Deux concurrents et un leader

Le principal concurrent de nombreuses entreprises françaises est allemand. Cela n’est pas vrai dans la machine-outil, où les Allemands ont balayé les Français, ni dans les produits de luxe, le pétrole, la banque, où les Français dépassent les Allemands, ni dans les industries comme le jouet, la chaussure, le textile, où l’Asie a supplanté l’Europe. Dans des secteurs très exportateurs comme les travaux publics, l’hôtellerie, la restauration collective, la publicité, le conseil et les services informatiques, les services rendus sont fournis surtout par une main d’œuvre locale, les charges y sont donc locales, et les entreprises françaises dominent les allemandes.

Quand la production est en France et la concurrence allemande, le prix de revient, et donc les impôts et les charges sociales patronales sur les salaires, sont déterminants. Pour la Cour des Comptes et le ministère des Finances, les entreprises françaises versent des charges fiscales et sociales supérieures de 200 Mds d’euros par an, ou 9 % du PIB, à celles des allemandes.

Ce qui explique l’insuffisante compétitivité française, le solde négatif du commerce extérieur (près de 2 % du PIB en France, contre un excédent de 7,5 % du PIB en Allemagne), la proportion d’Allemands d’âge actif ayant un emploi (76 %, contre 66 % en France), le taux de chômage (3,2 % pour le voisin Allemand contre 8,8 % en France), l’excédent des finances publiques (3% du PIB en Allemagne, contre un déficit français de 3 % du PIB) ; la dette publique allemande (60 % du PIB, contre 99 % chez nous), un niveau de vie moyen supérieur de plus de 15 %.

Le décrochage de la France date de 2005, date d’application des réformes Schröder. Auparavant la France avait un taux de chômage inférieur à celui de l’Allemagne, un taux de croissance supérieur de près de 1% l’an. De 1960 à 2005, en 45 ans, la croissance française n’a été inférieure à celle de l’Allemagne qu’une année sur cinq.

Des contextes différents en partie imputables à des choix différents

La comparaison est difficile car les deux pays sont très différents. La population allemande est en décroissance, chaque femme allemande donnant le jour à 1,6 enfant, contre 1,9 pour la française. Les dépenses d’enseignement et les allocations familiales doivent donc y être moins élevées. La proportion de personnes âgées est plus forte en Allemagne, ce qui devrait accroître les dépenses de retraites et de santé.  Du fait du taux de chômage inférieur, les femmes y travaillent plus, choisissant souvent le temps partiel.

L’âge légal de départ à la retraite est en Allemagne de 65 ans et 7 mois. Il passera à 67 ans dans dix ans. L’âge réel de départ en retraite y est supérieur de trois ans. Les Allemands n’ont pas de régimes spéciaux de retraite et ils peuvent souscrire à une retraite par capitalisation, défiscalisée et subventionnée, choisie par plus de 40 % des ménages. Ils ne connaissent pas la semaine de 35 heures. L’absentéisme dans la fonction publique y est inférieur. La plupart de leurs fonctionnaires travaillent 40 heures par semaine et leurs enseignants sont présents à temps plein dans leur école (43 heures dans le secondaire). Sur une vie entière, le temps de travail des fonctionnaires français est ainsi inférieur de 30 % à celui des Allemands.

Une partie des hôpitaux et la moitié des HLM allemands ont été privatisés. Les actes médicaux y sont remboursés dans le public comme dans le privé. Les écoles privées y sont moins importantes qu’en France, les autoroutes y sont publiques, comme la distribution d’eau et l’assainissement et la plupart des maisons de retraite.

L’Allemagne est un État fédéral. Les collectivités locales y ont des compétences exclusives, notamment l’éducation, la police, la culture, le sport.

Les Allemands pensent qu’il vaut mieux avoir un petit job que pas de job. Ils n’aiment pas la dette, schuld en allemand, mot qui se traduit aussi par faute.  Les entreprises exportatrices y ont un poids plus important qu’en France. La presse, l’opinion publique et la politique y sont donc plus favorables au libre-échange.

Les Allemands ont 55 impôts, contre près de 400 en France. Les impôts perçus sur les entreprises par les collectivités locales y sont assis sur les bénéfices, ce qui rapproche les intérêts des élus de ceux des entreprises.

Les inégalités de revenus y sont moins fortes. D’après l’OCDE il y a en Allemagne 3,7 % de ménages de travailleurs pauvres contre 7,1 % en France.

Les charges qui pèsent sur l’entreprise

Les différences les plus importantes concernent les charges sur les entreprises.

En Allemagne il n’y a pas de taxe professionnelle (CVAE – Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et CFE – Cotisation foncière des entreprises), de taxe d’apprentissage, de taxe sur les salaires, et les taux de la taxe foncière et de l’impôt sur les bénéfices y sont inférieurs. La Cour des comptes a estimé à 3 % du PIB la différence d’impôts sur les entreprises entre la France et l’Allemagne.

Certaines charges sociales patronales françaises sur les salaires n’existent pas en Allemagne : pour la formation, le logement, les transports, les allocations familiales, la C3S (Contribution sociale de solidarité des sociétés). Les autres y sont inférieures : pour l’assurance maladie, la retraite, l’assurance-chômage. Pour un salaire moyen la différence est de plus de 19 % du salaire brut. In fine, les charges sociales patronales françaises sont le double des allemandes. Certes, les bas salaires français ont des charges réduites, mais au total les cotisations sociales patronales françaises étaient en 2016 de 316 Mds d’euros, représentant 14 % du PIB, soit 6 points de PIB de différence avec les cotisations allemandes.

Nécessaire réduction des dépenses publiques

Pour réduire leurs charges sur les entreprises, les Allemands ont réduit leurs dépenses publiques, inférieures de 12,6 % du PIB aux françaises. Les différences les plus grandes sont dans la rémunération des fonctionnaire (inférieure de 5,6 % du PIB) et les retraites (4 %). Les autres différences sont dans les intérêts de la dette (0,8 % du PIB), le logement (0,8 %), la défense (0,9 %), la famille (0,7 %) et l’indemnisation du chômage (0,3 %).

Les rémunérations publiques françaises sont plus importantes car la France a environ 7 millions de fonctionnaires (en tenant compte des enseignants du privé, du personnel des universités, de Pôle Emploi, de la Sécurité Sociale, etc.). L’Allemagne n’a que 4,6 millions de fonctionnaires. Pour être à égalité, nous devrions en avoir 3,6 millions. Il faudrait aligner les horaires et retraites de nos fonctionnaires sur ceux des Allemands, et ainsi pouvoir réduire les effectifs. D’après l’INSEE la France embauche chaque année 400.000 fonctionnaires. Un gel des embauches pendant plusieurs années, comme l’ont fait les Anglais et les Italiens, rapprocherait nos effectifs de ceux des Allemands. La méthode italienne était habile : le gel n’était pas total, les exceptions étant autorisées par un ministre spécial. La réforme des retraites en discussion en France pourrait rapprocher nos retraites des allemandes.

C’est possible, d’autres l’ont fait !

En l’absence de convergence entre les deux pays l’écart se creusera. L’Euro pourrait être menacé et même l’Europe se séparer en deux, entre un Nord prospère et un Sud déclinant.

Nos dirigeants politiques connaissent les réformes qui ont fait leurs preuves en Allemagne et aussi dans six autres pays développés ayant fait baisser leurs dépenses publiques en peu d’années de plus de 10 % de leur PIB. Si nos compatriotes connaissaient ces vérités, ils accepteraient les mesures qui redresseront notre pays. Alors leurs dirigeants pourraient les prendre.

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Journal des Libertés

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