L’œuvre de Gustave de Molinari est fondamentalement individualiste et anti-étatiste. Véritable champion du libéralisme, il est l’un des leaders de l’École libérale française du XIXème siècle. Bien que largement reconnu par ses contemporains, Molinari sombre rapidement, et de manière surprenante, dans une forme d’oubli historiographique (exception faite des cercles de spécialistes de la doctrine libérale). Son œuvre est, pour l’essentiel, réduite à deux contributions : « De la production de la sécurité », article qu’il publie en 1849 dans le Journal des Économistes et Les Soirées de la Rue Saint-Lazare, son premier ouvrage important paraissant aux éditions Guillaumin la même année. Ces deux essais sont, certes, majeurs, mais offrent une vision restrictive du travail de Molinari en le réduisant à ses propositions les plus radicales de privatisation des fonctions régaliennes de l’État[1]. Force est, ainsi, de constater que l’œuvre foisonnante de Molinari[2] est limitée à une connaissance de sa conception absolue de la libre concurrence. Pourtant, loin d’être un simple théoricien d’une doctrine que l’on pourrait amplement qualifier de radicale, Molinari en est également un promoteur ardent, travaillant activement à sa mise en œuvre. Nous voudrions ici dépasser le simple cadre théorique pour présenter Molinari comme un intellectuel fermement engagé dans la réalisation concrète des principes du libéralisme, comme une force de proposition active visant à une mise en œuvre matérielle de ce dernier.
Il convient de donner quelques repères biographiques afin de montrer la richesse du parcours de Molinari. Né en 1819 dans la province de Liège, Molinari vit une enfance privilégiée dans une famille de la haute bourgeoisie liégeoise. Attiré par l’effervescence intellectuelle de la capitale française, il se rend à Paris au tournant des années 1840 et entame une carrière de journaliste. D’abord rédacteur au Courrier français, organe du parti libéral sous la Monarchie de Juillet, il rejoint rapidement le Journal des Économistes et le cercle de spécialistes constitué par la « Société d’économie politique ». La rencontre avec Frédéric Bastiat, en 1846, constitue une véritable rupture. À ses côtés, il s’engage dans la lutte en faveur du libre-échange dans les rangs de l’ « Association française pour la liberté des échanges », combat le socialisme pendant la Révolution de 1848 et défend un programme résolument libéral[3]. Opposé au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Molinari regagne la Belgique dès la fin de l’année 1851. Son engagement ne faiblit pas pour autant. Depuis Bruxelles, il participe à la construction d’un réseau d’économistes à travers la constitution d’associations et de sociétés savantes. La revue qu’il fonde et dirige, L’Économiste belge, devient la principale tribune des économistes libéraux en Belgique. Il rentre en France en 1867 à la faveur du tournant libéral du Second Empire et fait son entrée au Journal des Débats. Depuis Paris, il assiste au plus près à la chute du régime impérial, vit le siège de la capitale par les armées prussiennes et les événements de la Commune. Ferme soutien d’Adolphe Thiers, il prend, aux côtés de Léon Say, la direction du prestigieux Journal des Débats en 1871 dont il fait un pilier du républicanisme modéré. Véritable globe-trotter, Molinari entreprend une série de voyage qui le conduit en Russie, aux Etats-Unis, au Canada, dans les Antilles. S’y révélant un homme d’affaires avisé, Molinari soutient activement les initiatives visant à appuyer l’accroissement des échanges commerciaux internationaux. En 1881, il devient rédacteur en chef du Journal des Économistes, poste qu’il occupera jusqu’en 1909, confirmant ainsi son statut de leader de l’École libérale française.
Au cœur même de la trajectoire de Gustave de Molinari se couple à la fois une position intellectuelle intransigeante et un engagement matériel dont l’ambition est la réalisation pratique de son modèle libéral. En effet, à ses yeux, le libéralisme est non seulement une réalité scientifique imparable, la seule grille de lecture pertinente des rapports humains, mais également un idéal politique, économique et social à réaliser. Ces deux facettes sont prégnantes chez Molinari, ce qui donne une teinte particulièrement combative à son libéralisme. La défense doctrinale demeure, selon lui, insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un engagement concret. Les libéraux doivent, ainsi, se donner les moyens de propager leurs idées. Cela passe tout autant par la constitution de vaste réseau associatif pour convaincre l’opinion publique et politique que par la participation à des initiatives novatrices qui faciliteront les échanges commerciaux et la liberté du marché. Ces initiatives doivent servir de supports, d’exemples démontrant les effets bénéfiques de la liberté économique et qui mèneront, progressivement, vers l’idéal d’un marché libéré de toute entrave.
C’est particulièrement le sujet du libre-échange qui cristallise l’engagement de Molinari. L’abaissement des barrières douanières et la réalisation d’une pleine solidarité économique entre les nations sont des thématiques marquantes de son œuvre qui révèlent l’aspect combatif, presque militant, de son travail. Il ne sera possible que de passer rapidement sur les diverses initiatives, mais trois nous semblent révélatrices de la volonté de porter le libéralisme au-delà d’une simple position intellectuelle pour en faire le véritable instrument d’une politique économique internationale : la formation, à partir des années 1846, d’un réseau d’institutions libre-échangistes au niveau européen ; la participation directe de Molinari à la constitution de relations économiques étroites avec le Québec avec la création du Crédit foncier franco-canadien et, enfin, le travail de promotion actif d’une Union douanière continentale à la fin du XIXème siècle.
