Dans cet article, le professeur Kevin Dowd revient sur l’éphémère administration Truss au Royaume-Uni. Il affirme qu’elle et son chancelier, Kwasi Kwarteng, ont fatalement sapé leur propre politique économique en ignorant la viabilité budgétaire en dépit d’avertissements clairs. Ce faisant, Truss et Kwarteng ont fait reculer plutôt que progresser les réformes du marché libre dont le Royaume-Uni a tant besoin[1].

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Le 8 juillet de l’année dernière, le Premier ministre britannique Boris Johnson démissionnait de son poste de chef du Parti conservateur après qu’une révolte au sein du cabinet — qui faisait suite à une série de scandales éthiques — ait rendu sa position intenable. Une élection s’est alors tenue au sein du parti afin de désigner le successeur de Boris Johnson au poste de Premier ministre. Les résultats, proclamés le 5 septembre, plaçaient en tête celle que l’on présentait comme « la future Margaret Thatcher » : Liz Truss.

Dès le lendemain, la Reine invitait Truss à devenir Premier ministre et cette dernière annonçait immédiatement « un plan audacieux pour faire croître l’économie grâce à des réductions d’impôts et des réformes » ainsi qu’ « une action [en fait, un plafonnement des prix] dès cette semaine pour régler le problème des factures d’énergie ». Le même jour, elle nommait son nouveau chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, un libre-échangiste respecté, titulaire d’un doctorat de l’Université de Cambridge avec une thèse sur « la Grande Refonte des Pièces de 1696 ».

L’action de ce nouveau gouvernement était interrompue deux jours plus tard par le décès soudain de la reine Élisabeth, le pays entamant une période de deuil national qui s’est achevée le 20 septembre. Le nouveau gouvernement annonça alors la mise en place d’un « mini-budget » d’urgence afin de définir les contours de son programme économique.

Ce qui suivit illustre parfaitement ce qu’il ne faut pas faire si l’on désire promouvoir un programme libéral. C’est un véritable cas d’école qui mérite d’être médité pour éviter que de futurs décideurs politiques ne répètent les erreurs commises par Truss et Kwarteng ; erreurs qui les ont finalement tous deux poussé à la chute. Sur le fond l’erreur est simple. Certes, les réductions d’impôts étaient raisonnables, mais elles auraient dû être plus que compensées par d’importantes réductions des dépenses publiques afin de réduire le déficit budgétaire et de prouver par la même occasion que le nouveau gouvernement optait pour une politique budgétaire responsable. On fera remarquer que depuis longtemps les gouvernements britanniques successifs ne faisaient référence à la responsabilité budgétaire que pour mieux la trahir, mais il était tout de même imprudent — surtout pour un gouvernement qui prône l’économie de marché — d’ignorer cette question. C’est ainsi que les donneurs de leçons prétentieux se sont vengés d’un gouvernement qui s’est précipité sur un mur budgétaire qu’il n’a pas su apprécier à sa juste hauteur alors qu’il se trouvait juste sous son nez.

Dans cet article, je commencerai par donner une vue d’ensemble et une chronologie des événements qui ont conduit à l’annulation du mini-budget et à la chute de Madame Truss. Je reviendrai ensuite sur ce qui qu’il aurait fallu faire.

Le mini-budget et la réaction du marché

Kwarteng a présenté son mini-budget au Parlement le vendredi 23 septembre. Il s’agissait principalement de mettre en place un onéreux plafond pour les prix de l’énergie ainsi qu’un ensemble de réductions d’impôts destinées à stimuler la croissance économique.

La nouvelle fut très mal reçue par les marchés financiers. Pour citer le commentateur de Bloomberg, Simon White[2] :

Le « mini budget » britannique d’aujourd’hui a provoqué une déroute de la livre sterling et des gilts [obligations d’État britanniques] …. La combinaison d’énormes promesses de dépenses publiques et de réductions d’impôts nécessitera une augmentation significative des emprunts britanniques… La Banque d’Angleterre se trouve maintenant dans un dilemme semblable à celui des pays émergents … Les déficits jumeaux [budget et balance des paiements] s’élèvent actuellement à plus de 250 milliards de livres sterling — un énorme montant de capital … C’est supportable en temps normal, mais lorsque la croissance est faible et que la volatilité macroéconomique est élevée, c’est profondément problématique. Le gouvernement britannique et la Banque d’Angleterre doivent réfléchir rapidement afin d’éviter une nouvelle crise de la livre sterling.

Ils ne l’ont pas fait et, le lundi suivant, la livre s’est effondrée à un niveau record par rapport au dollar, à peine plus de 3 cents au-dessus de la parité.

