Comme on le sait la France est l’un des pays du monde dans lequel la fiscalité par rapport au revenu national a le taux le plus élevé. Et par ailleurs certains impôts y sont particulièrement nuisibles. Ceci doit être considéré comme très regrettable parce que cela diminue évidemment les satisfactions des contribuables et c’est pourquoi on doit considérer la fiscalité comme une opposition au libéralisme. Mais, bien entendu, comme nous l’évoquons ultérieurement, la contrepartie des impôts – à savoir les dépenses publiques – apportent éventuellement une satisfaction à certaines personnes.

L’impôt ne concerne que les activités d’échange

Bien évidemment un individu a pour objectif personnel d’atteindre un niveau maximum de son utilité subjective. Une partie de son utilité – mais certainement pas la totalité – provient d’activités d’échange avec d’autres individus (par exemple en ce qui concerne les salaires, les achats et ventes de produits). Bien entendu, pour des raisons pratiques, la fiscalité constitue des prélèvements non pas sur le niveau d’utilité subjective de chaque individu, mais uniquement sur celles de leurs activités qui sont mesurables par leurs prix d’échange (à l’exception de certains impôts indépendants des activités d’échange – tels que l’impôt de capitation – mais qui sont rarement mis en œuvre). Ainsi si deux individus sont identiques, mais que l’un d’entre eux maximise son utilité en ayant recours à moins d’échange que l’autre individu, il aura moins d’impôts à payer. Ceci implique évidemment que la fiscalité est nécessairement inégalitaire parce qu’elle est liée uniquement aux activités d’échanges marchands (sauf, une fois encore, dans le cas où il existe un impôt de capitation, c’est-à-dire un impôt qui a le même montant pour tous les individus, ce qui n’existe pas actuellement en France).

Par ailleurs on peut être tenté de penser que la fiscalité a une contrepartie satisfaisante pour les contribuables dans la mesure où ils bénéficient des dépenses publiques financées par leurs impôts. Mais il est évident qu’un individu ne dispose pas de biens publics dont la valeur est exactement égale à celle des impôts qu’il paie, de telle sorte que les inégalités existent. Elles constituent d’ailleurs en partie des objectifs de la part des politiciens et de certains de leurs électeurs, par exemple en ce qui constitue la redistribution des ressources[1]. Ainsi, dans la mesure où la fiscalité est fondée sur les activités d’échange, elle a tendance à inciter les individus à diminuer leurs activités d’échange (ce qui inclut en particulier les revenus monétaires). Certes si un contribuable reçoit par ailleurs des biens publics qui lui conviennent, on peut considérer qu’il y a là un processus d’échange, mais en fait il n’y a pas de choix individuel précis, contrairement à ce qui se passe avec l’échange privé. S’il existe un impôt pour une activité (par exemple un salaire) et qu’on augmente le taux de l’impôt, on incite évidemment les salariés à diminuer le montant d’activités salariales qu’ils souhaiteraient sinon réaliser. C’est pourquoi on doit considérer comme évident qu’il est souhaitable de réduire la fiscalité autant que possible.

La fiscalité sous le quinquennat Macron

On peut considérer que beaucoup de Français souhaitent des baisses d’impôts et c’est pourquoi la diminution de la fiscalité constitue actuellement un thème important des candidats éventuels pour l’élection présidentielle (mais aussi pour les élections législatives). C’est ainsi qu’Emmanuel Macron met l’accent sur le fait qu’il est favorable à la baisse des impôts puisque cela constituait un de ses arguments lors de l’élection présidentielle de 2017 et qu’il estime avoir effectivement mis en œuvre durant sa présidence ce projet de baisse de la fiscalité française.

L’aspect le plus important de cette politique fiscale a certainement été la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF). En effet, comme nous l’exprimons ultérieurement, un impôt sur le capital est très critiquable. Mais si la suppression de l’ISF doit être appréciée on doit considérer comme très regrettable d’avoir malgré tout maintenu un impôt sur certaines catégories de capitaux, à savoir celles qui concernent le capital immobilier, puisque l’ISF a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au lieu d’être complètement supprimé.