La volonté de création d’un vaste réseau européen favorable au libre-échange
La lutte pour le libre-échange s’organise, en France, autour de la figure de Frédéric Bastiat. Il se fait connaître auprès de l’école économique à travers son intense travail de promotion de l’activité menée par l’ « Anti-corn Law League » de Richard Cobden au Royaume-Uni. C’est justement le sujet du libre-échange et l’action de Cobden qui amène la rencontre entre Frédéric Bastiat et Molinari en 1846[4]. La période est charnière. L’année 1846 est, en effet, marquée par le succès de la « League » obtenant finalement l’abolition des lois céréales grâce à l’appui de Robert Peel et signant l’entrée du Royaume-Uni dans le libre-échange. Cette victoire est accueillie avec enthousiasme par les partisans libre-échangistes français. Un banquet est, à cette occasion, donné en l’honneur de Richard Cobden par la « Société d’économie politique » à Paris le 18 août 1846, banquet auquel participent naturellement Bastiat et Molinari et qui témoigne des premiers rapprochements entre l’École de Manchester et l’École libérale française[5].
Fortement inspirés par la démarche, entendant reproduire le même schéma en France, Molinari et Bastiat se lancent dans la bataille pour le libre-échange. Une première « Association française pour la liberté des échanges » est créée le 23 février 1846 à Bordeaux, fief de Frédéric Bastiat, suivie dès le 1 juillet par une autre à Paris[6] qui constitue l’antenne principale d’un réseau d’associations s’étendant sur des points clefs du territoire industriel français : Marseille, le 17 septembre ; Lyon, le 13 octobre ; le Havre, le 28 novembre[7]. Afin de relayer ses travaux, l’ « Association » se dote d’une revue hebdomadaire, Le libre-échange : journal du travail agricole et commercial, qui diffuse les propositions, discute les arguments protectionnistes et promeut les meetings organisés[8]. Molinari s’engage pleinement dans le mouvement en contribuant régulièrement aux activités de l’association, de sa revue et en endossant les responsabilités de secrétaire adjoint de l’antenne parisienne.
Cette impulsion donne naissance, la même année, à une « Association belge pour la liberté commerciale » à Bruxelles, à l’initiative de Charles de Brouckère, un proche de Molinari[9]. D’autres associations viennent accroître le réseau : une association prussienne sous la direction de John Prince-Smith, l’un des principaux défenseurs de la cause du libre-échange en Allemagne ; une association américaine présidée par Robert J. Walker, Secrétaire du Trésor de James K. Polk ; une « Correspondance scientifique italienne » se donnant, quant à elle, mission de défense de la liberté du commerce à travers un travail empirique axé sur la recherche statistique[10].
Ces diverses initiatives vont mener à l’organisation d’un « Congrès international des économistes » à Bruxelles, du 16 au 18 septembre 1847, dont l’ambition est de discuter et promouvoir, au sein de toutes les nations civilisées, la question de la liberté du commerce. Ce « Congrès » rassemble cent-soixante-quinze personnes, dont un grand nombre des membres des associations libre-échangistes françaises, belges et prussiennes. Parmi la formation française, les économistes de l’école libérale sont également très représentés. On compte Horace Say, Charles Dunoyer, Gilbert-Urbain Guillaumin, Joseph Garnier, Alcide Fonteyraud, le Duc d’Harcourt, Adolphe Blanqui, Louis Wolowski et Molinari. D’autres éléments, certes plus épars, témoignent tout de même du rayonnement international du « Congrès ». Sont inscrits, en effet, des politiques, intellectuels, industriels ou simplement des curieux Hollandais, Espagnols, Américains, Irlandais, Danois et Suédois[11]. Ce rassemblement atteste de la volonté de création de liens étroits entre les associations des divers pays ainsi que la construction d’un vaste réseau d’institutions favorables au libre-échange au niveau européen, à l’instar de celles qui se sont déjà créées en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie et en Belgique. Molinari relève très justement que « ce congrès […] fut favorablement accueilli au sein des petits groupes de libre-échangistes épars en Europe, et demeurés jusqu’alors isolés, sans communication entre eux »[12].
Les travaux des congressistes sont, dans un premier temps, centrés sur l’étude des bénéfices du libre-échange tant sur le plan national qu’international[13]. Ils affirment, cependant, leur souhait de les étendre à une réflexion portant sur la mise en œuvre pratique de la liberté commerciale et entendent organiser, à ce titre, un second congrès[14]. Celui-ci n’aura malheureusement lieu que bien plus tard. En effet, l’agitation entamée sur la question du libre-échange est brutalement arrêtée par les évènements de 1848. Les associations belges et françaises voient ainsi leur activité interrompue et leurs portes se fermer.
