Cet article défend l’idée que la crise de la démocratie en France est le résultat de dysfonctionnements consubstantielles à la démocratie, mais aussi d’une emprise de plus en plus grande de l’administration publique sur la vie politique du pays. Il liste dans une première section les raisons qui conduisent à penser que la démocratie française est en crise : abstention, populisme et goût pour les régimes autoritaires (1) puis expose trois types d’explication. Un premier type consiste à proposer des explications spécifiques pour chaque symptôme (2). Un second type d’explication avance des raisons plus génériques. La crise de la démocratie est une crise d’un modèle de démocratie illimitée qui prend le risque d’être totalitaire et de favoriser toutes les formes de démagogie (3). Le troisième type d’explication focalise l’attention non plus sur la nature plus ou moins dystopique de l’idéal du gouvernement par la majorité, mais sur son impossibilité. La conséquence est un sentiment d’impuissance des électeurs qui sont pourtant censés gouverner via l’expression de leur vote. Le peuple étant sans visage il peut prendre celui des riches, des pauvres, des syndicats, des experts et des scientifiques. La ploutocratie, la syndicratie ou l’expertocratie sont autant de dévoiements de la démocratie. En France, et c’est la dernière idée soutenue dans cet article, il est vraisemblable que l’administration publique ait progressivement pris le pouvoir. La démocratie s’est, sans que personne n’y prête une réelle attention, transformée en bureaucratie. La force est désormais entre les mains de l’administration et non des élus (4).

Les symptômes d’une crise

Après une courte période hégémonique, l’idéal démocratique est entré en crise. On parle alors de crise de la démocratie représentative. La démocratie ou demokratia est de jure le gouvernement du peuple (dêmos). Elle donne la force ou puissance, le « cratie » du grec « kratos », au peuple. Elle est le gouvernement du peuple, par le peuple pour le peuple. La constitution française par l’article 3 de sa constitution de 1958 l’exprime en disant que la souveraineté nationale « appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

En 1989, après la chute du mur de Berlin, de nombreux observateurs pensaient que la démocratie représentative allait se généraliser dans tous les pays du monde. Francis Fukuyama[1] avait popularisé l’idée de la formation d’un consensus autour de la démocratie libérale – c’est-à-dire, de la sociale-démocratie. Elle sortait « victorieuse des idéologies rivales comme la monarchie héréditaire, le fascisme et plus récemment le communisme ». La démocratie libérale pourrait même constituer le «_point final de l’évolution idéologique de l’humanité » et la « forme finale de gouvernement humain ». La thèse de la fin de l’histoire avait même été évoquée. L’efficience ou la supériorité de ce type de régime était avancée pour expliquer cette victoire. Les autres régimes auraient été caractérisés « par de graves défauts et irrationalités »alors que la démocratie libérale en était exempte.

Très vite, cependant, l’hégémonie a laissé place au doute. L’abstention, le succès des partis populistes et le goût pour les régimes autoritaires étaient trois symptômes de cette crise.

L’abstention massive aux dernières élections législatives est le premier symptôme de désintérêt des électeurs pour les débats démocratiques. De 1876 à 1986 l’abstention des électeurs aux élections législatives oscille entre 15% et 30%. Mais à partir de 1986 elle ne cesse d’augmenter : 22% en 1986, 51,3% en 2017 et 52,49% en 2022. Ce pourcentage pour l’année 2022 est le plus élevé de l’histoire politique de la France depuis 1870, le niveau le plus bas d’absentions remontant aux élections législatives du 24 avril 1928[2] où il était descendu à 16.21%.

Le succès des partis populistes est un deuxième symptôme de crise. Il menace l’équilibre des démocraties. Le Venezuela de Chávez puis de Maduro, la Turquie d’Erdoğan depuis 2003, le succès en 2010 de Viktor Orbán en Hongrie, l’avènement au pouvoir en Inde en mai 2013 de Narendra Modi, le parcours politique de leaders comme Rodrigo Duterte aux Philippines en 2016, suivi d’Andrej Babiš en République tchèque en 2017 et plus récemment encore de Jair Bolsonaro au Brésil à l’automne 2018, et évidemment le succès de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon en France, confortent la crainte de tous ceux qui estiment que le gouvernement aux extrêmes rend les gouvernements fragiles et expose à un risque de déconsolidation démocratique.

