Après la débâcle aux élections européennes, la droite française est complètement perdue. Manque d’idées, de leaders, peur des adversaires, crainte d’avoir à se justifier et à argumenter, cette droite aurait énormément à gagner en découvrant l’essayiste britannique Roger Scruton. Les politiques français, beaucoup plus habitués à écrire qu’à lire, infiniment plus enclins à donner des leçons qu’à en recevoir, pourraient faire un petit effort de lecture et de compréhension. Les quelques pages – moins d’une trentaine – que Scruton réunit dans un chapitre intitulé « Qu’est-ce que la droite ? » les aideraient très efficacement dans leur tentative de reconstruction. Par rapport à l’homme de gauche, écrit Scruton, celui de droite est immédiatement discrédité. Il doit faire avec et ne pas fuir comme un pestiféré. Il doit assumer déjà son statut et argumenter. Face à lui, la gauche propose une utopie. C’est plus simple et plus commode. On ne peut pas la contester facilement car l’idéologue de gauche parle toujours de l’avenir et très rarement du présent. Celui de droite doit répondre au jargon de ses opposants par un langage clair et naturel. Par exemple, il ne faut pas avoir peur de dire que le capitalisme est le seul système qui fonctionne et que la propriété est le symbole de la liberté individuelle. L’alternative c’est la soumission et l’esclavage comme dans les pays communistes.

Aux formules égalitaristes et de « justice sociale », il faut opposer les arguments vantant le désir de l’individu de se transcender et de réussir. L’Histoire de l’humanité n’est-elle pas une succession de victoires de l’individu face à ceux qui ont essayé de le soumettre ? La droite doit assumer et répéter sans cesse ce qui protège et fait évoluer le monde : la société civile, les institutions indépendantes et la responsabilité. Un politique de droite devrait clamer haut et fort qu’il fait confiance d’abord à la société civile. C’est elle qui sait mieux offrir ce dont les individus ont besoin. Pas l’Etat. Ensuite, il y a les institutions qui se construisent en dehors du contrôle de l’Etat. Des entités autonomes qui assurent le rôle de médiateur entre l’Etat et les citoyens, avec des missions réduites au minimum. Enfin, l’homme de droite propose la responsabilité individuelle. C’est la meilleure preuve de liberté. Respectueux de la loi et responsable, l’individu s’épanouit dans une société capitaliste. Voici tout ce qui oppose la droite libérale de la gauche, selon Roger Scruton.

Le philosophe britannique vient d’être « viré » de la Commission Building Better, Building Beautiful créée par le gouvernement de son pays pour trouver et promouvoir un nouveau style (design) pour la construction de maisons et de quartiers neufs. C’est une revue de gauche (New Statesman) qui l’a « attaqué », ce qui n’est pas vraiment étonnant. Scruton a le terrible défaut de ne pas être de gauche, pire, il est conservateur et libéral. Il a osé critiquer l’utilisation abusive du concept d’islamophobie et le fait que les Chinois vivent dans une société de plus en plus surveillée par l’Etat et le parti. Mais son plus grand tort est d’avoir dépeint et raillé les intellectuels de gauche, leurs engagements en faveur des pires régimes, ainsi que leurs théories stupides. C’est le but de cet essai qui vient d’être traduit en français et qui, forcément, n’a pas vraiment fait la Une des médias.

Mais comment critiquer un non-sens ?  Le langage abscons utilisé par ces intellectuels sert à faire ressortir le « côté bourgeois » de « l’autre » langage, celui que l’on comprend. La couche prétendument scientifique qui enveloppe cette prose marécageuse provient du marxisme et de sa capacité à se faire passer pour une science. L’objectivité « scientifique » de leurs écrits repose uniquement sur la dénonciation de la société bourgeoise, du capitalisme et des pouvoirs. Lorsque le philosophe Althusser écrit : « L’étude du Capital de Marx n’est possible que par un constant et double renvoi : l’identification et la connaissance de l’objet de la philosophie marxiste, à l’œuvre dans le Capital, suppose l’identification et la connaissance de la différence spécifique de l’objet du Capital lui-même – qui implique de son côté le recours à la philosophie marxiste et exige son développement », il faut comprendre : il n’y a rien d’autre que le marxisme.

Dans ce livre, il est aussi question de Sartre, dont l’engagement est beaucoup plus connu, de Hobsbawn, de Habermas, de Galbraith, de Gramsci, de Lukacs et de l’école de Francfort avec ses intellectuels marxistes formés dans l’immédiat après-guerre. Ce qui lie tous ces intellectuels, ce n’est pas seulement leur engagement dogmatique ou leurs écrits vaseux, c’est la justification du crime considéré en tant que remède. Car le renversement de « l’ordre bourgeois » et l’avènement d’une société totalitaire, c’est tout ce qui compte pour eux. Plus qu’une erreur, un crime.

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Journal des Libertés

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