Acte premier : les signaux faibles
Acte deuxième : désespérance des Syriens et exploitation géopolitique par la Turquie
Acte trois : générosité ou opportunité ?
Acte quatre : un reflux mais des impacts durables
Acte cinq : le dénouement : une aura en berne
Les migrations internationales se déploient chaque fois que des personnes changent d’État de résidence. Leurs facteurs explicatifs sont de différente nature, politique, religieuse, économique ou démographique. Dans le contexte du XXIe siècle, des éléments de causalité complémentaires sont à l’œuvre sous les effets de la globalisation, de l’internationalisation et de la mondialisation[1].
Aujourd’hui comme hier, les migrations internationales exercent de multiples effets, y compris dans la géopolitique interne des pays où les immigrants arrivent. Effectivement, celle de l’Allemagne s’est trouvée bouleversée suite aux flux migratoires de l’année 2015. Auparavant, la chancelière, Madame Merkel en fonction depuis le 22 novembre 2005, semblait insubmersible. Puis son aura auprès des Allemands s’est effondrée comme l’attestent ses insuccès électoraux de 2017-2018, puis sa décision du 29 octobre 2018 de renoncer à la présidence de son parti politique et d’annoncer qu’elle ne demanderait pas le renouvellement de son mandat de chancelière en 2021. Pour comprendre ce retournement imprévisible en 2015 selon les médias, il faut décliner les cinq actes de ce que nous pouvons appeler « la tragédie de Madame Merkel ».
Acte premier : les signaux faibles
Toute analyse géopolitique doit considérer ce qu’on appelle en prospective des « signaux faibles », c’est-à-dire des événements mineurs, perçus comme mineurs ou négligés, et pourtant susceptibles d’exercer à terme une influence significative. Or l’Allemagne a connu deux signaux faibles, le premier en raison d’un refus de voir, le second sous l’effet d’une mauvaise analyse géopolitique du Moyen-Orient.
Le premier signal faible, certes bien antérieur à Madame Merkel puisque ses débuts datent des années 1970, est dans ce que j’ai appelé un « hiver démographique », donc une fécondité en Allemagne abaissée nettement et durablement en dessous du seuil de remplacement des générations[2]. Dès les années 1980, donc avant la réunification, il est prévisible que la population active de l’Allemagne va diminuer car, même en améliorant le taux d’emploi, par exemple en repoussant l’âge de la retraite, le déficit des naissances est trop important pour enrayer cette baisse prévisible.
Les données de ce signal faible sont bien renseignées. En effet, l’Allemagne (RFA + RDA), qui comptait un nombre de naissances nettement supérieur au million dans les années 1960, et même plus de 1,3 million certaines années, se retrouve avec moins de 800 000 naissances en 1975 et 1976. Certes, ce nombre remonte un peu jusqu’à 900 000 en 1990, mais il redescend ensuite de 2005, soit l’année où Madame Merkel devient chancelière, à 2013, à moins de 700 000, donc aux plus bas niveaux depuis la Seconde Guerre mondiale. L’intensité de l’hiver démographique de l’Allemagne est telle que, depuis 1972, chaque année, ce pays enregistre plus de décès que de naissances, avec, le plus souvent, des écarts importants supérieurs à 100 000. Les années où le solde migratoire n’est pas assez élevé pour compenser l’excédent des décès sur les naissances, la population de l’Allemagne diminue par rapport à l’année précédente. C’est le cas avant la réunification de 1975 à 1979, de 1983 à 1986, et ensuite, de 2004 à 2011, chaque année. La plupart des dirigeants politiques allemands, puis la chancelière Merkel, n’attachent pas une importance suffisante aux données de ce signal faible. Il est vrai que, après la fin du rideau de fer en 1989, l’Allemagne a accueilli des centaines de milliers de « rapatriés tardifs »[3] (Spätaussiedler) entrant dans sa population active. Puis, à partir de 2008, la crise qui frappe tout particulièrement l’Espagne et la Grèce voit arriver de ces pays de la population active, donc une immigration de remplacement qui vient amortir l’insuffisance des naissances allemandes survenues les décennies antérieures.