Les réactions des journalistes spécialisés et de nombreux hommes politiques à ce mini-budget ont été, à quelques exceptions près, hostiles et mal informées ; à tel point que je me demande si le Royaume-Uni n’est pas devenu une idiocratie. Il y a eu bien sur les indignations prévisibles de la gauche pour laquelle les réductions d’impôts ne profitent qu’aux riches, mais la critique la plus surprenante est venue de l’ancien banquier de Goldman Sachs et serviteur des visions du cercle de Davos, Rishi Sunak. Ce dernier, qui est aussi ancien chancelier conservateur et dauphin de Truss dans la course à la direction du parti, avait affirmé tout au long de sa campagne que les réductions d’impôts proposées par Mme Truss étaient mauvaises parce qu’elles n’étaient « pas financées ». Cette affirmation mérite que l’on s’y arrête un instant. Elle revient à dire que le gouvernement ne devrait réduire les impôts qu’à condition d’avoir préalablement accumulé un fonds permettant de financer cette réduction ! Et, comme le précédent gouvernement Sunak n’avait pas constitué un tel fonds, en toute logique (Sunakienne !), Kwarteng ne pouvait pas se permettre de réduire les impôts. On notera que cette perle de sagesse fiscale émanait de ce même chancelier qui, tel un marin ivre, n’avait eu de cesse d’accroître les dépenses publiques tout au long de son mandat (marqué par le Covid) et laissé les finances publiques dans l’état de ruine où Truss et Kwarteng les ont trouvées. Comme si sa propre prodigalité n’était en aucune façon responsable de la crise de confiance fiscale que traversait à présent l’économie britannique et que tout était de la faute du nouveau gouvernement… L’hôpital se moque de la charité.

« La fenêtre d’Overton est [désormais] si étroite dans les médias que tout conservateur qui se lancera dans une baisse des impôts sera pris pour un dérangé », observe Tim Stanley dans le Daily Telegraph du 3 octobre. Il poursuit :

La facture la plus élevée a été celle du plafonnement des prix de l’énergie (60 milliards de livres), tandis que les mesures relatives à la National Insurance [qui couvre en particulier les retraites] et à l’impôt sur les sociétés n’étaient pas réellement des réductions d’impôts mais plutôt des revirements. Le choc qu’a constitué l’abolition du taux le plus élevé [la tranche maximale à 45 % de l’impôt sur le revenu, n’était de fait] qu’une goutte d’eau dans l’océan, avec seulement 2 milliards de livres. Cela représente environ deux Gary Linekers et un yacht royal.

Tim Stanley poursuit en critiquant « les boussoles politiques [qui] n’existent pas pour indiquer la position des hommes politiques mais pour délimiter une zone d’acceptabilité dans notre discours […]. Si l’on s’en éloigne d’un pouce … on est taxé de fou ».

Au cours de la semaine qui suivit ces annonces, le marché des obligations d’État est devenu de plus en plus instable, la crise atteignant son paroxysme dans la matinée du mercredi 28 septembre, lorsque le marché des obligations d’État à long terme s’est effondré. Pour citer le Financial Times :

« À un moment donné ce matin, j’ai craint que ce ne soit le début de la fin », a déclaré un banquier londonien de haut rang, ajoutant qu’à un moment donné, mercredi matin, il n’y avait plus d’acheteurs pour les gilts britanniques à long terme. « Ce n’était pas tout à fait un moment Lehman. Mais on s’en est approché ».

Les groupes les plus directement touchés ont été les fonds de retraite à prestations définies qui s’étaient couverts pour garantir leur capacité à honorer leurs obligations futures — avec ce que l’on appelle des Liability Driven Investment (LDI ; instruments très sensibles à l’évolution rapide des rendements des obligations d’État).

Il apparaissait ainsi clairement que, si rien n’était fait, la plupart des régimes de retraite britanniques seraient pris en défaut sur leurs positions de swap LDI avant la fin de la journée, ce qui aurait eu des conséquences catastrophiques. La Banque d’Angleterre réagit donc en suspendant temporairement le resserrement quantitatif et en annonçant un programme d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) de 65 milliards de livres sterling destinés à acheter des obligations d’État à long terme afin d’en faire baisser les taux. Suite à ces annonces, le marché des obligations s’est effectivement fortement redressé et, à la fin de la journée, la livre était remontée à 1,088 $.

Les événements de ce 28 septembre ont ainsi mis en évidence que le système des retraites est exposé à un risque jusqu’alors non apprécié ; risque qui, ainsi que nous le verrons, est la conséquence d’une série de défaillances réglementaires.

La crise politique échappe à tout contrôle

La crise financière s’était stabilisée, mais la crise politique ne faisait que commencer. Sunak et ses partisans décidèrent en effet de boycotter la conférence annuelle du Parti conservateur qui débutait le 2 octobre afin que « Liz puisse avoir son moment ».  Parmi ceux qui participèrent, il y eut une révolte ouverte fomentée par des députés conservateurs mécontents, l’opposition de son côté réclamait à cor et à cri la démission de Truss et de Kwarteng et les sondages montraient que les travaillistes devançaient largement les conservateurs (Labor 54% contre Conservatives 21%), indiquant que si des élections générales devaient se tenir le lendemain, les travaillistes l’emporteraient haut la main.