Molinari, profondément opposé à la politique liberticide et au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, rentre en Belgique à la fin de l’année 1851. Sur place, il reprend son travail de promotion du libre-échange. Fort de son expérience acquise en France aux côtés de Frédéric Bastiat et des liens tissés avec les libre-échangistes européens, Molinari se lance sans réserve dans la (re)création d’un réseau d’institutions favorables à la liberté économique. Il retrouve, d’ailleurs, à Bruxelles, un groupe d’économistes libéraux très actifs. Il raconte : « Pendant les années troublées qui suivirent, il ne fut plus guère question de libre-échange. Mais notre propagande n’avait pas été inutile. Si elle n’avait pas eu le temps d’agir en France, elle avait trouvé des échos au-dehors. Lorsque je retournai en Belgique après le coup d’État, je fus agréablement surpris d’y trouver un groupe de libre-échangistes militants, qui m’encouragèrent à continuer la propagande que la révolution avait interrompue en France »[15]. Il se révèle, ainsi, la cheville ouvrière de plusieurs organisations clefs du libéralisme belge.
Molinari est l’un des protagonistes essentiels de l’établissement de la « Société belge d’Économie politique » en 1855, avec l’un de ses proches, Charles Lehardy de Beaulieu. Il fait partie de la commission chargée d’établir les statuts de la « Société » et propose une liste de noms pour l’exercice des principales fonctions de celle-ci, dont celui du Comte Giovanni Arivabene, ancien vice-président de l’ « Association belge pour la liberté commerciale », à qui échoit la présidence. Bien que Molinari refuse, dans un premier temps, de faire officiellement partie de la « Société »[16], il participe directement à la promotion de son activité en publiant les comptes-rendus de toutes les réunions dans la revue qu’il dirige, L’Économiste belge. Cette société savante s’attèle rapidement, sous l’égide de Molinari, à l’organisation d’un réseau de sous-comités lui permettant de relayer ses travaux à travers la Belgique et de centraliser toutes les informations locales susceptibles d’éclairer ses discussions[17]. Des antennes sont ainsi créées dans d’importants foyers industriels comme Anvers, Mons et Verviers[18].
Faisant de la lutte pour le libre-échange l’un de ses fers de lance, elle institue en son sein un comité chargé de la réforme douanière qui devient l’ « Association belge pour la réforme douanière », auquel Molinari prend également une part active. Ici encore, des antennes sont établies à Verviers, Mons, Liège et Charleroi. La promotion du libre-échange ne doit, cependant, pas s’arrêter au seul territoire belge. Molinari est pleinement conscient de l’importance de la création d’un solide réseau européen sur le sujet. Dans cette optique, des liens étroits sont, d’abord, créés entre les « Sociétés d’Économie politique » bruxelloise et parisienne, la première prenant comme membres correspondants des proches de Molinari : Charles Dunoyer, Horace Say et Joseph Garnier. L’ « Association belge pour la réforme douanière » entend, ensuite, poursuivre l’œuvre entreprise par le « Congrès » de 1847 et convoque un nouveau « Congrès international pour les réformes douanières » au mois de septembre 1856. Sur ce point également, Molinari fait preuve d’une active implication puisqu’on le retrouve parmi les membres de la commission provisoire chargée de l’organisation du congrès[19].
Les congressistes franchissent une étape remarquable en prenant la décision de fonder une « Association internationale des réformes douanières » qui aura pour objet de « travailler à l’application universelle du principe de la liberté des échanges »[20]. C’est Molinari qui prend la parole le 24 septembre pour soutenir l’initiative en soulignant l’importance d’une action commune :
« N’oublions pas que toutes les libertés dont nous jouissons aujourd’hui libertés civiles, libertés politiques, libertés religieuses ont été obtenues au moyen de l’association. Employons donc encore une fois cette arme puissante pour obtenir la liberté du commerce qui est le complément de toutes les autres. Souvenons-nous de la devise de notre pays : L’Union fait la force, et votons une association internationale pour la liberté du commerce [21]. »
Cette association est divisée en comités établis dans différentes nations (l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne du Nord, l’Espagne, les États sardes et la France) et dirigée par un comité central, dont le siège sera Bruxelles[22].
L’ « Association internationale des réformes douanières » tombe, certes, rapidement en désuétude, mais témoigne tout de même des efforts importants déployés par les libéraux pour mettre en œuvre les réformes en faveur du libre-échange. Sur ce point, l’implication de Molinari apparaît exemplaire et met en avant la ferme volonté des économistes de dépasser le cadre du libéralisme comme simple fondement doctrinal pour en faire un véritable instrument d’une politique économique internationale.
La création de liens financiers avec le Québec : la fondation du crédit foncier franco-canadien
Tout au long de sa vie, Molinari montre un intérêt marqué pour les enquêtes de terrain. Entre 1876 et 1886, il réalise de nombreux voyages à travers le monde dont il rend régulièrement compte par des lettres adressées au Journal des Débats[23]. Les expéditions qu’il effectue au Québec sont particulièrement révélatrices de son engagement matériel dans la cause du libre-échange. Le rôle qu’il y tient est tout à fait remarquable, car extrêmement actif. En contact direct avec les milieux politiques, il se rend pour la première fois au Canada en 1876 sur invitation personnelle d’Albert Lefaivre, alors consul général de France à Québec. Désirant accélérer le développement industriel du Canada français, Albert Lefaivre cherche à importer des capitaux étrangers sur le territoire québécois et tourne ainsi ses regards vers la France. Dans ce but, il espère obtenir le concours de Molinari dont il connaît la réputation intellectuelle[24] et la bienveillance à l’égard des milieux d’affaires. Le soutien qu’il reçoit est énergique puisque c’est en tant que véritable ambassadeur du marché financier français que Molinari revient à deux reprises au Canada en 1880 et 1885.