La séduction qu’opère chez les jeunes les systèmes autoritaires est le troisième symptôme de cette crise. L’idée que seul un régime démocratique serait viable et souhaitable est en recul, notamment aux Etats-Unis[3]. Une grande partie des habitants des pays riches et les jeunes en particulier ne partagent plus les valeurs de la démocratie[4]. Ils seraient même attirés par des idéologies plus radicales plus autoritaires. Si l’importance de l’élection des gouvernants conserve encore une partie de sa valeur, les composantes libérales de la démocratie, notamment le respect pour les droits individuels et la nécessité de conduire les changements politiques dans les formes institutionnelles prévues, semblent faire l’objet d’une désaffection ou en tout cas d’un moindre soutien que dans les années 1950 et 1960. Quant à l’engagement et à la pratique des droits politiques, ils ne sont plus perçus comme des éléments essentiels d’une vie démocratique et le désintérêt qu’ils inspirent ne semble pas compensé par l’attraction de formes nouvelles et non conventionnelles de participation civique. Enfin, le recours à des solutions autoritaires pour trancher les problèmes les plus pressants ne fait plus l’objet d’un rejet aussi systématique. 24 % des citoyens des États-Unis – tous âges confondus – déclarent par exemple qu’il serait bon pour leur pays d’avoir un dirigeant fort (a strong leader) qui n’aurait à se préoccuper ni du Congrès ni des élections, tandis qu’une proportion plus élevée encore pense que ce serait une bonne chose de confier la gestion des problèmes les plus complexes à des experts. Un sondage publié dans le journal Le Monde indiquait que 36% des français considéraient que la démocratie n’est pas un bon système politique et qu’il conviendrait de le remplacer par « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (Sondage IPSOS STERIA pour le Monde publié le 07 novembre 2016). A la question « Diriez-vous qu’en France, la démocratie fonctionne », 57% répondent « mal » et 43% répondent « bien ». Et 77% répondent que le système démocratique en France fonctionne de moins en moins bien.

Dans le même temps, la violence contre les institutions et le gouvernement progresse ; mouvements des bonnets rouges, mouvement des gilets jaunes et retour des grèves et d’une forte conflictualité sur les lieux de travail. Depuis plus d’une décennie 2009-2021 l’indicateur de confiance du CEVIPOF alerte sur le rejet de la classe politique par les citoyens. Les responsables politiques, de gauche comme de droite, sont perçus comme indifférents aux attentes des citoyens, éloignés de leurs problèmes et corrompus[5].

Chaque symptôme de crise a ces raisons

Les causes de l’abstention sont plurifactorielles. Parmi ces causes on peut citer l’indifférenciation idéologique[6]. L’éclatement du clivage gauche–droite a considérablement augmenté les coûts de compréhension des débats politiques et les coûts d’identification pour les électeurs des alternatives politiques en présence. Plus personne ne sait si la droite est la droite et la gauche est à gauche. Il y a les partis qui sont de gauche et de droite (LREM) et les partis qui ne sont ni de gauche ni de droite et les partis qui avaient pour symbolique la rigueur financière et qui ne se dressent plus contre le principe du « quoi qu’il en coûte » ou la possibilité de recourir à l’argent magique. Cette complexité des débats politiques exige des compétences que les électeurs ne cherchent pas à acquérir, car ils savent que leur bulletin de vote est un parmi des millions et que leurs décisions en tant qu’électeur ne sont pas décisives. Ils savent qu’ils n’ont que peu de pouvoir et cherchent, pour cette raison, à limiter au maximum les coûts de leur activité politique.

La confusion des discours partisans au centre de l’échiquier n’est pas non plus sans conséquence sur le succès des populismes qu’ils soient de gauche ou de droite[7]. La montée des extrêmes est – et a été – une réponse de l’offre politique au positionnement au centre de l’échiquier politique des partis de gouvernement qu’étaient le Parti Socialiste et l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP). La concurrence au centre de ces partis a ouvert un espace politique aux extrêmes : les populistes de gauche et de droite. Les populistes de gauche ont repris la stratégie néo-marxiste théorisée par Ernesto Laclau[8] d’agrégation des luttes des subalternes. Il s’agit de déconstruire l’ordre social et toutes les formes de hiérarchie et de former un peuple de subalterne capable de pallier la disparition de la classe ouvrière. Les populistes de droite partagent avec les populistes de gauche la haine de la finance et du marché. Ils ne définissent pas cependant les élites de la même manière. L’élite n’est pas seulement financière. Il s’agit d’une élite médiatico-politico-financière qui complote en marge des débats politiques contre le peuple. Ces discours démagogiques et construits sur l’envie et la peur redonnent une place à la tragédie, à l’émotion dont le marché politique a besoin pour continuer à intéresser les électeurs. Le populisme est ainsi comme une réponse des acteurs politiques à la désaffection des spectateurs de la vie politique que sont les électeurs. Là où l’extrême droite allemande fait ses meilleurs scores, par exemple, il est constaté que la participation électorale est plus forte.

Le troisième symptôme de la crise est l’attrait pour des régimes autoritaires. Il est souvent analysé comme une conséquence du néolibéralisme, de la mondialisation et des inégalités. La mondialisation aurait acté la perte de contrôle des hommes politiques sur la répartition des revenus[9]. Le capitalisme mondialisé aurait produit de plus en plus d’inégalités extrêmes dans la répartition des richesses[10]. La démocratie serait ainsi menacée de mort[11] par le capitalisme global et ses politiques néolibérales.