Par ailleurs la réforme fiscale d’Emmanuel Macron a consisté à diminuer un peu l’impôt sur le revenu en diminuant un taux de 14% à 11%, ce qui est avantageux essentiellement pour les revenus faibles, mais ce qui est contestable comme nous l’expliquons ultérieurement. Enfin la taxe d’habitation a été également supprimée (pas encore totalement). Or, en ce qui concerne la taxe d’habitation on peut la considérer comme n’étant pas l’impôt le plus critiquable. En effet, les activités de la mairie d’une commune sont utiles pour tous les habitants de cette commune et il serait donc tout-à-fait légitime de la maintenir. Il est d’ailleurs caractéristique de constater, comme on pouvait le prévoir, que beaucoup de communes ont augmenté les taxes foncières de manière à compenser leur diminution de recettes du fait de la suppression, plus ou moins rapide, de la taxe d’habitation. Mais il n’est pas justifié de faire payer les propriétaires plutôt que l’ensemble des habitants d’une commune.

Par ailleurs il y a une baisse des impôts payés par les entreprises, à savoir ce qu’on appelle les impôts de production et par ailleurs les impôts sur les sociétés dont le taux doit passer de 33% à 25% entre 2017 et 2022. Mais il y a aussi une forte augmentation des dettes publiques, en particulier parce que la diminution de la fiscalité n’a pas été accompagnée par une diminution des dépenses publiques. Cela implique évidemment qu’il y aura ultérieurement une augmentation de la fiscalité pour rembourser les dettes car il n’y aura probablement pas de forte diminution des dépenses publiques.

L’impôt sur le capital pénalise ceux qui épargnent

Afin de bien connaitre les raisons pour lesquelles un impôt sur le capital ne devrait pas exister on peut envisager un exemple particulier : Supposons qu’il existe deux individus ayant exactement le même revenu annuel et payant donc le même montant d’impôt sur le revenu. Or supposons que l’un d’eux consomme au cours de cette année tous les biens qu’il a achetés en utilisant tout son revenu annuel. La consommation consistant en une destruction des biens (pour obtenir de l’utilité subjective), les biens en question ne peuvent pas faire l’objet d’une autre fiscalité. Mais si l’autre individu n’a pas une consommation égale au montant de son revenu et s’il épargne donc une partie de ses ressources annuelles (pour une consommation future) il devient propriétaire d’un capital. Or le montant de ses ressources annuelles ainsi utilisées risque de subir un impôt s’il existe un impôt sur le capital. Et par ailleurs, les revenus futurs de son capital seront normalement soumis à l’impôt sur le revenu. Il y a là deux raisons pour lesquelles l’individu qui épargne paie au total plus d’impôts que celui qui consomme toutes ses ressources annuelles. Il y a là une raison incontestable d’éviter toute imposition du capital, même s’il s’agit seulement de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Mais il conviendrait par ailleurs de remplacer l’impôt sur le revenu par ce qu’on peut appeler l’impôt de dépense globale, c’est-à-dire un impôt dont la base est constituée par le revenu d’une année moins l’épargne de cette année[2].

Supprimer les impôts sur les successions

Par ailleurs ce raisonnement doit aussi conduire à s’opposer aux droits de succession (et certains politiciens suggèrent actuellement une baisse des taux de droits de succession). Dans ce cas également on peut comparer la situation de deux individus. Supposons par exemple que ces deux individus sont très différents, mais qu’ils ont obtenu exactement les mêmes revenus au cours de leur vie (et donc payé le même montant d’impôt sur le revenu). Or l’un d’entre eux dépense beaucoup, par exemple pour financer une bonne formation à son fils dont on peut dire qu’il augmente ainsi le capital humain (un capital non taxé en tant que tel). L’autre individu épargne de manière à pouvoir permettre à son fils d’hériter lors de son décès. Il est évident qu’il est inégalitaire de taxer le capital transmis par succession.

Par ailleurs on justifie souvent les droits de succession par le fait qu’il existe une grande inégalité entre individus du point de vue des héritages dont ils bénéficient, de telle sorte que les droits de succession diminueraient cette inégalité. Mais cette différence entre individus provient des différences qui ont été désirées par les transmetteurs de capital de succession et donc des différences dans leurs efforts d’épargne. On doit donc considérer comme justifiée la proposition qui est faite actuellement par certains politiciens de diminuer les droits de succession ou même de les supprimer. Leur suppression constitue certainement un des aspects souhaitables de la réforme fiscale.