Dans de telles circonstances, un Premier ministre fort aurait rétorqué aux rebelles qu’en cas de rejet du budget par le Parlement, elle déclencherait des élections générales et qu’ils pourraient tous alors tenter leur chance auprès des électeurs. Mais Mme Truss n’en a rien fait.

Lors d’une interview donnée le dimanche 2 octobre au matin, elle a au contraire continué d’insister sur le fait que les réductions d’impôts étaient essentielles pour relancer la croissance économique. Elle confirma son « engagement » à supprimer le taux d’imposition maximal de 45 %. Il n’y aurait pas de « U-turn ». Allusion était faite ici au célèbre discours prononcé en 1980 par Margaret Thatcher, « la dame qui ne fait pas demi-tour », lorsque Thatcher s’opposait avec fermeté à ceux qui exigeait d’elle un « U-turn » sur ses politiques économiques controversées.

Mais avant que le jour suivant ne s’achève, le projet de supprimer le taux de 45 % était abandonné. « La dame est bel et bien en train de faire demi-tour », s’empressait d’écrire Sean O’Grady dans The Independent. « La réputation qu’elle avait d’être un leader thatchérien potentiellement fort a été détruite. » « C’est une décision très douloureuse, mais nous n’avions pas le choix », déclarait de son côté un ministre. « Il n’y avait aucun moyen de faire passer le budget. »

Dans cette même interview, Trust précisait que la suppression du taux d’imposition de 45 % était une décision de Kwarteng, et non la sienne, et qu’elle n’avait pas été discutée avec le cabinet. Aïe ! Le lendemain, elle refusa à plusieurs reprises de confirmer qu’il avait sa confiance ce qui, pour tous, signifiait de façon évidente que Kwarteng était désormais, politiquement parlant, un homme mort.

Entre-temps, la pression sur Truss et Kwarteng n’avait cessé de s’intensifier pour atteindre son paroxysme à la mi-octobre. « Les 13 et 14 octobre, le Trésor nous a informés que le Royaume-Uni était sur le point de devenir un pays du tiers monde », aurait déclaré une source de Downing Street. Les hauts fonctionnaires du Trésor et du Cabinet Office

« se sont tous assis autour de la table du Cabinet et ont dit au Premier ministre : « Si vous ne renoncez pas à [vos projets concernant] l’impôt sur les sociétés, nous allons connaître l’effondrement le plus catastrophique qui soit ; il faudra 20 ans pour s’en remettre ». Ils lui ont fait une peur bleue. … Ils ont dit que la livre allait s’effondrer à un point tel que nous aurions du mal à vendre notre dette, comme le fait un pays du tiers-monde. En fait, la Grande-Bretagne allait devenir un tas de décombres.[3]»

C’était une absurdité apocalyptique — le Trésor est connu pour des modélisations risiblement mauvaises de cette nature — mais elle a eu l’effet escompté.

On lui a également fait comprendre que, si elle voulait avoir une chance de rester Premier ministre, Kwarteng devait partir et elle l’a renvoyé à contrecœur le 14 octobre. À ce instant, son soutien se montait à 9 % de l’électorat, soit plus ou moins le territoire du Prince Andrew.

Jeremy Hunt fut désigné pour remplacer Kwarteng. Un « homme sûr » de l’establishment qui avait soutenu la politique de quarantaine « zéro Covid » de la Chine et appelé à des politiques similaires pour le Royaume-Uni. Hunt procéda rapidement à l’annulation de presque toutes les réductions d’impôts restantes dans le mini-budget Kwarteng, détruisant ainsi ce qui restait de l’autorité de la Première ministre.

Le 20 octobre, Mme Truss recevait la visite, probablement redoutée, de Sir Graham Brady, le président du Comité 1922 des députés conservateurs d’arrière-ban (c’est-à-dire non ministériels), qui est responsable des élections à la direction du parti. Il lui aurait dit qu’il avait reçu suffisamment de lettres de députés pour justifier une nouvelle course à la direction du parti : le sort en était jeté. Une heure plus tard, Mme Truss annonce qu’elle démissionnerait de son poste de chef du parti dès qu’un successeur lui aura été trouvé. Elle n’est restée en fonction que 45 jours, soit la durée la plus courte jamais enregistrée pour un Premier ministre britannique.

Conformément aux nouvelles règles de sélection des dirigeants, Sunak s’est rapidement imposé comme le favori des députés — Boris Johnson (entre tous !) arrivant en deuxième position, preuve de l’inconstance des députés conservateurs —, tout cela sans consulter les membres du parti. Sunak est devenu le chef du parti le 24 octobre et a été nommé Premier ministre par le roi le lendemain.