De telles explications de la montée des préférences pour les régimes autoritaires est une reprise à peine actualisée de la thèse institutionnaliste de Karl Polanyi de la montée des totalitarismes des années trente. Elle oublie l’échec du socialisme et l’absence totale des libertés politiques dans les démocraties populaires d’Europe centrale et orientale et d’Union soviétique. Elle fait comme si les économies collectivistes n’avaient pas toujours été plus pauvres et moins démocratiques que les économies libérales[12]. Elle ignore aussi le fait que les pays économiquement libres sont plutôt riches[13] et plus démocratiques que les pays qui ont un niveau de liberté économique plus faible[14]. Ce n’est pas alors le néolibéralisme qui conduit à la servitude mais l’installation dans l’opinion publique d’une forme de néo-socialisme. Ce n’est pas le capitalisme qui est incompatible avec la démocratie libérale, mais le socialisme sous toutes ces formes. La principale menace qui pèse sur les démocraties libérales est plutôt l’amnésie post chute du mur de Berlin et le retour de la dystopie que constitue la recherche d’un ordre dans lequel l’égalité réelle serait réalisée. L’égalitarisme économique impose de prendre par la force ce que les uns ont produit pour le donner à d’autres, mêmes si ces derniers n’ont rien demandé. Cette recherche de l’égalité réelle n’est pas seulement liberticide et injuste. Elle est aussi à l’origine d’un risque de déconsolidation de la démocratie.

Si la démocratie ne permet pas de réaliser un monde où chacun à une part égale, elle devient utile pour les électeurs qui en appellent à la force. Les électeurs sont prêts à sacrifier les libertés politiques comme on sacrifie les libertés économiques pour réaliser un ordre où l’égalité réelle est réalisée. Les enquêtes proposées par les sondeurs sur les valeurs des citoyens de nombreux pays (World Value Survey) permettent de constater que les citoyens qui sont les moins attachés à la démocratie libérale sont aussi ceux qui défendent avec le plus de vigueur l’idéal de l’égalité réelle. On peut sacrifier une démocratie qui ne réussit pas à rendre les citoyens égaux en revenu. Ce qui confirme cette explication est en particulier que les jeunes électeurs aux USA et dans l’Union européenne qui développent un discours pro-égalité réelle sont aussi ceux qui estiment que vivre en démocratie n’est pas essentiel[15]. La démocratie n’est plus dans ces conditions une fin mais un moyen. La démocratie n’est utile que si elle permet de réaliser l’ordre socialiste. Si la démocratie ne réussit pas à instituer un ordre égalitariste elle devient inutile, sans valeur. Le retour dans l’opinion publique et une partie des élites politiques de l’idéal égalitaire favorise ainsi le succès de partis dirigistes qui progressivement sapent les libertés économiques et in fine conduisent à la mise en place de régimes totalitaires. Idéologiquement, ce n’est donc pas le capitalisme ou le néolibéralisme qui menacent la démocratie, mais une forme de néo-socialisme qui, déçu par la sociale démocratie, se replace sur une ligne beaucoup plus radicale où la force devrait être à nouveau utilisée contre les riches.

Les maux des démocraties illimitées

La crise de la démocratie peut, aussi, s’expliquer par ses faiblesses intrinsèques. Si « la démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres », c’est qu’elle doit être protégée, mais aussi qu’elle est porteuse de maux qu’il faut probablement chercher à corriger. C’est la position de Friedrich Hayek dans son ouvrage de 1960. Il écrit en effet « bien que la démocratie soit probablement la meilleure sorte de gouvernement limité, elle devient une absurde caricature si elle se change en gouvernement illimité »[16]. La crise de la démocratie est alors la conséquence de l’idéalisation du régime démocratique et du refus de voir qu’il s’agit en partie d’une dystopie. Il faut alors défendre la démocratie libérale comme le moins mauvais des systèmes, mais ne pas tomber dans les travers d’une démocratie illimitée qui peut être effrayante si ses dérives i) totalitaires, ou ii) ochlocratique ne sont pas contrôlées.

