu’en sera-t-il de FTX ?

Comparaison n’est pas raison, je l’admets ! Mais on ne peut éviter d’examiner l’entourage de ceux que la vindicte publique met au pilori : qui, autour de « SBF » et des autres entrepreneurs que j’ai évoqués au passage, a manqué à sa tâche ? Qui s’est servi, avant de rendre service ? Qui s’est laissé éblouir par les feux de la rampe allumée par FTX ? S’ils ont failli, les surveillants de telles entreprises devraient être aussi entendus, tout autant que les dirigeants qui les ont mandatés…

Certes, ce n’est pas « en doublant les agents doubles » ni en instaurant des « agents quadruples »[21] que l’on réglera cette question, vieille comme le monde ; mais en rappelant les obligations et les dangers qu’impliquent de telles fonctions : réviser ou certifier des comptes n’est pas une sinécure ; une telle mission réclame certes de la compétence, mais aussi de la vertu. C’est la seconde leçon que m’inspirent ces faillites.

Leçon pour les régulateurs

« Last but not least » :pour terminer, j’en viens aux régulateurs, à ces institutions que multiplient nos pays et nos instances plurinationales depuis la fin du siècle dernier. Ces autorités publiques encadrent, de plus en plus en détail, les marchés financiers, les banques, les assurances, le courtage, la concurrence, les transports, la communication et même les droits humains et le sport, comme si tout cela devait être inclus dans les prestations garanties par notre État-Providence à tous et à chacun[22]!

L’encadrement de la monnaie, des marchés financiers et du crédit entrent depuis toujours dans le « domaine réservé » de la puissance publique. On sait, à ce propos, l’importance qu’accordent tous les pays, tout particulièrement les États-Unis, aux autorités monétaires, tant pour les prestations financières que pour les bourses de valeurs ou de marchandises. Par ailleurs, le dollar étant de nos jours la seule « monnaie globale », les prescriptions américaines s’appliquent, par extension impériale, à tout dépositaire d’espèces décomptées en dollars ! Or, je l’ai signalé plus haut, la très grande majorité des cyber-monnaies et des jetons qui les représentent, sont attachés soit au dollar (cas des stable coins) soit à des plates-formes (comme Binance) dont la cotation et les contreparties font principalement référence à la monnaie américaine. Autant dire que « l’écosystème » des cyber-monnaies vit en osmose avec le « roi dollar » et donc avec ses régulateurs.

Inauguré par Bitcoin, cet « écosystème » comprend des milliers de jetons (ou de signes quasi-monétaires) qui aboutissent ou qui proviennent de dollars. C’est pourquoi, au-delà des apparences, aucun opérateur mondial n’échappe aux règles américaines, particulièrement depuis que les sanctions politiques s’ajoutent à celles, plus anciennes mais toujours en vigueur, qui prétendent lutter contre le terrorisme, la drogue et le grand banditisme, tous entièrement alimentés en dollars ! J’ajoute que les moyens d’action et d’intervention de la puissante Amérique sont aptes à saisir et à poursuivre toute activité qui naît d’un mouvement de dollars : dans tous les pays, à l’exception peut-être de la Chine populaire et de la Russie actuelle, sans que l’on puisse en être certain, des dispositions dites « know your customer » sont imposées aux opérateurs financiers, qui doivent déclarer tout mouvement de fonds « qui paraîtrait suspect », une incroyable présomption de fraude contre laquelle ne s’élève, pour le moment, aucune autre autorité politique du monde dit « libre » !