La défenestration de Truss et l’installation de Sunak au poste de premier ministre ne sont rien d’autre qu’un « coup d’État des Remainers [ceux qui s’opposaient au Brexit] qui ont pris le contrôle de la politique économique du Royaume-Uni », observe mon ami et coauteur David Blake. Et je suis d’accord avec lui. « Les vrais risques pour l’économie viennent maintenant de l’élite des Remainers, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. Les radicaux ont été battus par l’élite, et pourtant c’est bien d’une réforme radicale dont l’économie britannique » a désespérément besoin, aujourd’hui plus que jamais. Au lieu de cela, les partisans de M. Sunak appellent à présent à la purge des « droitiers ». Traduire : les partisans d’une baisse des impôts et d’un gouvernement restreint ne sont plus les bienvenus au sein du parti conservateur.

Bilan de cette expérience de « Trussonomie »

Je pense que cette expérience était fiscalement imprudente. Truss et Kwarteng ont ignoré les signaux qui les informaient clairement que leur gouvernement souffrait d’un problème de crédibilité fiscale. Ils auraient dû placer la prudence budgétaire au centre de leur programme et accompagner leurs réductions d’impôts de réductions encore plus importantes des dépenses publiques afin de rassurer les marchés. Et c’est ce qu’ils n’ont pas fait.

Commençons par l’inspiration économique et les personnes qui en sont à l’origine. Dans son article du Spectator du 3 septembre intitulé « Trussonomics : a beginner’s guide », Kate Andrews nous offre un éclairage intéressant sur ces questions. Lorsque les sondages ont commencé à montrer que Mme Truss était largement en tête de la campagne pour la direction du parti conservateur, on l’a mise au défit lors d’une interview de citer au moins un économiste qui soutenait son programme de réduction des impôts. Elle cita Patrick Minford, ancien conseiller économique de Margaret Thatcher. Peu après, d’autres économistes lui ont apporté leur soutient et le terme « Trussonomics » commença à tracer son chemin. Parmi ces économistes figuraient Julian Jessop, un ancien économiste de la City lié à l’Institute of Economic Affairs (IEA), et Gerard Lyons, un autre ancien économiste de la City qui avait conseillé Boris Johnson.

Tous trois étaient des « supply siders » partisans d’une réduction des impôts qui pensaient que l’important est la trajectoire à long terme de la dette publique et non pas les pics d’emprunt à court terme. Interrogé sur la possibilité d’une réaction négative des marchés, M. Jessop a répondu : « Si les réductions d’impôts se traduisent par une augmentation des emprunts à court terme, je n’y vois aucun inconvénient. Je pense que les marchés penseront de même ».

Ce qui me frappe dans ces commentaires, c’est leur désinvolture à l’égard de ce qui, même à l’époque, était l’éléphant dans la pièce, à savoir la crédibilité budgétaire des mesures qu’ils proposaient et, en particulier, la façon dont ces mesures seraient accueillies par les marchés après un budget. Jessop et ses collègues semblaient supposer que les marchés partageraient leur optimisme. Cela me rappelle une blague à propos des économistes et des ouvre-boîtes[4].

Il y a un autre problème. Comme l’a expliqué Andrews :

Je ne peux m’empêcher de penser, lorsque je parle aux gourous économiques de Truss, que […] pour réduire la dette à long terme, il est certainement nécessaire de réduire les dépenses publiques. Pourtant, Mme Truss promet des dizaines de milliards de livres de dépenses supplémentaires … [et] tout cela viendrait s’ajouter aux 50 milliards de livres de réductions d’impôts qu’elle a promises.

L’absence de réponse à cette question serait une autre raison pour laquelle les marchés ont pu avoir des doutes sur le programme de la  Trussonomie.

Les principales caractéristiques du mini-budget consistaient en une série de réductions d’impôts et d’annulations d’augmentations d’impôts précédemment prévues, une mesure de dépense coûteuse (60 milliards de livres par an) et pas spécialement axée sur le libre marché pour plafonner les coûts énergétiques des ménages, un objectif de croissance annuelle du PIB de 2,5 %, le doublement du déficit budgétaire à près de 10 % du PIB et beaucoup de rhétorique axée sur le libre marché et l’offre. Il n’y avait aucune mesure explicite du côté des dépenses, mais il était raisonnable de lire dans les déclarations de Kwarteng autour du mini-budget qu’il y aurait une augmentation des dépenses du gouvernement.