Supprimer la progressivité de l’impôt

Une autre réforme fiscale très importante et très justifiée serait la suppression de la progressivité des taux de certains impôts, en particulier de l’impôt sur le revenu. Envisageons le comportement d’un individu dont le revenu résulte évidemment de son travail. La théorie économique traditionnelle a toujours souligné, à juste titre, que l’utilité marginale, par exemple pour les revenus du travail, est décroissante. En effet cet individu accepte de sacrifier du loisir, et l’utilité subjective qui en résulte, afin d’obtenir un revenu du fait d’une heure de travail (ce qui lui permet d’augmenter sa consommation). Mais au fur et à mesure qu’il augmente la durée de son travail, la perte d’utilité concernant son loisir augmente (et l’utilité marginale de sa consommation diminue). Il n’est donc absolument pas justifié d’augmenter le taux de l’impôt sur le revenu si cet individu accroit beaucoup les revenus de son travail.

Bien entendu, conformément aux préjugés habituels, on justifie en général la progressivité de l’impôt sur le revenu par le fait que cela permet de réduire les inégalités entre individus. Mais comparons de nouveau la situation de deux individus similaires. L’un d’entre eux produit lui-même la majorité de ses biens de consommation, de telle sorte qu’il vend très peu d’heures de travail et n’a qu’un revenu monétaire très faible, contrairement à un autre individu qui consacre la plus grande partie de son temps à un travail rémunéré par un salaire. Il est en fait inégalitaire de punir par la fiscalité le second individu par rapport au premier.

De manière générale on ne devrait pas admettre cet argument d’inégalité. En effet ce qui caractérise les êtres humains c’est leur différenciation (et l’on devrait d’ailleurs parler de différences plutôt que d’inégalités). Les membres d’une société ont des caractéristiques différentes en ce qui concerne leurs capacités productives et leurs objectifs d’activités. Et c’est d’ailleurs cette différenciation qui permet aux individus de pratiquer des échanges de telle sorte que la situation de tous les membres d’une société en est très améliorée.

Prenons le cas de deux individus identiques ayant les mêmes capacités productives et devant prendre des décisions concernant leurs activités. L’un d’entre eux décide de devenir salarié plutôt qu’entrepreneur car il craint les risques d’une entreprise, l’autre choisit de créer une entreprise car il a un intérêt pour l’innovation et éventuellement pour le profit malgré les risques de perte et même de faillite qui provoquerait une perte de son capital. Si le deuxième individu a un revenu plus élevé pourquoi le taxer davantage en utilisant un taux d’impôt plus élevé ? Cela n’est pas juste car cela consiste à punir certains choix et certaines capacités ; et cela peut avoir des conséquences nuisibles sur autrui. En effet, si par exemple ce sont certains entrepreneurs qui peuvent avoir les revenus les plus élevés, la progressivité de l’impôt sur le revenu incite moins de personnes à être entrepreneurs, certains entrepreneurs sont moins incités à développer leurs entreprises et certains autres sont incités à émigrer. Il en résulte qu’il y a moins de production et par conséquent moins de salariés et des salaires moins élevés. Il serait donc souhaitable de diminuer la progressivité des impôts ou même de la supprimer totalement. Ainsi le taux de l’impôt sur le revenu serait le même quel que soit le montant du revenu d’une personne. C’est ce qu’on appelle une « flat tax » et c’est ce qui a été un peu recommandé récemment, par exemple par Eric Ciotti, politicien du parti Les Républicains.

Impôts de production : qui paie la TVA ?