Peut-on imaginer, dans ces conditions, qu’un personnage comme « SBF », qui est au surplus citoyen américain, échappe à la surveillance qu’exercent les autorités civiles (et militaires) à l’égard de toute activité financière qui risquerait de court-circuiter les règles fédérales, même à l’échelle extra-territoriale ? Il est évident que non. Il faut donc admettre que le bras armé de l’Oncle Sam peut intervenir partout où se nichent des services susceptibles de rétroagir sur la finance américaine, ou même sur la finance mondiale. Ce poids qui pèse sur les Américains et sur tous ceux qui utilisent le dollar, même en dehors des États-Unis, peut aussi mobiliser un régulateur américain qui peut soit laisser-faire et laisser venir ; soit décapiter une activité qu’il estime contraire aux intérêts ou aux règles américaines, selon son bon vouloir ou son intention politique.

On a ainsi vu se liguer, depuis deux ans, les procureurs de presque tous les États fédérés afin de poursuivre Facebook, lui faisant grief d’un comportement déloyal et anti-compétitif [23]. Le mal qui résulte de telles accusations est souvent profond : il rompt la confiance, perturbe les relations commerciales et détruit l’image de l’accusé, quel que soit l’issue du contentieux, qu’il aboutisse à une condamnation ou non. Une attaque en règle contre un prestataire financier qui serait accusé, par exemple, de n’avoir pas dénoncé un mouvement de fonds susceptible d’alimenter un réseau terroriste, voire un taxi fiscal, serait très dolosive car, étant purement accusatoires, ces menaces ruinent vite une réputation, même après un non-lieu ; et c’est pourquoi aucune banque occidentale, ni aucune multinationale européenne ou japonaise ne prend le risque de s’y faire prendre.

Dans le monde actuel, un tel procès d’intention minerait à coup sûr un opérateur financier. Il est donc très improbable que la plate-forme FTX ait agi depuis les Bermudes sans que les autorités américaines en ait suivi l’action. Il est inconcevable qu’une firme aussi visible, n’ait pas été surveillée, ce qui soulève les questions suivantes : pourquoi sa chute fut-elle si brutale et si peu amortie ? Comment le régulateur auquel FTX devait des comptes, la CFTC américaine qui surveille le courtage des matière premières, n’a-t-elle rien vu venir ? Pourquoi la SEC (qui laissa grandir l’exploitation de Celsius) n’a-t-elle pas tiré une sonnette d’alarme ? A quoi servent toutes ces règles, coûteuses et tatillonnes, qui alourdissent les marchés financiers, si personne ne pressent l’orage destructeur qui fit tomber FTX-Alameda ?

George Stigler, qui reçut en 1982 le Nobel d’économie, avait dévoilé cet effet pervers de la régulation qu’il nomma « la capture du régulateur » par le milieu régulé[24]. Dans les cas que j’évoque ici, on pourrait se demander, par exemple : quelqu’un a-t-il mené le bal ? Des banques, le Trésor, la Federal Reserve, des intérêts politiques ou d’autres espéreraient-ils que la finance décentralisée reçoive un coup d’arrêt ? Et que soit calmée l’ardeur de ces fourmis qui explorent le potentiel des technologies de communication et les réseaux cryptés, en espérant bâtir une nouvelle finance ?

Souhaitons que l’enquête apporte quelques réponses à ces interrogations. Mais, au bout du compte : le temps n’est-il pas venu de « déréguler ces régulateurs » qui imposent à leur guise leur conception de l’ordre, sans s’inquiéter vraiment des troubles incidents qu’ils provoquent ? Ni « SBF » ni les animateurs de Celsius, de Binance ou de Luna/Terra ne sont certes des anges désincarnés ; mais ils explorent ; et s’ils s’égarent en chemin, laissons-les se planter dans le sable : perdre sa boussole n’est vraiment grave que pour celui qui la porte ! Imposons-leur seulement de ne pas trahir leurs dépositaires, en dollars ou en Éthers ; et laissons-les expérimenter à leur guise : qui peut prédire ce qui en sortira ?

Pour en savoir plus :

Une abondante revue de presse a couvert l’accident FTX ; les articles du Financial Time, du Wall Street Journal et du New York Times décrivaient les faits au jour le jour.

