OLAF veut dire « Office européen de Lutte Anti-Fraude ». Comme 70 % des Européens, vous estimez sans doute que la fraude au budget de l’Union européenne est trop élevée et qu’en conséquence un organisme est nécessaire pour assurer la mission de repérer et réduire cette fraude. La fraude aux fonds européens est en effet considérable. Mais hélas l’OLAF ne remplit pas sa mission.

 

La fraude aux recettes : un tiers du budget européen

Tous les ans, la Commission européenne publie le rapport PIF, PIF pour « protection des intérêts financiers » de l’Union. Ce rapport évalue la fraude aux recettes et aux dépenses de l’Union. Parmi les recettes de l’Union figurent la TVA et les droits de douane. Le dernier rapport PIF évalue la fraude à la TVA à 50 Mds € par an, et la fraude aux droits de douane à 10 Mds €, soit au total une fraude aux recettes supérieure au tiers du budget européen, qui est actuellement de 148 Mds €.

Le rapport PIF n’évalue pas directement la fraude aux dépenses. Mais il donne une ventilation de la fraude détectée : près de 80 % concerne les fonds structurels, c’est-à-dire des subventions accordées aux régions européennes les plus pauvres, et près de 20 % la PAC (politique agricole commune). Les fonds structurels et la PAC représentent 80 % des dépenses de l’Union.

La Cour des comptes européennes donne de son côté une évaluation de la fraude aux dépenses : « 5 Mds € par an de paiements qui n’auraient pas dus être faits ». Mais ce chiffre est sans doute inférieur à la réalité. En effet d’après un rapport sur les fonds structurels cette Cour des comptes européenne constate qu’« il a été difficile de déterminer dans quelle mesure le financement de l’Union a contribué à la réalisation des objectifs de l’Union et des Etats membres. L’accent continue à être mis sur les réalisations » (c’est-à-dire les sommes dépensées) « plutôt que sur les résultats ». En français cela veut dire : on dépense tout ce qui est autorisé sans savoir si c’est utile.

 

La PAC : des « effets incertains »

Au sujet de la PAC un rapport de la Cour des comptes française estime : « le mode de répartition des aides de la PAC n’a plus de justification pertinente. Il avantage les grandes exploitations, et les effets du verdissement depuis 2015 sont limités, sinon nuls ». En effet depuis 2015 une partie croissante des dépenses de la PAC n’est plus versée aux agriculteurs suivant le nombre d’hectares qu’ils cultivent, ce qui est assez facile à contrôler, mais dépend de leurs efforts écologiques, qui sont presqu’impossibles à mesurer. Un avis récent de la Cour des comptes européenne sur la PAC le dit aussi : « les effets des aides (de la PAC) sont, au mieux, incertains ». Depuis 2009 la liste des plus gros bénéficiaires français de la PAC n’est plus publiée. A l’époque il n’y avait pas un seul agriculteur parmi les 24 plus gros bénéficiaires !

 

La gestion partagée : confiance aux Etats !

La PAC et les fonds structurels, soit 80 % des dépenses de l’Union, font l’objet d’une gestion partagée, c’est-à-dire que ces dépenses sont financées par le budget européen et distribuées aux bénéficiaires par les Etats membres. Or certains de ces Etats ne sont pas des modèles de vertu financière. La Roumanie et la Bulgarie sont entrées dans l’Union en 2007 alors qu’un rapport de la Cour des comptes européenne venait de constater qu’elles n’étaient pas prêtes à y entrer. 2 Mds € du Fonds social européen destinés à l’intégration des ROMs en Roumanie ont ainsi été détournés. Dans les autres Etats européens la Corse et la Sicile par exemple ne sont pas toujours des modèles de rigueur budgétaire.

La fraude affecte d’autres dépenses européennes, les 13 % du budget qui sont des subventions gérées directement par la Commission européenne, sans intervention des Etats membres. Par exemple d’après un rapport de la Cour des comptes européenne, les 11 Mds € d’aide à l’Ukraine « ont servi à sauver le budget de l’Ukraine, mais on ne savait pas où allait l’argent ». Quant aux 5 Mds € de fonds de préadhésion versés à l’Albanie, au Kosovo, au Monténégro et à la Serbie, d’après un rapport de la Cour des comptes européenne, « ces financements pourraient être réduits ou suspendus ». D’après un autre rapport de cette Cour des comptes européenne, les 6 Mds € de subventions de préadhésion versées à la Turquie auraient pu aussi être réduits ou suspendus.

On pourrait mentionner aussi des travaux routiers en Afrique financés par l’Union mais jamais exécutés, des subventions à la Palestine accusées de financer des organisations terroristes.