La dérive totalitaire renvoie au conflit entre souveraineté individuelle et souveraineté du peuple. La démocratie prend le risque « d’offrir au peuple en masse l’holocauste du peuple en détail » (B. Constant cité par Gauchet[17]). Il ne suffit pas, pour cette raison, de donner le pouvoir au peuple pour protéger la souveraineté individuelle. Il faut aussi protéger l’individu contre le peuple. Il faut s’attaquer au pouvoir lui-même[18]. Tel est le rôle du droit constitutionnel. C’est lorsque la constitution ne remplit plus cette mission que la souveraineté individuelle est menacée et que la démocratie devient totalitaire, alors qu’elle devrait protéger contre le discrétionnaire et l’arbitraire du gouvernement, elle devient un outil d’expropriation. L’équilibre entre la souveraineté du peuple et la souveraineté individuelle est fragile. Car si les coalitions majoritaires (peuple) étendent leur prérogative aux moindres détails des vies de chacun, la démocratie devient inquisitoriale, elle dicte par des règles concrètes à chacun ce qu’il doit manger, acheter, et plus généralement faire. La loi ne libère plus, elle enferme les choix des individus dans une multitude d’obligations de nature le plus souvent paternaliste qui violent de fait la souveraineté individuelle.

L’autre risque de la démocratie est aussi bien connu. Il s’agit de la transformation de la démocratie en ochlocratie, c’est-à-dire, un régime où la foule (okhlos) gouverne. Dans un tel régime, les élus flattent le peuple pour gagner ses faveurs. Ils développent un discours qui ne s’adresse pas à la raison de l’électeur, mais à ses instincts, à ses passions, à son irrationalité. Ils se mettent en scène pour plaire au plus grand nombre. Ils se comportent comme des acteurs. Ce qui importe par-dessus tout c’est leur popularité, leur avenir en tant qu’acteur en dépend. Plus ils sont populaires plus ils ont de chances de rester au pouvoir, de rester à l’affiche. Derrière l’ochlocratie il y a un défaut intrinsèque de la démocratie qui est de se transformer en théâtrocratie[19] dépravée (Platon, Lois III, 701a[20]). La conséquence est que pour plaire les élus sont prêts à tout et à la démagogie en particulier. Ils flattent les électeurs et se font passer pour plus savants qu’ils ne sont. Ils font croire qu’ils savent alors qu’ils sont ignorants et incapables de traiter des problèmes complexes qu’ils se proposent de gérer.

Le risque d’une démocratie illimitée qui donne tous les pouvoirs à la majorité n’est plus seulement le totalitarisme, mais l’inconséquence des choix de politique publique. Tant que les électeurs n’ont pas compris que le roi est nu, qu’il est ignorant, ils chercheront un leader charismatique pour les sauver et traiter des problèmes qu’ils pourraient grâce à l’intelligence collective résoudre eux-mêmes. Le spectacle politique donne le pouvoir à la foule et rend le gouvernement captif de ses clameurs. La démocratie comme l’écrit Platon est le régime de l’ignorance anarchique, de la confusion universelle des formes. La « théâtrocratie » prend la place du jugement des meilleurs (Platon, Les Lois, 700c) autrement dit de l’aristocratie. Une telle dérive explique pourquoi le parlement n’est pas un lieu de délibération mais de confrontation d’émotions et de passions (Platon, 392d-398b et 595a-608b). L’homme politique devient ici un comédien et l’électeur un spectateur. Le comédien ne cherche pas à convaincre mais à plaire. Il flatte. Il défend le déraisonnable. Il fait rêver. Il joue sur l’illusion. Il manipule pour être applaudi, félicité, adulé. Ce jeu est une tragédie mise en scène par les médias et le marketing politique. La politique est un spectacle où la démagogie règne (Platon Phèdre, Les Lois XI 937e-938a).

Dans une démocratie illimitée les électeurs sont donc gouvernés par des hommes politiques démagogues qui cherchent seulement à persuader leur électorat en le flattant. Le peuple choisit les meilleurs acteurs et non les gouvernants les plus compétents. Le risque alors est à nouveau le totalitarisme, car comme le pressent Friedrich Hayek « ceux qui professent que la démocratie est omni-compétente et soutiennent toutes les prétentions momentanées d’une majorité, travaillent à la chute de la démocratie » (Hayek [1960] 1994, p.114). Cela explique pourquoi « le libéral » à l’ancienne mode est un bien meilleur ami de la démocratie que le démocrate dogmatique, car il se soucie de préserver les conditions qui rendent la démocratie praticable. Il n’est pas anti-démocratique de s’efforcer de persuader la majorité qu’il existe des limites au-delà desquelles ses actions cessent d’être bienfaisantes (Hayek [1960], 1994, p.114). Lorsque les démocraties promettent plus qu’elles ne peuvent donner, elles déçoivent et sapent progressivement la confiance qu’elles inspirent[21].