  • Le dossier publié par Le Point indique les principales phases de l’affaire et il éclaire les principales personnalités impliquées.
  • De nombreux blogs ont exprimé des opinions ou fourni des compléments d’enquête sur ce dossier ; plusieurs sont cités en note de bas de page.
  • Le Centre de droit bancaire et financier de l’université de Genève (UniGe) suit et commente attentivement les dispositions légales et prudentielles concernant les crypto-actifs et les émissions de jetons électroniques, notamment en Suisse. https://cdbf.ch
  • Le site coindesk.com est une source incontournable pour suivre l’écosystème des jetons électroniques et les cyber-monnaies, y compris la cotation de ces signes en dollar américain.
  • Quelques articles très critiques de Steve Hanke méritent le détour et la discussion, par exemple : « How Innovative is Crypto ? » (avec Matt Sekerke) National Review , Oct. 12, 2021.

[1]    Surnommé « SBF », par la chronique, il n’avait que vingt ans à l’époque !

[2]    On apprendra vite qu’il s’agit de l’ancien liquidateur de l’entreprise ENRON qui fit dévisser le Nasdaq en l’an 2000 ; je reviens plus loin sur cette affaire ancienne, en conclusion.

[3]    Par simplicité, j’utilise ici des expressions usuelles du droit français, au lieu des qualificatifs du droit américain.

[4]    Comme le fit et continue de le faire l‘euro-dollar qui répond aux besoins financiers liés, depuis les années 1960, à l’expansion du commerce, du tourisme, des transports et des industries à travers le monde. Voir, à ce propos : « Omniprésence du numérique », chapitre premier de : L’ère du numérique 1 : enjeux des données massives, ISTE, Londres, 2017 (pp. 25 à 48) ainsi que le chapitre 4 : « De l’euro-dollar aux cyber-monnaies : nature et portée de la disruption monétaire » de L’ère du numérique 3 : des mœurs & des usages, ISTE, Londres, 2021 (pp. 85 à 116). Gérard Dréan, Henri Lepage et Ejan Mackaay ont beaucoup contribué à la maturation de ces réflexions.

[5]    Cette commission fédérale enregistre à Washington les opérateurs agréés aux Etats-Unis pour le courtage de produits dérivés et de marchandises.

[6]    Que sont venus faire dans cette galère d’anciens hommes politiques comme Bill Clinton et Tony Blair ? En revanche, Philippe Davis, premier ministre des Bahamas, accueillit les animateurs de FTX avec une bienveillance compréhensible : il espérait que la richesse présumée de cette plate-forme retomberait en pluie fine sur ses terres !

[7]    Comme ces conquérants de l’inutile décrits par un alpiniste célèbre des années 1950, Lionel Terray !

[8]    Voir l’excellent blog de G. Selgin : https://www.cato.org/blog/bank-crypto-runs-factx-vs-fiction 21 novembre 2022.

[9]    La capitalisation boursière de Facebook, de Google et même d’Apple se contracte depuis plusieurs mois ; ce n’est une surprise que pour ceux qui oublient le proverbe latin : « la Roche Tarpéienne est proche du Capitole » !

[10]   Floraison d’entreprises nouvelles et sélection naturelle que Joseph Schumpeter avait si bien nommées : « destruction créatrice » : Capitalisme, socialisme & démocratie, trad. G. Fain, Payot, Paris 1954, pp. 164-65.

[11]   Expression consacrée des comptables, le « grand livre » d’une entreprise récapitule les transactions effectuées, par ordre chronologique et par nature ; il est, avec les journaux (de ventes, d’achats, de banque etc.) une base de la comptabilité en partie double (en anglais : ledger). Conservé sur un registre informatique codé, protégé et dédoublé en de nombreux endroits différents, ce registre forme la « chaîne de blocs ».