 

Des fonctionnaires européens fraudeurs

De leur côté les fonctionnaires européens, qui dépensent les 7 % du budget consacrés au fonctionnement de l’Union, ne sont pas tous des anges. Un des dirigeants de la Cour des comptes européenne, le belge Karel Pinxten, a dû reverser 150 000 € de frais de voyage injustifiés. Le Président d’Eurojust, l’organisme européen coordonnant les politiques judiciaires des Etats-membres, José Luís Lopes da Mota, a dû démissionner pour avoir cherché à étouffer une affaire de corruption d’un ministre portugais. Le Directeur d’Eurostat, l’office statistique de l’Europe, vendait des informations statistiques pour alimenter des comptes secrets finançant des achats à une société qu’il contrôlait. Un rapport de l’OLAF l’a constaté. Mais la justice a accordé à ce directeur général 56 000 euros de dommages et intérêts, parce que l’OLAF avait violé le principe de présomption d’innocence et l’obligation de confidentialité de son enquête !

 

Pourquoi donc l’OLAF n’a-t-il pas fait son travail ?

D’abord l’Union européenne n’est pas un Etat, qui doit rendre à ses citoyens des services publics comme la police et la justice. 93 % de ses dépenses sont des subventions. Or les subventions sont plus faciles à frauder que la paie d’un policier. Quelques exemples : dans un village corse, la mère d’un syndicaliste agricole exploitait seule à 86 ans une ferme de 180 vaches ; des machines agricoles ont été subventionnées en Calabre au vu de factures émises par des sociétés qui avaient cessé toute activité.

Ensuite l’Union compte 28 membres, chacun ayant droit à un commissaire, qui dirige au moins une direction générale de la Commission. Il y a 28 commissaires et 33 directions générales. Il y a en outre 52 agences ou organismes qui dépendent de la Commission. Chaque direction générale et chaque organisme est responsable de la lutte antifraude dans son domaine. Dans une telle bureaucratie, il est inévitable que des conflits de compétence apparaissent.

D’ailleurs pourquoi l’OLAF existe-t-il, alors qu’il y a déjà une Cour des comptes européenne qui comme lui fait des enquêtes, une agence Eurojust dont le but est de « renforcer la coopération judiciaire entre Etats-membres, notamment sur la corruption et la fraude », Europol (la coordination des polices) et la COCOBU (Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen), qui font aussi des enquêtes ? Eurojust emploie 240 personnes, la Cour des comptes européenne 853 et l’OLAF 406. A partir de 2021 le nouveau parquet européen fera également des enquêtes, mais le partage de compétences avec l’OLAF et les autres organismes de lutte anti-fraude n’a pas été défini.

D’après son rapport pour 2017 l’OLAF a clôturé cette année-là 197 enquêtes, contenant 309 recommandations aux Etats concernés. Ces recommandations étaient soit des poursuites judiciaires à lancer par ces Etats soit des remboursements qu’ils devaient réclamer (pour 3 Mds €). Or les recommandations de poursuites judiciaires faites par l’OLAF ne sont suivies par les Etats que dans 44 % des cas. Et les recouvrements effectifs ne représentent que 15 % des recouvrements demandés par l’OLAF.

 

Les Etats ne suivent pas l’OLAF

La faiblesse de ces recouvrements est due à l’insuffisante motivation des Etats qui doivent les recouvrer. Ces Etats expliquent que les enquêtes de l’OLAF sont trop longues (en moyenne 22 mois) si bien que les délais de prescription sont souvent dépassés quand ils interviennent. Une société poursuivie peut avoir été liquidée, ou une enquête pénale être en cours.

Et surtout les Etats invoquent l’absence de preuves dans le dossier transmis par l’OLAF. En effet comme l’Union doit respecter les droits de l’homme, l’OLAF n’a pas le droit de perquisition, n’a pas accès aux comptes bancaires et ne peut pas interroger des témoins. Ses enquêtes manquent donc de précisions. Faute de moyens juridiques, il ne fait plus d’enquête sur les agents de l’Union, ni sur la TVA. Un rapport récent (janvier 2019) de la Cour des comptes européenne sur l’OLAF l’a bien expliqué : « les rapports finaux de l’OLAF ne fournissent pas suffisamment d’informations pour permettre le recouvrement des fonds indûment versés ». Ce rapport proposait qu’un des 28 commissaires soit responsable de la lutte contre la fraude. Dans sa réponse la Commission a refusé d’appliquer cette recommandation car « l’organisation actuelle reflète la recommandation » ! Une insolente façon de dire : nous refusons votre demande car vous n’avez rien compris à notre organisation.

Il y a 8 ans, en 2011, la Commission publiait sa stratégie anti-fraude. Quand il lui a été demandé de la mettre à jour elle a répondu que la nouvelle stratégie anti-fraude était « en cours ». Une façon de dire : vous pouvez toujours attendre.

Bref la lutte contre la fraude n’est visiblement pas une priorité des dirigeants de Bruxelles.  On nous fait croire que l’Europe doit être supranationale et avoir plus de pouvoirs. Mais la souveraineté bruxelloise est contraire au principe de subsidiarité. Cette souveraineté couvre les gaspillages des subventions (93 % du budget européen) et s’abrite derrière la mise en cause des Etats membres, considérés comme irresponsables.

L’Union Européenne est en fait une bureaucratie qui fonctionne davantage pour le bien de ses 60 000 fonctionnaires que pour la protection de ses contribuables.

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Journal des Libertés

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