Le dévoiement bureaucratique

La dernière famille d’explication ne porte pas sur les défaillances intrinsèques de la démocratie et de son projet, mais sur sa mise en œuvre. Les électeurs n’ont plus confiance dans la démocratie parce qu’ils constatent qu’ils n’ont pas le pouvoir. De facto ils ne gouvernent pas. Ils ont un profond sentiment d’impuissance politique. Leur bulletin, cela a été rappelé, n’est en aucune façon décisif. L’accès au mandat est profondément inégalitaire : sans fortune personnelle, sans notoriété ou soutien d’un parti politique, les chances d’être élu sont quasiment nulles. L’électeur est alors cantonné à un rôle de spectateur qui ne sied pas avec l’idéal de gouvernement que prétend être la démocratie. La démocratie n’est plus seulement une dystopie ou une utopie selon les cas. Elle est un idéal irréalisable. La crise de la démocratie serait la crise d’un mythe, le mythe du gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. Les électeurs auraient pris conscience qu’un tel gouvernement est impossible.

Le gouvernement est toujours captif d’une élite. Cette élite en France est probablement l’élite administrative. La crise de la démocratie est en ce sens la conséquence d’un dévoiement bureaucratique.

Jean-Jacques Rousseau avait en ce sens ouvert la voie à ce type de diagnostic.

« A prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques, et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir pour cela des commissions, sans que la forme de l’administration change (…) S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes[22]. »

Jean-Jacques Rousseau précise sa pensée ensuite en listant les conditions de réalisation de la démocratie. La démocratie suppose dit-il

« un État très petit[23] où le peuple soit facile à rassembler, et où chaque citoyen puisse aisément connaître tous les autres ; secondement, une grande simplicité des mœurs qui prévienne la multitude d’affaires et de discussions épineuses, ensuite beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes, sans quoi l’égalité ne saurait subsister longtemps dans les droits et l’autorité ; enfin peu ou point de luxe, car ou le luxe est l’effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise, il vend la patrie à la mollesse, à la vanité ; il ôte à l’État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l’opinion ». (Ibidem, p.134).

C’est parce que toutes ces conditions ne sont pas réunies que la démocratie est un gouvernement pour les Dieux et non pour les hommes.

Le premier argument de Rousseau selon lequel la démocratie est une utopie irréalisable est repris par de nombreux théoriciens des élites. Le gouvernement du peuple est inéluctablement exposé à une dérive élitiste. Derrière l’État et sa force il y a toujours la main invisible d’une minorité (ruling class)[24]. Aucune société ne fonctionne sans hiérarchie. Il y a toujours des dominants et des dominés, des savants et des ignorants. Même dans une société égalitaire, les garants de l’égalité sont les élites, les dominants, ceux qui empêchent leurs concurrents de prendre le contrôle de la production des normes. La démocratie comme tout régime politique ne peut pas réaliser son idéal égalitaire, car toutes les sociétés humaines fonctionnent sur une base hiérarchique. Ensuite, la qualification du régime politique dépend de la capacité d’une élite à accaparer le pouvoir et à devenir souveraine. La qualification du petit nombre détermine le type de dévoiement auquel la démocratie est soumise : La ploutocratie donne la force (kratos) aux riches, l’expertocratie, aux experts, la scientocratie aux scientifiques, l’aristocratie à la classe politique (nouvelle aristocratie d’État), la syndicratie aux syndicats, la bureaucratie aux agents publics, la technocratie aux ingénieurs, etc. La crise de la démocratie devient alors la conséquence du fait qu’à la question « qui gouverne ? », on ne répond plus « le peuple », mais « les riches », « les experts », « les scientifiques »… Cette prise de pouvoir par une minorité (haut revenu, expert, bureau, etc.) est ici inéluctable, car la démocratie comme tous les ordres sociaux est exposée à un grand nombre de dérives élitistes.

Le second argument de Jean-Jacques Rousseau peut être rapproché des résultats des modèles contemporains d’économie politique des règles de décision collective[25]. Derrière l’idée qu’on « ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques », il y a les bénéfices de la spécialisation, les gains de la professionnalisation de la politique, mais aussi les coûts d’une décision à l’unanimité. Le gouvernement du plus grand nombre laisse place à un gouvernement d’élus parce qu’il est très coûteux de se mettre d’accord. Si un seul individu décide il évite tous les coûts d’information et de délibération, mais évidemment la contrepartie d’une telle économie est de créer les conditions d’une insatisfaction générale, si la décision prise ne sert que les intérêts de celui qui l’a prise.

La thèse de l’irréalisme de l’idéal démocratique est forte. Elle peut conduire à abandonner la démocratie pour des régimes ouvertement élitistes, c’est ce que François Guizot (1855[26]) préconise à la suite de sa critique de la démocratie. Elle a cependant aussi suscité un débat autour des vertus de la concurrence politique. La notion d’élite est en effet ambigüe. Si on prend le groupe des riches et la thèse de la ploutocratie. Il n’est ni évident que les riches héritiers aient les mêmes intérêts que les riches entrepreneurs de première génération. Il n’est pas évident non plus que les riches propriétaires fonciers aient les mêmes attentes politiques que les riches industriels du textile au XIXème siècle. Les élites économiques peuvent être hiérarchisées à partir de leur revenu et de leur patrimoine, un peu à l’image des classements des grandes fortunes de France, mais face à ces élites économiques, il y a des élites administratives, des élites artistiques, des élites sportives, des élites académiques, etc. Cela signifie qu’il existe une lutte d’influence entre ces élites ; chacune cherchant à capter l’autorité de l’État via le processus de délibération démocratique.