Lors de son premier voyage, Molinari est séduit par la province de Québec. Il entend participer à l’effort d’industrialisation et s’implique vigoureusement dans le développement des relations financières franco-québécoises. Il appelle, dans un premier temps, les milieux d’affaires français à s’implanter dans un territoire dont il perçoit avec acuité le potentiel économique. Dans une de ces lettres, il écrit :
« Pourquoi donc nos banques n’établiraient-elles pas des succursales à Québec, comme les banques anglaises en ont établi à Montréal ? Elles y trouveraient des placements hypothécaires à 7 et même à 9 % garantis par une législation exactement copiée sur la nôtre […] Pourquoi les produits français ne seraient-ils pas offerts sur le marché du Canada à l’égal des produits anglais ? […] En un mot, pourquoi la France ne reprendrait-elle pas dans le Canada français, Dieu merci ! sans aucune arrière-pensée politique, le rôle tutélaire que l’Angleterre remplit depuis un siècle dans le Canada anglais ? Elle y gagnerait autant que le Canada lui-même [25]. »
Molinari ne se contente pas d’encourager à l’exportation des capitaux français, mais s’investit véritablement pour faciliter ces exportations. Lors de son second voyage en 1880, il fait partie d’une délégation d’hommes d’affaires comprenant, entre autres, Joseph Henri Thors, sous-directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Au sein de cette délégation, Molinari tient une place centrale puisqu’il assume l’étude de toutes les garanties qui peuvent être offertes aux investisseurs qui souhaiteraient s’implanter au Canada, ainsi que les possibilités d’établissement d’un Crédit foncier franco-canadien[26]. L’expérience est particulièrement concluante puisqu’elle voit la fondation officielle de ce Crédit foncier franco-canadien la même année et la réalisation de ses premières opérations quelques mois plus tard, en avril 1881[27].
Au cours de son dernier voyage en 1885, Molinari se félicite du développement du projet qu’il a mené au Québec : « Le Crédit foncier franco-canadien, écrit-il, fondé il y a cinq ans, développe progressivement ses opérations, et ses comptes-rendus attestent qu’on peut prêter avec autant de sécurité aux propriétaires français d’Amérique, qu’aux propriétaires français de France, tout en profitant de la différence du taux de l’intérêt »[28]. Cet évènement témoigne de l’influence de Molinari et des milieux libéraux français qui ne se contentent pas d’une position de défenseur doctrinal, mais participent à l’élaboration de projets concrets et ambitieux, porteurs des valeurs et principes qu’ils souhaitent voir s’établir. La fondation du Crédit foncier franco-canadien entend, en effet, faciliter la libre circulation des capitaux, accélérer le développement industriel du Canada et permettre l’écoulement des capitaux français dans les endroits qui en ont besoin. En somme, éclairer le marché afin de le rendre plus efficient et avancer vers la réalisation effective du libre-échange.
Le travail de promotion d’une Union douanière continentale
Le dernier engagement que nous voudrions souligner ici concerne le travail de promotion d’une Union douanière continentale par Molinari à la fin du XIXème siècle. Il s’agit, en effet, d’une période d’accélération de ses propositions et de son implication sur la question du libre-échange. Celle-ci intervient, évidemment, dans un contexte tout à fait particulier. La guerre franco-prussienne de 1870 et l’annexion de l’Alsace-Lorraine à la suite de la défaite française ont créé un climat de tensions exceptionnelles qui s’est étendu à l’ensemble des relations européennes. Les rivalités coloniales, le heurt des impérialismes, les imbroglios d’alliances et les politiques d’armement massives viennent encore renforcer les antagonismes déjà existants. Fermement pacifiste, Molinari se montre très inquiet au sujet de la montée croissante des dissensions et appelle au maintien de la paix. En 1887, dans le Times, il écrit ainsi :
« La situation actuelle de l’Europe est de nature à inspirer les craintes les plus sérieuses aux amis de la paix. Depuis la funeste guerre de 1870, cette situation s’est continuellement aggravée. Quoique la France ait manifesté, à diverses reprises, son attachement à la politique de la paix, l’Allemagne, devenue une nation essentiellement militaire, a été sur le point, en 1875 et au commencement de 1887, de déchaîner de nouveau la guerre, en vue d’assurer les résultats acquis par la campagne de 1870-1871 et sanctionnés par le traité de Francfort. En présence de cette éventualité redoutable et de la menace qu’elle contient pour la sécurité générale, toutes les nations ont augmenté leurs armements et les ont portés finalement à un point qui n’avait jamais été atteint, même aux époques des grandes invasions barbares. L’Europe continentale est devenue un vaste camp [29]. »