Les partisans de M. Truss ont réagi avec enthousiasme à ce mini-budget. Allister Heath, du Daily Telegraph, écrivait :

Le budget de Kwasi Kwarteng est un moment historique qui transformera radicalement la Grande-Bretagne. C’est le meilleur budget qu’il m’ait été donné d’entendre de la part d’un chancelier britannique, et de loin. Les réductions d’impôts étaient si importantes et si audacieuses, le langage si extraordinaire, qu’à certains moments, je devais me pincer pour m’assurer que je n’avais pas été transporté dans un pays lointain qui croyait réellement à l’économie de Milton Friedman et de F.A. Hayek.

Le directeur général de l’IEA, Mark Littlewood, a déclaré quant à lui : « Il ne s’agit pas d’un budget à effet de ruissellement, mais d’un budget à effet de relance. Le gouvernement a annoncé un ensemble de politiques radicales visant à accroître la prospérité de la Grande-Bretagne… C’est un début très encourageant, mais le gouvernement ne doit pas relâcher la pression ». Plus tard dans la journée, il a ajouté « que le succès ou l’échec des politiques du gouvernement constituerait un véritable test pour la vision du monde qu’entretient l’IEA ». Ces commentaires faisaient reposer la crédibilité de l’IEA sur le succès du mini-budget et reviennent aujourd’hui, tel un boomerang, contrarier cette crédibilité.

Quant à Minford il affirmait que « la Trussonomie tue déjà les démons de la stagflation. Il nous en faut plus encore ».

De mon point de vue, de telles réactions se basaient trop sur la rhétorique de Kwarteng et pas assez sur la substance de son budget, et elles étaient elles-mêmes faibles sur le plan de la substance.

La réaction du reste des commentateurs a été majoritairement négative. Ainsi que nous l’avons rappelé, les réactions de la gauche étaient prévisibles — un budget « ruisselant », « Robin des Bois à l’envers », etc. — exprimant un antagonisme presque de principe à l’égard des réductions d’impôts, en particulier quand c’est « pour les riches ». Il y avait aussi la critique souvent répétée que les réductions d’impôts n’étaient pas financées, basée sur le principe absurde qu’une réduction d’impôts ne peut être justifiée que si elle est financée. Mais comme l’a fait remarquer Matthew Lynn, « les réductions d’impôts non financées n’existent pas ». En effet, le gouvernement ne finance jamais une réduction d’impôt, car il s’agit avant tout de notre argent. Lorsque le gouvernement réduit les impôts, il ne prélève pas d’argent sur un fonds qu’il a accumulé précédemment pour nous le remettre. Au contraire, il se contente de nous prendre moins d’argent sous forme d’impôts.

Parmi les critiques les plus éclairées, citons celle de Larry Summers, qui a ironisé : « Je pense que le Royaume-Uni se comporte un peu comme un marché émergent qui se transforme en un marché submergé », ainsi qu’un réquisitoire accablant de l’Institute of Fiscal Studies [5]:

Aujourd’hui, le chancelier a annoncé le plus grand programme de réductions d’impôts depuis 50 ans, sans même un semblant d’effort pour faire en sorte que les chiffres des finances publiques s’additionnent. Au lieu de cela, le plan semble consister à emprunter des sommes importantes à des taux de plus en plus élevés, … et d’espérer que nous aurons une meilleure croissance. … M. Kwarteng s’est montré prêt à jouer avec la viabilité budgétaire pour faire passer ces énormes réductions d’impôts… M. Kwarteng ne se contente pas de parier sur une nouvelle stratégie, il met la maison en jeu.

Le mini-budget a également été comparé à une précédente « course à la croissance » des conservateurs. En 1972, le chancelier de l’époque, Anthony Barber, a engagé un ensemble de réductions d’impôts importantes et une augmentation des emprunts publics qui ont initialement stimulé l’économie, pour se terminer avec une forte inflation et un chaos économique qui ont abouti à un gouvernement de gauche radicale en 1974 et à un renflouement par le FMI en 1976. Le « boom de Barber » est un cas d’école pour illustrer les dangers des largesses fiscales.

À mon avis, ces préoccupations sont raisonnables.

Certains économistes libéraux ont également exprimé leurs doutes raisonnables. Dans sa lettre d’information de septembre, Tim Congdon se disait « horrifié par la Trussonomie » car « les réductions d’impôts aujourd’hui signifient plus de dépenses publiques à l’avenir » pour assurer le service d’une dette publique plus importante. Il a ensuite critiqué M. Minford pour avoir déclaré à Simon Heffer du Daily Telegraph que

Mme Thatcher approuverait « ce que Truss promet de faire ». Minford a même fait référence … au budget [réussi mais controversé] de 1981, lorsque les impôts ont été augmentés de 2 % de PIB afin de maîtriser le déficit budgétaire … Mais le [mini-budget] Kwarteng de 2022 … était exactement le contraire … La Trussonomie est une aventure sauvage et imprudente.

N’oublions pas non plus que Thatcher était prudente sur le plan budgétaire et qu’il a fallu attendre le budget de 1988 pour voir les taux d’imposition des particuliers fortement réduits.