[12]   Ce mécanisme peut engager un cercle vertueux : les entrepreneurs qui réussissent jouent ensuite le rôle du capital-risqueur : en Amérique du Nord, Peter Thiel, américain d’origine allemande, est un prosélyte de cette méthode qu’il a illustrée — et quelque peu théorisée — avec l’aide de Blake Masters dans : Zero-one, Virgin Books, New York 2014 [traduction chez J-C. Lattès, Paris 2016].

[13]   L’explosion des services d’intermédiation sur Internet stimula aussi la demande de financement en Chine populaire, un élan qui fut vite stoppé par les autorités communistes !

[14]   On consultera à ce propos : G. Dang N’Guyen : « L’économie collaborative, de quoi parle-t-on ? », chapitre 4 de : L’ère du numérique 2 : l’économie revisitée, ISTE, Londres 2018 (pp. 121-142).

[15]   L’une des premières ICO reçut l’équivalent de 500.000 $ en 2013 pour financer la conception du Master coin qui fut renommé Omni en 2015 lors d’une opération qui leva 7 M$. cf. https// : www.weusecoins.com (lu en janvier 2023)

[16]   Securities & Exchange Commission : autorité de surveillance des marchés financiers aux États-Unis, ci-après : SEC.

[17]   Le cours du BTC a beaucoup fluctué entre juillet 2017 (2.500 $ à la date de l’ICO) et décembre 2017 (cours supérieur à 15.000 $) pour redescendre, six mois plus tard, en dessous de 3.500 $. La volatilité de ce cours a-t-elle ébloui le président de la Fondation Tezos ? Remis désormais sur des rails, Tezos et sa Fondation offrent aujourd’hui un service de portefeuille électronique (wallet) portable et sûr !

[18]   Le blog de Daniel Neilson : https://www.soonparted.co/p/negative-space illustre bien ce schéma comptable (19 nov. 2022).

[19]   On l’a déjà constaté lors du passage du web initial au Web 2 et, actuellement, avec la préparation du web 3-metavers ! Souvenons-nous, cependant, que le droit s’élabore lentement : la jurisprudence se construit patiemment mais elle est plus durable qu’une loi dictée par les circonstances ou par l’impulsion du moment !

[20]   Enron a imaginé et mis en œuvre une activité de courtage qui améliora considérablement la distribution du gaz naturel américain. Comme l’échange actuel des cyber-jetons, cette plate-forme dédiée au gaz mobilisait des fonds très importants. Enron développa une ingénierie financière remarquable, soutenue par de puissants partenaires financiers. Cette entreprise a failli lors du retournement du marché Nasdaq en mars 2000. Ce très grave défaut entraîna dans sa chute la grande firme de conseil et d’audit Andersen. Voir par exemple Christine Zunello : « Enron, une entreprise américaine en question », https://books.openedition.org/psn/5514?lang=fr.

[21]   L’expression est du dessinateur-polémiste François Lejeune, connu par son nom de plume Jean Effel (1908-1982) : dans ses cahiers de guerre, tenus à Londres pendant les années noires de l’occupation allemande, Effel faisait allusion au symbole de Vichy, la francisque, et aux retournements de veste des collaborateurs français, à la veille de la Libération en 1944.

[22]   L’un de mes ouvrages collectifs faisait déjà écho aux préoccupations qui vont suivre :Deregulating Regulators ? Communication Policies for the Nineties, IOS Press, Amsterdam 1991. Ma préface s’ouvrait ainsi: « Following the operators’ deregulation which started in the past decade, will the regulators new powers be challenged? » La lecture du Journal officiel de l’Union européenne y répond : c’est non, car l’Union complexifie toujours ses règles.

[23]   Pour un complément sur les poursuites engagées contre Facebook, voir : L’ère du numérique 3 : des mœurs & des usages, ISTE-Wiley, Londres, 2022 (pp. 248-50).

[24]   G. Stigler (1971) “The theory of economic regulation,” Bell J. Eco. & Mngt. Sc. Printemps, Vol.2, No1,  pp. 3-21.

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Jean-Pierre Chamoux

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