Dans ce cadre politique épineux saturé par le spectre d’une guerre européenne, Molinari entend trouver des solutions concrètes, pérennes, particulièrement sur les questions des relations franco-prussiennes et l’annexion de l’Alsace-Lorraine. Fermement convaincu que des rapports commerciaux harmonieux constituent le support de solides relations diplomatiques, il soutient ardemment l’établissement d’une Union douanière continentale et travaille à sa mise en œuvre. Dès 1879, il publie un article dans le Journal des Débats sur le sujet. S’inspirant du Zollverein et tirant les conséquences positives de l’établissement de ce dernier, Molinari s’interroge sur les chances de réalisation d’une telle union entre les pays continentaux les plus avancés dans le processus d’industrialisation : « Ce progrès, ne serait-il pas possible aujourd’hui de le continuer et de l’étendre en supprimant les douanes intérieures du centre de l’Europe ? »[30]. Il propose ainsi la suppression des douanes séparant la France, la Belgique, la Hollande, le Danemark, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et l’institution d’un tarif commun afin de constituer un vaste espace de libre-échange continental. À l’aide de nombreuses données chiffrées, il affirme que cette union ne présenterait que des avantages économiques aux États cocontractants. Au surplus, elle lui semble, au niveau pratique, facilement réalisable[31]. Molinari la subordonne, en effet, à 4 conditions : « 1° l’établissement d’un tarif commun ; 2° la répartition des recettes entre les associés ; 3° l’identification, au moins approximative, du régime des accises ; 4° la constitution d’une commission internationale des douanes, chargée de diriger l’application d’un nouveau système »[32]. Ce projet constituerait, à ses yeux, une première expérience d’une zone de libre-échange internationale qu’il souhaite voir s’étendre. En effet, l’Union continentale doit, selon lui, demeurer ouverte à toute nation souhaitant y participer, jusqu’à aboutir à l’établissement d’un grand marché européen :
« Nous ferons remarquer en premier lieu que l’Union demeurerait ouverte […] et que rien ne s’opposerait à ce que toutes les nations continentales finissent par y entrer [33]. »
En 1885, dans une lettre adressée au Times, il renouvelle ce projet d’une union douanière le limitant, cette fois, aux pays les plus avancés dans la cause du libre-échange : l’Angleterre, la Belgique et la Hollande. Il écrit ainsi :
« Les seuls pays où [les libre-échangistes] aient gardé l’avantage et où ils n’aient pas sérieusement à craindre la réaction protectionniste sont l’Angleterre, la Hollande et la Belgique […] Dans cette situation, on peut se demander s’il ne serait pas avantageux de rattacher ces trois pays de libre-échange au moyen d’une union douanière, imitée du Zollverein allemand [34]. »
L’année suivante, il se réjouit de l’écho qu’a trouvé sa proposition et le nombre de projets qui l’ont suivi[35]. Il revient inlassablement sur les bénéfices économiques et diplomatiques d’une telle Union et encourage à son établissement : « Si on réussissait, en effet, à associer commercialement les États de l’Europe centrale en supprimant les douanes qui les séparent […] on créerait un marché d’environ 130 millions de consommateurs, dans lequel l’industrie n’aurait plus à redouter les changements de tarifs »[36]. Enfin, en octobre 1888, il en fait le premier pas de la résolution de la question de l’Alsace-Lorraine. C’est bien l’annexion de cette province qui constitue le sujet brûlant qui risquerait de faire éclater une guerre[37]. Dans ce contexte, il faut réussir à atténuer les tensions entre la France et l’Allemagne. Il relance alors l’idée d’une union douanière entre les deux nations, union pouvant constituer le support du rétablissement des relations diplomatiques. Il écrit ainsi : « C’est là un terrain sur lequel elles pourraient se rencontrer, et qui sait si l’entente économique ne contribuerait pas à modifier peu à peu les dispositions des esprits et à faciliter le rétablissement de l’entente politique »[38]. Il cite, à l’appui, de nombreuses autres initiatives[39] pour attester de la vivacité de sa proposition. À ses yeux, une guerre de « revanche » ne contribuerait qu’à accentuer les tensions et ferait, in fine, courir le risque d’un nouveau conflit sur le vainqueur. Il conclut alors qu’il convient d’appliquer « une entente pacifique à la solution d’une question qui est devenue le cauchemar de l’Europe »[40].
Conscient que cette démarche ne doit pas se cantonner qu’à des propositions théoriques, Molinari œuvre activement à l’établissement de cette union. Il rencontre ainsi plusieurs hommes d’État qu’il espère convaincre du bienfondé de son idée : « Sans me dissimuler les difficultés politiques et autres que l’établissement d’un Zollverein international pourrait rencontrer, je me disais que si je parvenais à en démontrer les avantages et à y intéresser un homme d’État influent, il ne serait peut-être pas impossible de le faire aboutir »[41]. Il tente ainsi d’obtenir l’appui de Léon Say, alors ministre des Finances, à qui il expose son projet. Ce dernier reconnaît largement les difficultés de réalisation d’une telle union tout en admettant que celle-ci puisse être possible. Dans un courrier qu’il adresse à Molinari, il suggère la chose suivante : « Il faudrait donc, préalablement à toute union, faire dans tous les pays à unir une sorte de péréquation des impôts [de consommation] comme assiette et tarifs. Cela n’est pas absolument impossible »[42]. Poursuivant sa campagne, Molinari se rend à La Haye pour y rencontrer le ministre des Finances hollandais, dont il est proche, et lui-même partisan d’une union douanière entre la Belgique et la Hollande. Mais l’entrevue la plus marquante est celle qu’il organise avec Bismarck. Molinari a, en effet, l’occasion de rencontrer le chancelier allemand, Otto Von Bismarck, pour lui soumettre ses propositions d’union douanière[43].