Christopher Snowdon, de l’IEA, est lui aussi critique :

Les gouvernements précédents s’étaient au moins efforcés d’équilibrer les comptes. L’administration Truss n’a même pas pris la peine de faire semblant. … [La politique économique de Truss était] une sorte de keynésianisme de droite, cherchant à stimuler les dépenses en empruntant de l’argent pour réduire les impôts. … [En conséquence] tout le monde est à présent un conservateur en matière budgétaire. C’est le cadeau accidentel de Liz Truss à la nation. … Elle a montré que … l’ère des grands emprunts était révolue.

Un troisième libéral critique de la Trussonomie est Kristian Niemietz, collègue de Snowdon à l’IEA :

En résumé, le problème du mini-budget est qu’il entraînait des augmentations énormes et permanentes des emprunts publics à un moment où les marchés étaient très nerveux. … Je ne sais pas où le gouvernement a puisé l’inspiration pour ces plans, mais ce n’est certainement pas de nous qu’il l’a puisée…

Quant à moi, je le répète, je pense que Truss et Kwarteng ont commis deux erreurs majeures. La première est qu’ils ont ignoré les avertissements clairs selon lesquels le gouvernement avait un problème de crédibilité budgétaire. La deuxième erreur a été de ne pas accompagner les réductions d’impôts de coupes encore plus importantes dans les dépenses publiques pour démontrer que leur mini-budget était fiscalement responsable. Ces réductions sont nécessaires non seulement pour des raisons de prudence budgétaire, mais aussi parce que le secteur public britannique est déjà beaucoup trop important et que le Royaume-Uni a besoin à la fois de réductions d’impôts et de réductions des dépenses publiques pour revenir à un modèle de gouvernement à faible taux d’imposition et de taille réduite, qui est la clé de sa prospérité future.

Le fiasco de la Trussonomie constitue une étude de cas idéale des pièges d’un Lafferisme naïf, mais il est regrettable que cette expérience instructive ait fait reculer la cause du marché libre au Royaume-Uni pour longtemps et détourné nos regards des échecs de la réglementation.

Les échecs de la régulation financière et la quasi-faillite des régimes de retraite

Le quasi-effondrement du secteur des retraites au Royaume-Uni met en lumière une série de défaillances des régulateurs financiers britanniques. J’ai expliqué précédemment que l’effondrement du marché des obligations d’État britanniques à long terme (ou gilts) le 28 septembre, qui a suivi le « mini-budget » malheureux de Kwarteng quelques jours plus tôt, avait mis en lumière un problème jusqu’ici sous-estimé : les régimes de retraite britanniques étaient massivement exposés aux variations des taux d’intérêt des gilts à long terme.

La semaine suivant le mini-budget, le marché des gilts est devenu très instable. Pour citer le Financial Times :

les variations considérables des prix des obligations ont laissé les analystes et les investisseurs perplexes. « Les mouvements des rendements à long terme étaient tout simplement incroyables ; le marché des gilts était en chute libre », a déclaré Daniela Russell, responsable de la stratégie sur les taux britanniques chez HSBC.

Le marché s’est ensuite effondré dans la matinée du mercredi 28, lorsqu’il est devenu évident que, sauf intervention de la Banque d’Angleterre, la plupart des régimes de retraite britanniques feraient défaut sur leurs positions de swap sur des liability-driven investment (LDI) d’ici la fin de la journée. La réaction de la Banque (voir plus haut) a permis le redressement immédiat du marché des gilts, leurs rendements retombant sous la barre des 4 %.

« S’il n’y avait pas eu d’intervention aujourd’hui, les rendements des gilts auraient pu passer de 4,5 % ce matin à 7-8 % et, dans ce cas, environ 90 % des fonds de pension britanniques auraient manqué de garanties « et seraient devenus insolvables », a déclaré Kerrin Rosenberg, directeur général de Cardano Investment. « Ils auraient été anéantis. »

Liability-driven investment

En quoi consistent ces « liability-driven investment » ? Pourquoi sont-ils importants ? L’explication standard est la suivante. Le principal engagement d’un fonds de retraite est un portefeuille illiquide de paiements annuels [les pensions qu’il doit verser] dont la valeur diminue en cas de hausse des taux d’intérêt et augmente en cas de baisse des taux d’intérêt. Le fonds couvre alors l’exposition de ses obligations au risque de taux d’intérêt avec un swap de taux d’intérêt liquide (IRS). En cas de hausse des taux à long terme, le fonds perdra du côté du swap, mais gagnera un montant égal du côté du passif. En théorie, ces deux éléments devraient se compenser pour produire une variation nette nulle de la valeur actuelle du fonds. Cependant, le fonds couvre un risque illiquide par un risque liquide, ce dernier étant évalué au prix du marché et une marge étant exigée pour couvrir les pertes liées à cette réévaluation au prix du marché. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt augmentent, les pertes sur le swap déclenchent des appels de marge, que le fonds doit satisfaire en déposant des garanties supplémentaires (par exemple, des liquidités) sous peine de faillite. Si un grand nombre d’entreprises sont touchées, il peut alors y avoir une ruée vers les liquidités qui crée une spirale de la mort dans laquelle les taux d’intérêt sont poussés à des niveaux de plus en plus élevés, ce qui rend la tâche de trouver des liquidités de plus en plus ardue, voire impossible. C’est ce qui s’est produit le 28 septembre.