Des réformes peuvent enfin être envisagées pour ce qu’on peut appeler les impôts de production. Il s’agit des impôts payés par les entreprises, par exemple la TVA, les droits de mutation, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la taxe sur les salaires. Ces impôts sont payés par les entreprises du point de vue administratif, mais il est cependant contestable de les considérer comme des impôts d’entreprise. En effet une entreprise constitue un ensemble de contrats, en particulier entre les entrepreneurs et leurs salariés. Mais on devrait admettre qu’il n’est pas justifié de considérer qu’un impôt est payé par un contrat (ou un ensemble de contrats). En réalité ce sont les signataires des contrats qui paient les impôts en question et non pas leurs contrats. C’est ainsi que l’on doit comprendre, comme nous l’avons démontré[3], que la TVA n’est pas un impôt de consommation ni un impôt d’entreprise. En réalité la TVA est payée indirectement, en particulier, par les entrepreneurs et les salariés des entreprises. On peut donc considérer que la TVA – et les autres impôts d’entreprise – sont en fait identiques à des impôts sur le revenu. Mais il existe en fait une différence avec ce qui s’appelle normalement l’impôt sur le revenu, à savoir que ceux qui paient indirectement les impôts de production ignorent plus ou moins le montant d’impôt qu’ils paient. Prenons en effet le cas des salariés et supposons qu’initialement la TVA n’existe pas. Si une TVA est créée, elle doit être payée du point de vue administratif par les entreprises. Il est considéré en général que la TVA augmente les prix de vente et qu’elle est donc payée par les clients des entreprises. Mais les entreprises ne peuvent pas augmenter les prix de vente sans limites et il est normal de considérer que la création d’une TVA (ou l’augmentation d’une TVA) ne réduit pas le prix total de vente d’un bien, de telle sorte que la TVA est en fait réglée par les entreprises. Mais il en résulte évidemment une réaction de la part des entrepreneurs. Ceux-ci vont, par exemple, essayer d’éviter d’avoir à supporter le montant total de cet impôt. Pour cela ils vont essayer de diminuer le montant des salaires qu’ils paient. Certes il existe une difficulté dans la mesure où les salaires correspondent normalement à des contrats qui ne peuvent pas facilement être modifiés. Mais les entrepreneurs pourront, par exemple, embaucher des salariés avec des salaires moins élevés ou moins augmenter le niveau des salaires que cela aurait sinon été le cas du fait d’innovations augmentant la productivité des salariés. Ainsi les salariés paient indirectement une partie de l’impôt, mais ils ignorent le montant d’impôt qu’ils paient exactement. De ce point de vue on peut considérer que les impôts de production – tels que la TVA – sont identiques aux impôts de revenu, mais qu’ils diffèrent du point de vue des informations. Certes les politiciens apprécient que certains de leurs contribuables paient plus d’impôts qu’ils ne le savent, ce qui leur permet d’accroitre les montants d’impôts et donc leurs ressources. Mais on doit considérer qu’un système de prélèvements dans l’ignorance est critiquable. Il serait en effet légitime que les individus sachent précisément ce que leur coûtent les dépenses publiques.

Il existe par ailleurs ce qu’on appelle l’impôt sur les sociétés qui constitue en fait un impôt sur le bénéfice des entreprises, constitué par l’écart entre les dépenses et les recettes. Or cet impôt n’est pas justifié puisque, de toutes façons, les bénéfices d’une entreprise sont distribués à ses propriétaires et ceux-ci doivent ensuite payer l’impôt sur le revenu. Il y a donc une double taxation dans ce cas et il en résulte certainement une moindre tentation à créer une entreprise ou à développer les activités d’une entreprise. La suppression de l’impôt sur les sociétés serait donc certainement souhaitable.

Conclusion : que chacun sache ce que lui coûte l’État

Parce qu’ils l’ignorent en partie actuellement – sauf pour leurs impôts de revenu – les citoyens français sont facilement incités à réclamer des dépenses publiques et cela peut expliquer en partie la très grande dimension de l’État. Mais il serait souhaitable et honnête de permettre à tous les citoyens de savoir exactement ce que l’État leur coûte. Pour cela il faudrait remplacer le plus possible la TVA et les autres impôts de production par une augmentation des impôts sur le revenu ou même, de préférence, en créant par ailleurs un impôt sur la dépense et en déterminant les taux par considération de la suppression de la TVA. Certes on pourrait aussi les remplacer en instaurant un impôt de capitation (dont le montant serait évidemment très élevé et significatif). Mais les réformes fiscales les plus importantes seraient les suivantes, ainsi que nous l’avons vu précédemment : suppression de l’impôt sur le capital immobilier, suppression des droits de succession et suppression de la progressivité des impôts (et donc instauration de la « flat tax » pour l’impôt sur les revenus).


[1]     Cette politique de redistribution peut être considérée comme critiquable ainsi que nous l’analysons dans notre article précédent, « Le mythe de la justice sociale », Journal des libertés, n° 12, printemps 2021.

[2]     C’est dans notre livre, La tyrannie fiscale (éditions Odile Jacob, 2014), que nous exposons les justifications de ce que nous appelons l’impôt sur la dépense globale.

[3]     Nous le démontrons dans notre livre, La tyrannie fiscale, op. cit.

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