Évidemment, le contexte que connaît l’Europe de la fin du XIXème siècle rend illusoire la réalisation de cette union douanière que Molinari appelle de ses vœux. Il entend, grâce au libre-échange, dépasser les antagonismes qui séparent la France et l’Allemagne et considère même qu’un accord douanier pourrait constituer le départ de négociations autour de la question de l’Alsace-Lorraine. Bien que parfaitement lucide des immenses difficultés auxquelles se confronterait cet accord douanier franco-prussien, Molinari tente néanmoins d’infléchir la situation en faveur d’une solution pacifiste afin de résoudre ce conflit à travers un acte de libre-échange. Malgré les velléités de ce projet, l’initiative est résolument moderne et sera promise, bien plus tard certes, à un bel avenir.
Conclusion
Il n’a été possible, ici, que de résumer très brièvement quelques initiatives auxquelles a participé Molinari. Il est évident que toutes n’ont pas abouti de son vivant, certaines, à l’instar de l’Union douanière continentale, sont même restées lettre morte. Toutes manifestent, cependant, l’incontestable volonté des économistes libéraux de disposer d’une véritable organisation interne leur permettant d’exercer une influence importante sur l’opinion publique et mener, ainsi, une activité efficace. Les économistes français font également preuve d’une forte détermination dans l’ambition de constituer leur doctrine non pas en tant que force politique au sens classique du terme, mais en tant que levier à l’appui de la liberté économique et du libre marché. Ils soutiennent alors toutes les initiatives en faveur de la libération des forces de production, exercent une propagande conséquente auprès de l’opinion publique, établissent des liens étroits avec les milieux politiques. Les économistes de l’École libérale française ne sont pas seulement des intellectuels, journalistes ou professeurs, ce sont également des hommes actifs et influents[44] : des politiques, des hauts fonctionnaires, des hommes d’affaires qui réussissent habilement à nouer des liens entre eux et user de leur rayonnement[45]. Ils travaillent continuellement à la constitution d’un réseau favorable aux affaires et au développement industriel. À ce titre, Molinari est une figure tout à fait intéressante. Il entend, en effet, dépasser son simple statut d’intellectuel libéral radical pour appuyer divers projets et initiatives visant à mettre en œuvre son idéal d’un marché libéré de ses entraves et se révèle l’un des éléments essentiels de la construction de ce réseau favorable à la liberté économique. Il existe toute une activité plus concrète qui se développe derrière l’ardente défense doctrinale de Molinari et qui fait de lui un promoteur du libéralisme bien qu’il n’ait jamais directement exercé de fonctions politiques. Ce champion du libéralisme, acteur redoutable intervenant dans tous les débats idéologiques et politiques de son temps, travaille, ainsi, inlassablement en faveur de la croissance économique, de la prospérité et du bien-être matériels des individus contre l’action invasive de l’État, engagement ainsi résumé dans une formule : « un gouvernement à bon marché dans un milieu libre ».
[1] C’est en effet dans ces deux contributions que Molinari propose la soumission de ce qu’il nomme « la production de la sécurité », entendue comme l’exercice des fonctions régaliennes de l’État, au principe de la libre concurrence et aux lois du marché, soit finalement la privatisation de l’essence même de la puissance étatique. C’est à partir de ces deux travaux qu’il sera considéré par de nombreux auteurs comme le premier anarcho-capitaliste. Voir en ce sens Murray Rothbard qui considère l’article « De la production de la sécurité » comme « the first presentation anywhere in human history of what is now called ‘anarcho-capitalism’ or ‘free market anarchism’, » in The Production of Security, trans. J. Huston McCulloch, New York, The Center for Libertarian Studies, May 1977, p. 11 ; Pierre Lemieux qui affirme que « le premier anarcho-capitaliste fut un économiste et publiciste français, Gustave de Molinari, qui, dans un brillant article de 1849, se demanda pourquoi les avantages de la concurrence sur les monopoles gouvernementaux ne s’appliqueraient pas aussi à la protection publique », P. Lemieux, Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme, Paris, P.U.F., 1983, p. 22.
[2] Il est l’auteur de quelque quarante-cinq ouvrages, sans compter ses participations à des œuvres collectives, et de plusieurs centaines d’articles dans de nombreuses revues. Voir : A. Bedeville, La pensée politique de Gustave de Molinari : l’affirmation d’un libéralisme intransigeant, Thèse pour l’obtention du doctorat en Droit, Aix-Marseille Université, 2021. Ses travaux font également l’objet d’un travail de publication, toujours en cours, par l’Institut Coppet : Œuvres complètes de Gustave de Molinari, 8 volumes, Paris, Éditions de l’Institut Coppet, 2021-2022.
[3] Liberté de la presse, liberté d’association, liberté d’enseignement, séparation de l’Église et de l’État, liberté de l’industrie et du commerce, suffrage universel et proportionnel.