Les dangers de la couverture d’une position illiquide par une position liquide sont bien connus. Ce que peu de gens avaient apprécié, c’était l’ampleur du problème pour les fonds de pension britanniques.

À cela s’ajoutent au moins trois autres préoccupations.

La première est que les régulateurs ne disposent pas de beaucoup de données sur l’ampleur des positions des fonds de pension en matière de LDI ou sur l’ampleur des fonds à risque. Pour ces derniers, des articles de presse ont avancé des chiffres allant de 1 000 à 1 700 milliards de livres sterling, mais tout ce que l’on sait vraiment, c’est qu’il s’agit d’un chiffre important.

La deuxième question est celle de l’effet de levier. Helen Thomas l’explique ainsi dans le Financial Times :

Pour prendre un exemple simplifié, un fonds de pension achète 100 livres d’obligations d’État et les vend à une banque en s’engageant à les racheter dans un an à un prix donné. (Le fonds prend les 100 livres sterling qu’il a obtenues pour ses obligations et recommence : 100 autres livres sterling, une autre opération de pension. Et ainsi de suite. Et ainsi de suite.

Le troisième problème est que les régulateurs disposent de peu de données sur l’ampleur de l’effet de levier et n’exercent aucun contrôle sur celui-ci.

Curieusement, les régulateurs de la Prudential Regulation Authority [PRA, qui fait partie de la Banque d’Angleterre] avaient repéré la vulnérabilité des fonds de pension depuis plusieurs années déjà. Comme me le confiait récemment un initié :

La grande question est de savoir pourquoi ni le TPR [The Pensions Regulator] ni la PRA n’ont repéré le risque de couverture d’un passif illiquide par un actif liquide. Je me souviens d’une sorte de querelle à ce sujet en 2015, où les superviseurs de niveau opérationnel ont été blâmés pour avoir soulevé ce problème. « Nous ne devons pas imposer aux entreprises plus de réglementations [charges] qu’elles ne peuvent en supporter », a été la réponse [révélatrice de la direction].

Malgré cela, la question a réussi à se frayer un chemin dans le Rapport sur la stabilité financière de novembre 2018 préparé par la Banque [6]:

… les gestionnaires de fonds qui gèrent les LDI des fonds de pension font état d’un suivi quotidien du niveau des actifs liquides détenus par ces fonds de pension par rapport aux appels de garantie potentiels qui pourraient survenir en cas de stress. Toutefois, il n’est pas certain que les fonds de pension et les assureurs accordent eux-mêmes une attention suffisante aux risques de liquidité. Par exemple, les premiers travaux des services de la Banque ont montré que certains assureurs pourraient ne pas reconnaître pleinement tous les risques de liquidité pertinents.

Le même rapport présentait également les résultats d’un stress test et concluait qu’il ne semblait y avoir « aucune vulnérabilité systémique majeure ». Ils se sont clairement trompés sur ce point ! Je ne peux cependant pas dire que cela est surprenant car j’ai toujours soutenu que les stress tests réglementaires étaient pires qu’inutiles parce qu’ils offrent une fausse confiance dans notre capacité à maîtriser le risque. L’analogie qui convient est celle d’un navire qui se fie à un système radar pour détecter les icebergs, mais qui ne peut détecter les gros morceaux de glace flottants à la surface.

De plus, le fait qu’une entreprise échoue à un test de résilience entraîne des tracas inutiles pour les régulateurs eux-mêmes : l’entreprise se plaindrait à leurs supérieurs qui s’en prendraient alors aux responsables des stress tests et leur demanderaient de faire disparaître le problème. D’où la Règle d’Or des Stress Tests pour les Régulateurs qui font des Stress Tests : ne jamais effectuer un stress test sur une entreprise qui échouera. Au sein de la communauté des régulateurs cette Règle est un secret de polichinelle en matière de bonnes pratiques, mais elle demeure pratiquement inconnue en dehors de cette communauté. Je n’ai pas encore vu un seul cas où un tel test a correctement identifié une vulnérabilité clé à l’avance, mais j’ai vu de nombreux cas où ces tests n’ont pas su déceler des vulnérabilités qui ont plus tard conduit à des désastres spectaculaires qui auraient pu être évités.

