Les élections approchent. On a envie de dire « les vraies », les présidentielles, puisque dans notre pays le rôle du président est primordial. Certes, la Constitution actuelle n’est pas libérale quand elle donne tant de pouvoir incarné dans un seul individu, mais en attendant une vraie décentralisation qui apporterait un air salutaire de responsabilité et d’innovation, il faut bien faire avec.
Cette fois-ci, les électeurs seront peut-être plus nombreux à aller aux urnes que lors des dernières échéances électorales (pour lesquelles un funeste record de 66,73% d’abstention avait été atteint). En effet ils connaissent bien le visage et les discours du président et savent combien il est en mesure de peser sur les choix collectifs. Ils voient bien moins souvent leur député, leurs conseillers régionaux ou départementaux, voire leur maire et ses conseillers municipaux, qu’ils auraient parfois contribué à choisir.
Malgré l’enjeu de ces présidentielles — un enjeu d’autant plus grand que le pays n’est pas en grande forme, ni économique, ni financière, ni sociale, et que nos libertés sont sans cesse menacées, voire réduites — nombreux seront une fois encore ceux qui préfèreront rester chez eux plutôt que d’aller voter. Emportés sans doute par un certain fatalisme, une lassitude, ou un rejet.
C’est là sans doute l’un des graves dangers qui pèsent sur notre démocratie ; un danger qui n’avait pas échappé à l’un des plus fins observateurs du fonctionnement des démocraties occidentales naissantes, Alexis de Tocqueville, lorsqu’il écrivait :
Les hommes qui habitent les pays démocratiques n’ayant ni supérieurs, ni inférieurs, ni associés habituels et nécessaires, se replient volontiers sur eux-mêmes et se considèrent isolément. […] Ce n’est donc jamais qu’avec effort que ces hommes s’arrachent à leurs affaires particulières pour s’occuper des affaires communes ; leur pente naturelle est d’en abandonner le soin au seul représentant visible et permanent des intérêts collectifs, qui est l’État. Non seulement ils n’ont pas naturellement le goût de s’occuper du public, mais souvent le temps leur manque pour le faire. La vie privée est si active dans les temps démocratiques, si agitée, si remplie de désirs, de travaux, qu’il ne reste presque plus d’énergie ni de loisir à chaque homme pour la vie politique. (De la démocratie en Amérique, tome 2, Chapitre 4).
Alors il faut espérer que cette fois-ci nos concitoyens parviennent à « s’arracher de leurs affaires particulières pour s’occuper des affaires communes » ; qu’ils s’engagent dans le débat.
Mais quel débat ? Le débat actuel peut-il redonner « le goût de s’occuper du public » ? Si notre ambition se limitait à faire monter le taux de participation aux présidentielles nous risquerions une fois encore de donner raison à Tocqueville lorsqu’il affirmait :
« En démocratie, les citoyens sortent un moment de la servitude pour désigner leur maître, et y rentrent. »
C’est cela que nous voulons éviter et c’est là que se place l’engagement du Journal des libertés. Notre ambition première est de redonner des couleurs et surtout de la profondeur aux débats de société. Nous désirons nous engager à l’approche des présidentielles, mais pas que… Car seul un travail de fond, sur la durée, pourra préserver notre démocratie de tristes dérives. L’engagement ne saurait-être l’engagement d’un jour.
C’est à cela que nous nous employons dans ce numéro, comme dans le prochain… et comme dans les 13 numéros qui ont précédé celui-ci. Nous reprenons avec insistance et lucidité les grands enjeux du présent –- libertés, sécurité, école, santé, retraite, immigration, finances publiques, écologie, Europe, monnaie, culture… Sur ces questions nous proposons des analyses qui n’hésitent pas à remonter à la racine, afin de dénoncer les fausses bonnes solutions et, surtout, afin de montrer qu’il n’y pas de fatalité : nos sociétés ne sont pas vouées à choisir entre le despotisme et le populisme, nous avons tout à gagner à emprunter le chemin de la liberté et de la responsabilité qui font la dignité humaine.
Oui, nous ne voudrions pas nous contenter de nourrir une saine curiosité intellectuelle chez nos lecteurs. Nous espérons que nos pages les inciteront à s’engager. Et un engagement salvateur et intelligent.
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[…] S’engager intelligemment […]