Comme l’usage de la violence pour faire triompher son point de vue est interdit en démocratie, la pluralité des élites devient la base du pluralisme démocratique et de la concurrence politique qui ne fait que mettre en scène la concurrence entre les minorités qui composent une société ; chaque minorité possédant ses propres élites. La démocratie est bien le gouvernement du peuple, mais le peuple est sans visage. C’est, pour cette raison, qu’il y a une forte concurrence entre les groupes qui constituent la société. Chaque élite veut être le visage du peuple pour exercer son pouvoir. Le pluralisme démocratique sauve en ce sens en partie la démocratie de la critique d’irréalisme. Les dérives élitistes sont bloquées par la concurrence politique organisée grâce au principe de séparation des pouvoirs. La démocratie existe car elle garantit les conditions de la concurrence pour le pouvoir entre les élites économiques, administratives, religieuses, etc. Elle existe parce qu’elle fonctionne de manière polyarchique (Aron 1965[27]). On ne peut pas désigner les noms des élites au pouvoir. Le peuple n’aurait pas le pouvoir, mais ni les riches, ni la classe politique, ni les fonctionnaires, ni la haute fonction publique ne détiendrait le pouvoir. Ces groupes n’en n’auraient qu’une partie. La société est une agrégation de minorités qui, sous le principe de séparation des pouvoirs qui caractérise les démocraties libérales, cherche à exercer le pouvoir qui nous l’avons rappelé après Bertrand de Jouvenel est par nature exclusif.

Si on suit cette perspective polyarchique, le dévoiement de la démocratie est le monisme, le monopole. L’élite unique et la pensée unique sont les principales menaces pour une démocratie pluraliste. Si tout le monde pense pareil, le totalitarisme s’impose. Il devient théocratique lorsque le clergé réussit à unifier toutes les élites d’un pays autour de son pouvoir, technocratique lorsque les techniciens monopolisent la résolution des problèmes sociaux, bureaucratique lorsque l’élite administrative s’arroge tous les pouvoirs et expertocratique lorsqu’un petit groupe d’experts réussi à parler au nom de la science et à nier le fait que la science est toujours un espace ouvert à la discussion, aux débats. Tout ce qui bloque l’accès au pouvoir politique, limite la concurrence et le pluralisme, est à l’origine du dévoiement de la démocratie. C’est là que le risque bureaucratique apparaît comme le plus crédible et mieux à même de décrire le passage progressif d’un régime où le peuple gouverne à un régime où l’administration gouverne.

Le dévoiement bureaucratique est la conséquence de la position très particulière que possèdent les agents publics dans les régimes démocratiques. Ils sont à la fois électeur, élus, groupe d’intérêt et agent au service des gouvernements. Leur pouvoir électoral augmente avec leur nombre. Si les agents publics sont plus nombreux et s’abstiennent moins que les autres, leur poids électoral augmente [28]. Les agents publics représentent en France aux élections législatives de 2017 14% des inscrits contre 8,7% en 1945 et 3,6% en 1871. Les agents publics ne sont pas que des électeurs. Ils sont aussi des parlementaires [29]. La plus forte présence d’agents publics dans le corps électoral crée les conditions de leur sur-représentation au parlement et finalement dans les gouvernements. En moyenne pour le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne, le Portugal et le Royaume Uni sur la période 1860-2000 les députés issus de la fonction publique représentent 25% du parlement avec un maximum à 40% dans les années quatre-vingt [30]. Les agents publics sont aussi des Membres du gouvernement. En 2018 58% des ministres et secrétaires d’État étaient issus de la fonction publique ou assimilés. Les agents publics enfin sont des syndicalistes (Frey et Pommerehne 1982). Leurs syndicats peuvent bloquer les réformes qui auraient des effets bénéfiques pour le pays, mais qui détérioreraient leurs conditions matérielles d’existence. Cette sur-représentation des agents publics dans la vie politique française rend crédible le risque de dévoiement bureaucratique. Si on ajoute à cela le rôle déterminant qu’a pris l’État dans le financement de la science et l’éducation des citoyens mais aussi dans la sélection des experts qui alimentent le débat public, on comprend pourquoi le risque bureaucratique est le plus vraisemblable. Le gouvernement des administrations laisse ainsi très peu de contrepouvoir cognitif. La non-neutralité des politiques scientifiques qu’il finance prend même le risque du monopole et de la pensée unique. Ce qui est contraire aux conditions d’une démocratie pluralisme et nuit au bon fonctionnement d’un ordre politique qui devrait être polycentrique.

