« On l’avait si souvent réparé au cours des siècles, qu’il n’y avait en lui plus un clou, plus une planche, qui n’eussent été plusieurs fois remplacés. Mais c’est encore le Vaisseau de Thésée, sa forme, son histoire, l’idée qui y demeurait attachée. »
Vie de Thésée de Plutarque (cité par Gil Charbonnier dans ce numéro)
Ce dix-huitième numéro du Journal des libertés aborde comme toujours des thèmes très variés : le conflit qui oppose Russes et Ukrainiens, les meilleures réponses à apporter aux changements climatiques, comment prendre soin de notre environnement, notre flore, notre faune, mais aussi comment réussir la transition économique dont notre pays a tant besoin. Nous y décryptons même, en compagnie de Gil Charbonnier, une nouvelle de Valéry Larbaud, Le vaisseau de Thésée, qui conte l’histoire et plus encore les réflexions d’un homme d’affaires qui, au terme d’une vie professionnelle couronnée de succès, revient sur le parcours de toute une vie.
Vous trouverez ce texte sur Larbaud dans la rubrique « les fondamentaux » de ce numéro et cela vous surprendra peut-être. Je pense pour ma part qu’il y trouve tout à fait sa place car il nous invite à nous interroger nous aussi sur notre parcours ; comme le fait Charles-Marie Bonsignor, le héros de ce roman (une sorte de Howard Roark avec des enfants et débarrassé d’un individualisme excessif). Vous retrouverez sous la plume de Larbaud une flamme salvatrice qui n’est pas sans rappeler celle des discours galvanisants de Richard Cobden ou celle des pensées si humanistes de Frédéric Bastiat.
Larbaud, parfois à travers les mots de son personnage principal, ne craint pas d’affirmer — et Gil Charbonnier de souligner — que « la libre entreprise est un facteur de civilisation en raison de son implication dans le bien commun », mais aussi que « la mondialisation forme l’assise d’une société universelle portée par l’espoir d’une citoyenneté internationale… ». Ainsi que l’explique Gil Charbonnier, nous ne devons pas opposer « l’univers poétique au monde des affaires, les deux se croisent voire se confondent pour réfléchir d’une part à la finalité éthique de l’économie de marché et donner du sens, d’autre part, aux pratiques du capitalisme dans un régime libéral ». Et, au terme de cette réflexion il n’hésite pas à reprendre la référence Schumpétérienne à une civilisation capitaliste (le terme de civilisation—au singulier—traduisant ici une idée de progrès, de sortie de la barbarie).
Les réflexions de Charles-Marie Bonsignor nous inspirent ; nous réveillent. Ne devrions-nous pas plus ouvertement affirmer notre fierté d’être partie prenante de la civilisation libérale ? Une fierté qui n’est pas arrogance ; une fierté joyeuse, rassurante. Une fierté qui nous ouvre sur les autres et nous permet de ne pas abandonner « le vaisseau de Thésée » ; le vaisseau de nos valeurs fondamentales. Car, comme dans la légende du vaisseau de Thésée, si rien n’est plus comme avant — et c’est tant mieux ! —, il reste l’essentiel et c’est cet essentiel qu’il nous faut préserver tout en l’adaptant à notre monde présent.
Alors n’abandonnons pas, comme le voudraient certains prétendus spécialistes du capitalisme (voir l’article de Jean-Philippe Feldman dans ce numéro) ce qui a fait et peut faire aujourd’hui encore notre force. Soyons aux côtés de nos frères ukrainiens (voir l’article de Tom Palmer) qui défendent fièrement leurs libertés. Puisons dans ces valeurs de liberté et de responsabilité pour relever les défis du climat, pour continuer à préserver et embellir notre environnement et pour retrouver les chemins d’une économie saine.