Pourtant, la durable faible natalité est un signal faible car elle annonce, ceteris paribus, pour enrayer la baisse de la population active et donc pour satisfaire l’économie allemande, de considérables besoins d’immigration ; certes, cette économie externalise certaines tâches, notamment dans les pays d’Europe centrale ou ailleurs, mais cela ne participe qu’à une partie de la solution.
En Allemagne, on semble méconnaître la pensée d’Alfred Sauvy selon lequel l’indifférence face aux questions démographiques est particulièrement navrante chez les hommes politiques compte tenu des responsabilités qu’ils assument ; la pensée d’Alfred Sauvy à ce sujet est ainsi résumée par sa fille :
« La démographie est une science fort simple qui consiste à prévoir que des enfants âgés de douze ans en auront vingt, huit ans plus tard. Mais l’évidence de ce calcul intéresse rarement les hommes politiques dont l’horizon est souvent limité à la prochaine échéance électorale plutôt qu’à l’avenir, et à la popularité des décisions prises plus qu’à leurs conséquences. [4] »
Un autre signal faible se déclenche en 2011 alors que Madame Merkel a déjà six ans d’expérience du pouvoir. Un conflit géopolitique armé commence en Syrie, à l’heure de ce qu’on a appelé le « printemps arabe ». Même s’il a aussi des causes internes, il est largement attisé par des puissances extérieures, ce que refusent de considérer les pays européens qui semblent ne voir dans la géopolitique de la Syrie que des paramètres semblables[5] à ceux qui ont engendré la chute de Ben Ali en Tunisie ou celle de Moubarak en Égypte. Le gouvernement allemand, comme celui d’autres pays européens, est convaincu que le régime de Bachar el-Assad va être rapidement renversé. Donc, pour aller dans ce qu’il croit être le sens de l’histoire, dès 2011, l’Union européenne émet de premières sanctions contre la Syrie, au nom de principes idéologiques[6] très éloignés des réalités du terrain et assez proches, sans se l’avouer, de l’école néo-conservatrice américaine à qui a été reprochée l’intervention en Irak en 2003. Madame Merkel n’est évidemment pas la seule responsable de l’attitude de l’Union européenne. Mais elle participe à cette insuffisante prise en considération de l’importance de la montée de l’état islamique, qui pourtant, n’a été ni rapide, ni imprévue[7], comme à l’incompréhension occidentale des caractéristiques géopolitiques de la Syrie.
En février 2012, alors que les États-Unis ont déjà fermé leur ambassade en Syrie, plusieurs pays européens, soit la Belgique, le Royaume-Uni, suivis de l’Espagne, de la France, de l’Italie et des Pays-Bas, rappellent leurs ambassadeurs à Damas pour « consultations » et préparent un nouveau train de sanctions européennes contre ce pays gouverné par le régime de Bachar el-Assad. Quant à l’Allemagne, elle annonce qu’elle n’a pas l’intention « pour le moment » de pourvoir son poste, alors vacant, d’ambassadeur en Syrie. Un « moment » qui dure puisque le site web de cette ambassade, plus de six ans plus tard, affiche encore « Temporairement fermé »[8]. Notons qu’aucune mesure semblable n’a été décidée dans les nombreux autres pays dont le régime politique est également autoritaire. En mars 2012, la France ferme son ambassade pensant pouvoir y revenir sous quinze jours puisqu’elle considère que le régime de Bachar el-Assad devrait être rapidement remplacé[9]. Et l’Allemagne semble rester inerte vis-à-vis de la Turquie qui, pourtant, concourt aux violences en Syrie en y facilitant grandement la venue de djihadistes recrutés en Europe et, plus généralement, les activités djihadistes au plan financier, des moyens militaires ou des soins médicaux aux combattants islamistes.
Or, ces différentes positions, loin de faciliter la paix, concourent à la déstabilisation des territoires syriens, ce qui ne pouvait qu’engendrer un risque de fort exode de populations. Ainsi, les deux signaux faibles non perçus sont la certitude que l’Allemagne allait connaître un déficit de population active et que participer, même indirectement, à attiser des violences au Moyen-Orient ne pouvait qu’engendrer un exode à partir des territoires concernés, donc une émigration contrainte, non une émigration librement choisie.