Lorsque l’électeur n’est plus défendu par son bulletin (un parmi des millions), qu’il n’appartient pas à un groupe d’intérêt constitué (coût prohibitif de formation des groupes), que s’engager en politique lui fait prendre trop de risque économique et que les idées qu’il défend sont coûteuses à justifier parce que l’État n’investit jamais dans leur production, il n’a plus qu’une solution, utiliser la violence contre la violence de la bureaucratie (révolte fiscale, révolte contre l’expropriation réglementaire, gilet jaune, etc.).

Conclusion

Il existe donc différents niveaux d’explication à la crise de la démocratie représentative. A chaque type d’explication correspond un remède. Si le problème est spécifique : abstention, populisme et égalitarisme, les solutions sont singulières. Créer des choix de politiques publiques clairs afin de réduire les coûts de compréhension de la vie politique et d’inverser la tendance à l’abstention. Augmenter les coûts d’expression en faveur des partis extrêmes et rappeler l’impuissance des gouvernements face aux problèmes complexes permettent de limiter la montée des populismes. La solution a un problème social, humain n’est pas toujours politique. Défendre et diffuser l’utopie réaliste qu’est le libéralisme et lutter contre la dystopie égalitariste sont des réponses possibles à l’attrait des jeunes pour les solutions autoritaires.

Si le problème est inhérent à la démocratie et qu’il se situe dans la nature illimitée de la démocratie, la solution est constitutionnelle. La constitution ne cherche pas comme l’indique Friedrich Hayek ([1960], 1994, p.179) à limiter absolument la volonté de la majorité. Elle cherche, en revanche, à obliger le gouvernement issu des urnes à rester fidèle à des principes généraux posés antérieurement par une instance plus large. Un tel lien avec la pensée d’Hayek ne signifie pas qu’il faille reprendre sa théorie de la démarchie, mais conduit à orienter le regard vers les démocraties qui ont réussi à limiter le pouvoir de leur gouvernement en le fragmentant ; le modèle Suisse est ici une piste intéressante et amplement étudiée par l’économie politique constitutionnelle. Pour protéger la démocratie d’elle-même il faut appliquer le principe de subsidiarité. Le gouvernement ne doit pas faire quelque chose que la famille, l’entreprise et l’ensemble des corps intermédiaires feraient mieux que lui parce qu’ils disposeraient d’une connaissance de temps et de lieu qu’il ne pourrait pas mobiliser.

Si le problème est dans le dévoiement bureaucratique, le retour à l’idéal démocratique passe par des mesures qui tendent à limiter la surreprésentation des agents publics dans le corps électoral, à l’assemblée et dans le gouvernement. Deux pistes sont envisageables. La première est d’augmenter la participation électorale afin de réduire le poids relatif du vote des agents publics à chaque scrutin. La seconde est d’imposer aux agents publics comme au Royaume-Uni et aux États-Unis de se retirer de leur poste avant d’accepter une candidature et de ne pas être réintégré dans leur ancien poste après l’élection [31]. Braendle et al. [32] montrent, en effet, sur données allemandes, que des règles d’inéligibilité plus strictes au parlement baissent la part des agents publics dans la représentation nationale.

Décentraliser, égaliser les conditions d’accès au mandat des citoyens (du public et du privé) et investir dans la production et la diffusion de l’utopie libérale sont donc probablement de bons moyens de régénérer la démocratie française.


[1]     Fukuyama, F. (1993), The End of History and the Last Man, New York: Avon Books.

[2]     Charles Morazé (1956), Les Français et la République, Paris, Armand Colin, Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques.

[3]     Foa, R.S. et Mounk, Y. (2016), “The Danger of Deconsolidation”, Journal of Democracy, 3 (juillet), 5-17.

[4]     Foa R.S. et Mounk, Y. (2017), “The End of the Consolidation Paradigm: a Response to our Critics,” Journal of Democracy, Web exchange, 28 avril 2017.

[5]     Rouban, L. (2022), Les raisons de la défiance, Paris, Presses de Sciences Po. Compte rendu Facchini, F., Journal des Libertés, 2022, n°16. 163-170.

[6]     Facchini, François et Louis Jaeck (2019), “Ideology and The Rationality of Non Voting,” Rationality & Society, 31 (3), 1-22.

[7]     Facchini, François et Louis Jaeck (2021), “Populism and the rational choice model: The case of the French National Front,” Rationality & Society, 33 (2), 196-228

[8]     Laclau, E. (2008), La raison populiste, Paris, Seuil (1° édition anglaise en 2005).

[9]     Wu, Guoguang (2017), Globalization against Democracy: the Political Economy of Capitalism after its Global Triumph, Cambridge, New York, Cambridge University Press.

