de Bruno Le Maire

Gallimard, 2021 (352 pages)

Bruno Le Maire est un jeune et brillant ministre des Finances. Il ne manque pas d’ambition : candidat à la présidence des Républicains, puis à la primaire. S’il devenait un jour président de la République, sa politique serait-elle libérale ou interventionniste ? Son livre répond clairement : les intentions seraient libérales, mais pas l’exécution.

Les intentions seraient libérales :

  • Il lancerait un vaste programme de privatisations.  « Ne garder dans le giron de l’État que les entreprises stratégiques de transport, de production nucléaire ou de défense, et céder le reste » (p.61). Donc, EDF (hors nucléaire), la Caisse des dépôts, la Banque publique d’investissement, etc., devraient être vendues.
  • « Je ne crois pas au matraquage fiscal (p.66) … Nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé des pays de l’OCDE… Si nous voulons toucher à la fiscalité nous ne devons plus le faire par une augmentation des impôts nationaux (p. 187) ». Il souhaite faire retrouver aux entreprises françaises leur compétitivité, « une réalité dont il faut tenir compte ». Bruno Le Maire est apparemment favorable à l’impôt à taux unique : « tout le monde doit contribuer à proportion de ses revenus (p. 86) ».
  • « Laisser filer les comptes publics aurait été un échec politique majeur (p. 205) ». Il faut réduire les dépenses publiques : « Notre volonté première était de réduire (la dette) de cinq points sur la durée du quinquennat (p. 226). » 
  • Il veut « simplifier les procédures administratives » et supprimer la loi sur les trente-cinq heures (p. 85), « une erreur que nous avons payée de moins de prospérité ». Il évoque le « risque de décrocher définitivement de l’Allemagne qui a pris au début des années 2000 des mesures difficiles mais nécessaires (p. 75) ».
  • Il a manifesté au Conseil des ministres son désaccord sur les retraites : « je proposais de modifier les règles de cotisation dès 2020 (p. 207) ». « Le recul de l’âge du départ à la retraite est impératif (p. 341) ».
  •  « Je choisis le courage de refonder nos institutions (p. 213) ». « Il est nécessaire que les élus démissionnent de la fonction publique quand ils embrassent la carrière politique (p. 212) ».  Il faut « alléger des deux tiers le gouvernement (p. 288) » et supprimer le poste de Premier ministre (p. 211). Il veut renouveler la démocratie : « l’individu ne veut plus être citoyen le seul jour des élections. Il veut être citoyen en permanence (p. 194) ». Il apprécie donc la décision d’ « abaissement du seuil de déclenchement du référendum d’initiative populaire de 4,5 à 1 million de signatures (p. 201) ».
  • Il est favorable au libre-échange : « L’hégémonie européenne passée a été un produit de notre ouverture, pas de nos frontières (p. 139) ».

Mais « en même temps » ses décisions ont été contraires à ces belles promesses libérales :

  • Il n’a pas privatisé Aéroports de Paris, alors que sa loi Pacte le prévoyait, et a nationalisé les Chantiers de l’Atlantique. Comme « nous étions en mal de projets concrets (p. 235) », il a décidé avec les Allemands des dépenses publiques pour « l’Airbus des batteries » alors que Total et PSA s’étaient mis d’accord pour le lancer. Il veut financer « l’hydrogène vert (p. 335) » qu’Air Liquide produit, le traitement des déchets, l’intelligence artificielle, le stockage des données. Il a régulièrement augmenté les dépenses publiques, massivement depuis le début de la pandémie.
  • Il s’est battu becs et ongles pour faire voter par le Parlement français une taxe GAFA que la Cour des Comptes a déclarée « de nature à porter atteinte à nos intérêts » et qu’il a dû « suspendre (p. 256) » devant les menaces de Donald Trump d’accroître les droits de douane sur les vins français.
  • Il a réduit de 1,76 milliards la baisse de l’impôt sur les sociétés précédemment votée. Il prône une énorme taxe carbone (p. 339). Il veut que l’Europe décide une « taxation minimale à l’impôt sur les sociétés (p. 187) », « mettre fin à la compétition fiscale délétère (p. 187) », « faire payer les impôts français aux Français expatriés (p. 90) ». « Un des débats à venir pourrait porter sur la transmission des patrimoines ».
  •  Il répète sa volonté de lutter contre « la montée des inégalités (p. 158) » qui « peut être mesurée par le coefficient de Gini (p. 181) », lequel a pourtant baissé depuis 10 ans. Il fustige « les rémunérations vertigineuses des présidents d’entreprises ». « En inscrivant dans le code civil la notion de “raison d’être” nous avons donné la possibilité aux entreprises de participer à ce mouvement nécessaire de lutte contre les inégalités (p. 188) », comme si la « raison d’être » n’était pas autre chose qu’un simple habillage de communication et que les entreprises n’avaient pas précédemment cette « possibilité » qu’il a fallu leur donner. Il veut une « réinvention du capitalisme : le profit ne vaut plus en tant que seule ligne de conduite pour les entreprises (p. 342) ». Il veut « réguler les géants du numérique, voire les démanteler (p. 158) ». « La lutte contre le réchauffement climatique est un objectif parmi les plus nécessaires (p. 88) ». Les accords de libre-échange doivent être « conditionnés par le respect des accords de Paris (p. 138) ». Bref « la politique doit se réapproprier l’économie (p. 342) ».

Pour conclure …

Citons sa formule, qui s’applique exactement à ses promesses libérales : « Les mots dissimulent autant qu’ils montrent. Ils trompent souvent (p. 222) ». L’Ange a fait la Bête.

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Journal des Libertés

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