[4] Ils se rencontrent en 1846 lorsque Molinari travaille à la rédaction du Courrier français. Il raconte : « Un jour, notre excellent ami, M. Guillaumin, nous envoya un livre qu’il venait d’éditer sous ce titre : Cobden et la ligue ou l’agitation anglaise en faveur de la liberté commerciale, par Frédéric Bastiat. Nous ne connaissions que d’une manière très vague Cobden et la Ligue […] Nous ne connaissions pas du tout Bastiat. Cependant, nous lûmes le livre, et le Courrier français en publia un compte-rendu enthousiaste. Quelque temps après cette publication, notre garçon de bureau nous annonçait la visite d’un « monsieur qui avait l’air de la province » […] Nous voyons apparaître un monsieur maigre, mais d’apparence robuste avec une tête fine, des traits réguliers, le nez un peu fort, le teint basané, des yeux bruns, vifs et malicieux […] La connaissance fut bientôt faite. Nous priâmes notre visiteur de nous prêter son concours dans la campagne que le journal avait engagée en faveur de la liberté commerciale », G. de Molinari, « Frédéric Bastiat, lettres d’un habitant des Landes », Journal des Économistes, juillet 1878, p.60.
[5] Sur ce sujet, voir le compte-rendu du banquet : A. Courtois, Annales de la Société d’Économie politique, tome 1, Paris, Guillaumin, 1889, p. 36 – 54.
[6] La présidence est attribuée au Duc d’Harcourt, Frédéric Bastiat assume les fonctions de secrétaire. Parmi les autres membres, on compte : Anisson Dupéron, Charles Renouard, tous deux pairs de France, Adolphe Blanqui et Charles Dunoyer, Léon Faucher, députés, Horace Say, Michel Chevalier, ainsi que quelques industriels et négociants.
[7] G. de Molinari, « Liberté des échanges (association pour la) », Dictionnaire de l’Économie politique, tome 2, Paris, Guillaumin, 1853, p. 46.
[8] Les associations de province, principalement celles de Bordeaux et de Marseille, se dotent d’outils similaires. Voir : ibid., p. 47.
[9] Parmi les membres de cette première « Association belge pour la liberté commerciale », on compte d’autres figures proches de Molinari comme le Comte Giovanni Arrivabene, Vice-Président, Adolphe Lehardy de Beaulieu, secrétaire général et Michel Corr-Vander Maeren. Pour la liste des membres, voir : « Congrès des économistes à Bruxelles », Le libre-échange, 1re année, n° 43, 19 septembre 1847.
[10] « Association italienne pour la liberté des échanges », Le Libre-échange, 1re année, n° 7, 10 janvier 1847.
[11] Pour la liste des inscrits au « Congrès international des Économistes », voir : « Congrès des économistes à Bruxelles », Le Libre-échange, op. cit., 19 septembre 1847.
[12] G. de Molinari, « Congrès des Économistes de 1847 », L’Économiste belge, 2e année, n° 18, 20 septembre 1856.
[13] Le programme du Congrès est, en effet, le suivant : « Le congrès examinera la question de la liberté commerciale : 1° Dans ses rapports internationaux : on nous oppose que les nations sont tributaires les unes des autres toutes les fois qu’elles consomment des produits étrangers ; nous pensons, au contraire, que par l’ échange, par le commerce libre, elles se prêtent un mutuel appui ; 2° Dans ses rapports avec l’industrie : le système protecteur prétend, dans chaque pays, qu’il défend le travail national; nous soutenons au contraire, que la liberté étendra la production partout ; 3° Sous le rapport des ouvriers : nos adversaires parlent souvent au nom des travailleurs, et ceux-ci sont aveugles à ce point de croire leur sort lié à la protection. Nous devons démontrer qu’il y a impossibilité d’améliorer le sort des ouvriers, sous le régime actuel et que les théories économiques peuvent seules atteindre un but que tout le monde semble poursuivre ; 4° Sous le rapport des charges publiques : les partisans du libre-échange soutiennent que la liberté du commerce doit amener une réduction importante dans les charges publiques », ibid.
[14] On voit d’ailleurs que c’est à l’école française de prendre l’initiative de ce second congrès : « L’assemblée pensa qu’il y avait lieu d’ajouter à un prochain congrès toutes les questions d’application. Sur la proposition de M. Wolowski, appuyé par M. Anisson Dupéron, le bureau de l’association fut chargé d’organiser, quand il le jugerait opportun, ce second congrès de la liberté commercial », ibid.
[15] « Société d’Économie politique, réunion du 5 novembre 1897 », Journal des Économistes¸ novembre 1897, p. 251.
[16] « M. de Molinari refuse l’honneur que la société veut bien lui accorder, d’abord parce qu’il craint que son nom n’éloigne de la société les personnes qui se plaignent du radicalisme de L’Économiste belge ; ensuite parce qu’il décide que le journal et l’association demeurent complètement indépendants l’un de l’autre, tout en se prêtant appui mutuel », « Société belge d’Économie politique, réunion du 23 septembre », L’Économiste belge¸ 1re année, n° 19, 5 octobre 1855.
[17] « Ses moyens d’action consisteront principalement dans l’institution de sous-comités, qui se chargeront d’organiser une propagande active dans les différentes parties du pays, et qui communiqueront au bureau de la Société tous les renseignements locaux qui leur paraîtront propres à éclairer la discussion des questions à l’ordre du jour », « Première réunion de la Société belge d’Économie politique », L’Économiste belge, 1re année, n° 19, 5 octobre 1855.
[18] Ibid.
[19] « Congrès international des réformes douanières, circulaire », L’Économiste belge, 2e année, n° 9, 5 octobre 1856.
[20] « Fondation d’une association internationale pour les réformes douanières, statuts », L’Économiste belge, 2e année, n° 19, 5 octobre 1856.