[10]   Kessler-Harris, Alice et Vaudagna, Maurizio (2018), Democracy and the Welfare State: the two wests in the age of austerity, New York, Columbia University Press.

[11]   Levitsky, Steven et Daniel Ziblatt (2018), How democracies die? New York, Crown Publishing.

[12]   Farrant, A., et McPhail, E. (2009), “Hayek, Samuelson, and the logic of the mixed economy?” Journal of Economic Behavior and Organization, 69, (5), 5-16.

[13]   Hall, J.C. et Lawson, R.A. (2014), “Economic freedom of the world: an accounting for the literature,” Contemporary Economics Policy, 32 (1), 1-19.

[14]   Lawson, R.A., et Clark, J.R. (2010), “Examining the Hayek-Friedman hypothesis on economic and political freedom,” Journal of Economic Behavior & Organization, 74: 230-239.

[15]   Facchini, F. et M. Melki 2021. “Egalitarianism and the democratic deconsolidation: Is democracy compatible with socialism?” Public Choice, 186, 447–465.

[16]   Hayek, F. [1960], 1994, La constitution de la liberté, traduit de l’anglais par Raoul Audouin et Jacques Garello avec la collaboration de Guy Millière, Paris, litec, p. 114.

[17]   Gauchet M. (1980), Préface à l’ouvrage de B. Constant, De la liberté chez les modernes. Ecrits politiques, coll. Pluriel, Hachette, Paris. p.58.

[18]   Constant, Benjamin (1872), Principes de politique, Paris, édition Guillaumin, p.9.

[19]   Platon n’emploie ce terme qu’une seule fois dans l’ensemble de son livre. Le mot théâtrocratie est un hapax du grec ἅπαξ / hápax, « une seule fois ».

[20]   Platon, [428-348 av JC] Les Lois Livres I à IV, traduction par Luc Brisson et Jean-François Pradeau, Paris, GF Flammarion (2006).

[21]   Facchini, F. et M. Melki (2019), “Democratic crisis and Knowledge Problem,” Policy & Politics, 47 (6), 1022-1038.

[22]   Rousseau, J.J. [1762] 1973, Du contrat social, Union Générale d’éditions, Paris collection 10/18, pp.134-135.

[23]   Les cités grecques fonctionnaient sur le principe de l’unanimité (de Oliveira Gomes 2007). Ils étaient aussi de petite taille. Claudia de Oliveira Gomes  (2007), La cité tyrannique. Histoire politique de la Grèce archaïque, Presses Universitaires de Rennes, collection histoire.

[24]   Mosca, Gaetano [1896] (1923), Elementi di scienza politica, Bocca, Roma, 1° édition, traduction anglaise de la version de 1923, The Ruling Class, New York, Mc Graw Hill 1939.

[25]   Mueller, D.C., F. Facchini, M. Foucault, A. François, M. Melki et R. Magni-Berton (2010). Choix publics, Bruxelles, de Boeck, traduction adaptation de D.C. Mueller, Public Choice, Cambridge Université Press, 2003, p.89.

[26]   Guizot, F. (1855). Histoire des origines du gouvernement représentatif et des institutions politiques de l’Europe depuis la chute de l’empire romain jusqu’au XIVe siècle, Éditeur, Paris : Didier Édition, 2 vol. (422, 437 p.) Catalogue Cujas, réédition 1985. Histoire de la civilisation en Europe. Depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française, collection Pluriel, Hachette.

[27]   Aron, R. (1965), « Catégories dirigeantes ou classe dirigeante ? » Revue française de science politique, XV (1), 7-27.

[28]   Frey, B.S. et W.W. Pommerehne (1982). “How powerful are public bureaucrats as voters?” Public Choice, 38, 253-262, p.259.

[29]   Braendle, T. et A. Statzer (2016), “Selection of public servants into politics,” Journal of Comparative Economics, 44(3), 696-719.

[30]   Cotta, M. et P. Tavares de Almeida (2007), “From servants of the State to Elected representatives: public sector background among members of parliament” (Chapter 3), in Best, H. et Cotta, M. (2004) Parliamentary representation in Europe, 1848-2000, Oxford: Oxford University Press, p.52.

[31]   Braendle, T. et A., Stutzer (2010), « Public servants in parliament theory and evidence on its determinants in Germany,” Public Choice, 145, 223-252.

[32]   Braendle, T. (2016). “Do institutions affect citizens’ selection into politics,” Journal of Economic Survey, Volume 30, Issue 2, Avril 2016, 205-227.

About Author

François Facchini

François Facchini est Professeur Agrégé des Universités en Sciences Économiques. Il est en poste à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et responsable du Programme Politiques Publiques du Centre d’Économie de la Sorbonne (CES). Il a récemment publié Les dépenses publiques en France, De Boeck Supérieur (2021).

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