Pour ne citer qu’un exemple, les lecteurs se souviendront peut-être des stress tests effectués par Joseph Stiglitz et ses collègues pour Fannie Mae en 2002[7]. Ils ont modélisé pour le marché du logement américain un scénario très défavorable « d’hiver nucléaire » qui perdurerait sur une décennie et ils en ont déduit que la probabilité de faillite de Fannie, même dans ce scénario défavorable, était pratiquement nulle. Pourtant, seulement six ans plus tard, Fannie et Freddie ont dû être nationalisées par l’État pour éviter leur faillite, ce qui a coûté des centaines de milliards de dollars aux contribuables américains.

Pour en revenir au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre s’est rendu compte qu’il y avait un problème, a conclu à tort qu’il ne représentait pas un risque systémique majeur parce qu’elle ne voulait pas qu’il le soit, et n’a jamais donné suite. Ce risque systémique s’est ensuite retourné contre elle au pire moment possible, comme c’est souvent le cas.

Ces choses arrivent, mais elles arrivent trop souvent aux régulateurs financiers britanniques et le gouverneur Bailey lui-même a présidé à un bon nombre de fiascos réglementaires[8]. Pour être honnête, la Banque n’est pas responsable de la réglementation prudentielle des fonds de pension. L’autorité de régulation responsable des fonds de pension est « le » TPR (The Pension Regulator), mais il est de notoriété publique que le TPR est encore plus ignorant que les deux autres principales autorités de régulation, la PRA et la Financial Conduct Authority (FCA), et l’incompétence de la FCA (dont l’ancien directeur général est un certain Andrew Bailey) est légendaire. Et comment « le » TPR s’est-il planté, me direz-vous ? Eh bien, en poussant les régimes de retraite à investir massivement dans les LDI[9], pensant à tort que les LDI offraient une stratégie d’investissement à risque pratiquement nul qui les aiderait à résoudre leurs problèmes de déficit. Ensuite, le TPR n’a pas recueilli beaucoup de données sur les positions des LDI, de sorte que les régulateurs britanniques disposaient de données très insuffisantes à leur sujet au moment même où ils en avaient le plus besoin.

Nous avons donc trois régulateurs qui pourraient tout aussi bien être Curly, Larry et Mo [personnages principaux d’une série comique du style et plus ou moins de l’époque de Laurel et Hardy], et des défis juridictionnels et de coordination insolubles entre eux — même si l’un d’entre eux venaient à être bon—, tout cela confirmant, si besoin était, que la réglementation financière britannique n’est pas à la hauteur de l’objectif visé.


[1]    Les idées contenues dans cet article sont reprises d’une série de trois articles précédemment publiés sur le “Mises wire” du site Mises.org : “The Rise and Fall of Trussonomics” (12 November 2022), “Assessing the Trussonomics Experiment” (21 November 2022) and “The Near Collapse of the UK Pension Sector Exposes a String of Failures by UK Financial Regulators” (24 November 2022).

[2]    Voir http://bit.ly/3nncTbT.

[3]    Harry Cole and James Heale in http://bit.ly/3z7wBuM.

[4]    [NDLR : Un physicien, un ingénieur et un économiste sont bloqués dans le désert. Ils ont faim. Soudain, ils trouvent une boîte de maïs. Ils veulent l’ouvrir, mais comment ? Le physicien dit : « Allumons un feu et plaçons la canette à l’intérieur des flammes. Elle va exploser et alors nous pourrons tous manger ». « Êtes-vous fou ? » dit l’ingénieur. « Tout le maïs brûlera et se dispersera, et nous n’aurons rien. Nous devrions utiliser un fil métallique, l’attacher à une base, le pousser et ouvrir la boîte ». « Vous vous trompez tous les deux ! déclare l’économiste. « Où diable trouve-t-on un fil métallique dans le désert ? ! La solution est simple : SUPPOSONS que nous ayons un ouvre-boîte »…]

[5]    https://ifs.org.uk/articles/mini-budget-response. Souligné par l’auteur.

[6]    Bank of England, Financial Stability Report, November 2018, Issue No.44. https://bit.ly/3FYlGr5. Souligné par l’auteur.

[7]    Kevin Dowd (2014) “Math Gone Mad: Regulatory Risk Modeling by the Federal Reserve,” Cato Institute Policy Analysis, September, No. 754. https://www.cato.org/sites/cato.org/files/pubs/pdf/pa754_1.pdf

[8]   Voir http://bit.ly/40BU82z et http://bit.ly/3lDENA1.

[9]    Caitlin Ostroff, Jean Eaglesham et Chelsey Dulaney, « UK Regulator Pushed Pensions to Load Up on LDIs”, The Wall Street Journal, October 4, 2022 at http://bit.ly/3lLY81Q.

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Kevin Dowd

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