Début juin, lors du centenaire de l’OIT (Organisation internationale du travail), Emanuel Macron a prononcé un discours consacré à la « lutte contre les inégalités dans le monde ». Lors du G7 (du 23 au 26 août), le président français a réitéré ses préoccupations concernant les inégalités qui seraient la conséquence du capitalisme d’aujourd’hui.
Inégalités ! Ce mot est devenu l’alibi idéal des politiques, de gauche mais aussi, pour certains, de droite. Une politique contre les inégalités ne peut pas avoir de limites et justifie n’importe quelle dépense. Le président de la République reprend à son compte l’approche marxiste de l’économie selon laquelle le capitalisme ne ferait qu’aggraver les inégalités. C’est aussi la théorie de nombreux économistes, en commençant par Thomas Piketty, qui ont fait de l’égalitarisme leur théorie principale.
Or, s’il existe des inégalités énormes et inadmissibles dans des pays comme la Russie, la Chine ou d’autres, où l’on pratique un capitalisme d’Etat ou d’apparatchiks, les inégalités dans nos sociétés occidentales ont des causes différentes. C’est ce qu’a analysé l’IREF dans ses travaux sur les inégalités et dans son livre collectif intitulé Anti-Piketty[1], c’est ce qu’analyse aussi Bernard Zimmern dans son dernier livre. Un pays comme les États-Unis, que l’auteur connaît très bien et qui est montré régulièrement du doigt lorsqu’il est question d’inégalités, doit assimiler tous les ans des centaines de milliers d’immigrés très pauvres. Entre 1982 et 2010, l’Amérique a accueilli plus de 30 millions d’immigrés dont plus de 50% étaient misérables et sans éducation. Il est évident que la différence entre leur revenu et celui des Américains riches est abyssale. Mais ce qui compte c’est la possibilité pour ces immigrés de sortir de la pauvreté. Et là, les études que cite Zimmern offrent des statistiques impressionnantes : environ trois quarts des Américains qui ont flirté avec le seuil de pauvreté se sont retrouvés par la suite parmi les 20 % les plus riches.
Un autre mythe démonté dans ce livre est celui de l’extrême richesse des plus riches. Oui, en haut de l’échelle des revenus, l’enrichissement est beaucoup plus rapide que dans la moyenne de la population. Mais comment sont-ils devenus riches ? Grâce à l’entrepreneuriat. On compte dans le 1 % des plus riches Américains plus de 65 % d’entrepreneurs, la majorité étant partie de rien. Le 1% des Américains les plus riches crée plus du tiers des emplois aux États-Unis.
Ce que Piketty & Co ne comprennent pas, c’est que ce sont bien ces riches qui font la croissance économique et les emplois. L’auteur dénonce aussi avec maints arguments d’autres incohérences chez les égalitaristes. Piketty a par exemple effectué ses calculs et bâti ses statistiques en ne prenant en compte que 20 millions de Français et en éliminant d’office la masse des retraités. Les résultats concernant les inégalités ne sont évidemment pas corrects.
Très instructives sont aussi les pages consacrées à un Rapport de l’OCDE de 2007 dont les conclusions montraient que les inégalités feraient chuter la croissance économique. Zimmern raconte comment il a tout de suite embauché un statisticien pour trouver les failles de ce rapport. En fait, les économistes de l’OCDE avaient pris pour les 31 pays étudiés non pas leur PIB national mais leur PIB par tête. Zimmern refait les calculs avec le statisticien en tenant compte du PIB de chaque pays et arrive à la conclusion suivante : les inégalités ont un (faible) effet positif sur la croissance. Rien à voir avec le Rapport de l’OCDE car, par exemple, pour un pays comme les États-Unis où, entre 1980 et 2010, la population a augmenté de 37 %, le taux de croissance est réduit à 2% au lieu de 3 % si l’on prend le PIB par tête. Dans cette augmentation de la population américaine de 86 millions de personnes, plus de 30 millions sont des immigrés dont 15 millions étaient très pauvres et peu éduqués. Faut-il en déduire une augmentation des inégalités sur cette période, comme le fait l’OCDE ? Ce genre de « révélation statistique », c’est du Zimmern pur jus. Un vrai travail de salubrité intellectuelle. D’ailleurs, selon un Rapport de la Banque Mondiale[2] rendu public en octobre 2016, les inégalités dans le monde ont baissé depuis la fin de la crise financière et économique. Entre 2008 et 2013, le nombre de pays qui ont connu une baisse des inégalités a été multiplié par deux. Toujours selon la Banque Mondiale, les inégalités dans le monde seraient en recul constant depuis 1990.
Qui sont ces croisés de l’égalitarisme ? Des universitaires pour la plupart. Des chercheurs travaillant dans des instituts financés le plus souvent par l’argent public : Observatoire des inégalités, OFCE, École d’économie de Paris, INSEE, la revue Alternatives Économiques… Leur travail principal est de pratiquer la chasse aux riches et réclamer de nouveaux impôts sur les riches. Tout cela grâce aux fonds publics.
Aveuglé par l’idéologie, Piketty consacre tout son temps à traquer les riches et non pas à comprendre le pourquoi de leur richesse. Il aurait pu saisir l’importance et le rôle de l’explosion entrepreneuriale au XXème siècle. Cette myopie le pousse aussi à demander plus de taxes et d’impôts alors que — Zimmern le démontre très bien — à partir d’un certain niveau de fiscalité, l’entrepreneur n’a plus aucun intérêt à réussir. De nombreux travaux cités dans ce livre révèlent par exemple qu’en taxant la plus-value à plus de 30 % et avec un coût du risque autour de 70 % du capital investi on tue tout espoir de gain pour l’entrepreneur.
« Ceux qui dénoncent ces riches sont irresponsables, écrit Bernard Zimmern, car nous avons encore plus besoin d’avoir des entrepreneurs qui créent des entreprises et qui financent celles d’autres entrepreneurs. Et ils ne le feront que s’ils ont l’espoir de s’enrichir, pas d’être mis à l’index ou surtaxés. »
Il faut aborder le sujet des inégalités avec toutes les données à disposition et sans parti-pris. C’est ce que fait Bernard Zimmern dans ce remarquable livre d’économie (l’auteur est aussi le fondateur de l’iFRAP et de l’association Entrepreneurs pour la France[3]) qui fait exploser pratiquement tous les clichés que nos politiques aiment citer sur les inégalités. Ils devraient plutôt admettre, et faire savoir, que les deux tiers du total des revenus des 1 % les plus riches (la cible préférée de Piketty) proviennent d’entrepreneurs actifs. Selon le Survey of Consumer Finances de la FED, ce 1 % au top de la richesse est à l’origine des grandes entreprises les plus créatrices d’emplois.
En
fait, et c’est la conclusion très originale du livre, les inégalités incitent
les individus à sortir de leur condition, elles poussent beaucoup d’entre eux à
la réussite, elles sont même le moteur de la croissance économique et de la
création d’emplois. Pour « lutter contre les inégalités », il ne faut
pas plus de taxes mais plus de libertés, de concurrence et d’innovation.