[21] L’intervention de Molinari est retranscrite dans Congrès international des réformes douanières réunies à Bruxelles les 22, 23, 24 et 25 septembre 1856, Bruxelles, Imp. Weissenbruch, 1857, pp. 127 et suivantes.
[22] « Fondation d’une association internationale pour les réformes douanières, statuts », L’Économiste belge, op. cit.
[23] Ces lettres donnent lieu à la publication de plusieurs ouvrages : Lettres sur les États-Unis et le Canada, adressées au Journal des Débats à l’occasion de l’Exposition universelle de Philadelphie, Paris, Hachette & Cie, 1876 ; L’Irlande, le Canada, Jersey. Lettres adressées au Journal des Débats, Paris, E Dentu, 1881 ; Au Canada et aux Montagnes Rocheuses. En Russie. En Corse. À l’exposition universelle d’Anvers, Paris, C. Reiwald, 1886 ; À Panama. L’isthme de Panama. La Martinique. Haïti, Paris, Guillaumin, 1887.
[24] Molinari est rédacteur en chef du Journal des débats de 1871 à son départ au Canada en 1876.
[25] G. de Molinari, Lettres sur les États-Unis et le Canada, adressées au Journal des Débats à l’occasion de l’Exposition universelle de Philadelphie, op. cit., p. 146.
[26] Une revue canadienne, dont Molinari publie le compte-rendu en annexe de son ouvrage, écrit, en effet : « Les citoyens de Montréal venaient saluer M. Thors, sous-directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas ; M. de Molinari, journaliste parisien déjà si avantageusement connu au Canada ; chargé d’étudier les questions de l’établissement d’un Crédit foncier franco-canadien ; M. le baron de Hogendorp, secrétaire de M. Thors ; et M. de la Londe, agriculteur distingué, représentant de la société d’agriculture française, tous venus pour nouer des relations d’affaires entre la France et le Canada », ibid.¸ p. 316.
[27] S. Saul, « Conjonctures, adaptation et croissance : le Crédit foncier franco-canadien (1880-1979) », Histoire, économie et société, 5e année, n° 2, 1986, p. 301.
[28] G. de Molinari, Au Canada, aux Montagnes rocheuses, en Russie, en Corse, à l’exposition universelle d’Anvers, op.cit., p. 138.
[29] G. de Molinari, « Projet d’association d’une ligue des neutres », Times, 28 juillet 1887, reproduit dans La Morale économique, Paris, Guillaumin, 1888, p. 431.
[30] L’article est publié dans le numéro du 24 janvier 1879 du Journal des débats¸ puis reproduit dans le Journal des Économistes, février 1879, pp. 309 – 318.
[31] Molinari n’ignore, cependant, pas que son projet se confronte à des oppositions politiques chevronnées : « La constitution d’une association de ce genre soulèverait, sans aucun doute, des objections plus tenaces, sinon plus sérieuses, que celles qui ont été opposées à l’établissement du Zollverein. Il s’agirait, cette fois, d’associer dans un but économique et fiscal des nations de race et de langue différentes, quelques-unes même politiquement hostiles, ou en tout cas médiocrement sympathiques, et entre lesquelles il serait téméraire d’affirmer que la paix pourra être maintenue à perpétuité », ibid., p. 312.
[32] Ibid., p. 313.
[33] Ibid., p. 317.
[34] G. de Molinari, « Union douanière anglo-hollando-belge, article adressé au Times », Journal des Économistes, février 1885, p. 286.
[35] « Ce projet que nous considérions comme un simple ballon d’essai a reçu un accueil auquel nous étions loin de nous attendre », « L’Union douanière de l’Europe centrale », Journal des Économistes, septembre 1886, p. 413.
[36] Ibid., p. 416.
[37] « Si nous ignorons quand la guerre éclatera de nouveau en Europe, nous connaissant du moins quelques-unes des causes qui pourront la faire éclater […] Telle est, pourquoi ne le dirions-nous pas, la question de l’Alsace-Lorraine. Que la guerre puisse quelque jour en sortir […] il serait puéril de le nier », « La question de l’Alsace-Lorraine et l’union douanière de l’Europe centrale », Journal des Économistes, décembre 1888, p. 330 – 331.
[38] Ibid., p. 333.
[39] Au nombre desquelles il cite L’Alliance franco-allemande, par un Alsacien ; La Paix par l’Union douanière franco-allemande du Comte de Leusse et Une association douanière franco-allemande d’Émile Worms, ibid., p. 334.
[40] Ibid., p. 335.
[41] G. de Molinari, « L’Union douanière de l’Europe centrale », Journal des Économistes, novembre 1896, p. 167.
[42] Ce courrier est reproduit par Molinari dans : ibid., p. 169.
[43] Molinari retranscrit rapidement son entretien avec Bismarck : ibid., p. 167–168.
[44] Voir : M. Leter, « Éléments pour une étude de l’École de Paris », in, P. Nemo, Histoire du libéralisme en Europe, Paris, PUF, 2006, pp. 429 – 509.
[45] À titre d’exemple, l’École libérale française tient les postes clefs du monde intellectuel qui lui permettent d’assurer son hégémonie doctrinale. Voir : Y. Breton, « Les économistes français et les questions de méthodes », in L’Économie politique en France au XIXe siècle, Paris, Oeconomica, 1991, p. 389 et suivantes.