Acte deuxième : désespérance des Syriens et exploitation géopolitique par la Turquie
Effectivement, au long des années 2011-2016, des violences armées sont attisées en Syrie par de nombreux acteurs étrangers, dont l’Allemagne qui y contribue par ses propres décisions ou celles auxquelles elle participe au sein de l’Union européenne. En conséquence, la Syrie connaît une hémorragie migratoire qui touche, de 2011 à 2016, environ le tiers de sa population, non compris un second tiers de déplacés internes. Des civils syriens, pour assurer leur survie, fuient le pays sur les territoires les plus proches où leur sécurité est assurée : Jordanie, Liban et Turquie. La plupart demeure à proximité de la frontière syrienne car ils espèrent en une fin du conflit qui leur permettrait de retourner chez eux. D’autres ou les mêmes restent aussi dans cette proximité géographique afin de pouvoir se rendre périodiquement en Syrie pour voir leur famille ou leurs amis demeurés dans ce pays ou pour constater l’état de leurs biens immobiliers ou fonciers.
Mais, parmi ces exilés, nombre sont poussés à désespérer, à ne plus croire à une possibilité d’une vie pacifiée au Moyen-Orient dans un contexte où une multiplicité[10] d’acteurs militaires est active, acteurs qui ne semblent guère disposés à cesser les combats d’autant qu’ils bénéficient d’importants appuis, directs ou indirects, de puissances étrangères. À cela s’ajoute un acteur né en 2006 en Irak et qui s’est glissé en Syrie pour répandre sa violente idéologie islamiste, l’état islamique[11]. S’enchevêtrent donc des violences locales, des implications régionales et des acteurs d’au-delà du Moyen-Orient. Le conflit apparaît aussi mondial parce que l’état islamique recrute, au nom de son idéologie, dans le monde entier.
En 2015, la désespérance de Syriens se trouve amplifiée par l’affaire de Palmyre. Certes, le 20 août 2014, le Président des États-Unis, Barack Obama, avait prononcé un discours appelant à éradiquer l’état islamique, qu’il assimile à un « cancer », et avait organisé une coalition internationale arabo-occidentale. Pourtant, malgré son échec à Kobané reprise par YPG (Unités de protection du peuple composées essentiellement de Syriens kurdes) fin janvier 2015, l’état islamique continue de progresser en Syrie, parvenant à conquérir Palmyre. Certaines de ses troupes se trouvent même au sud de Damas. Ainsi, en mai 2015, les Syriens ne peuvent que constater qu’aucune puissance de la coalition n’a empêché l’état islamique de diriger ses troupes vers Palmyre alors qu’il aurait été facile de les bombarder durant les centaines de kilomètres de désert qu’elles ont traversées. Est-ce une négligence ou une faute intentionnelle ? Personne ne le sait. Mais, pour les Syriens, la conclusion de ce nouveau drame est désespérante : si la communauté internationale a laissé progresser l’état islamique jusqu’à Palmyre, le jour où d’autres villes syriennes, voire Damas, seront sous la pression militaire de l’état islamique qui, il faut le rappeler, recourt à des kamikazes pour ses avancées, personne ne viendra les secourir. La conquête de Palmyre a donc une portée fondamentale, même si les médias traitent surtout de la dimension patrimoniale de Palmyre. Car il y avait des civils à Palmyre. Certains ont été assassinés par l’état islamique, parfois dans des conditions abominables comme la décapitation, le 18 août 2015, de l’ancien directeur des Antiquités de Palmyre, Khaled al-Assad, expert de renommée mondiale du monde antique. Ainsi, dans la période 2014-2015, non seulement l’état islamique n’a pas été combattu de façon « implacable », mais il n’a même pas été véritablement contenu. Pour les Syriens qui se trouvent en Syrie (à leur domicile ou déplacés à l’intérieur du pays) ou déjà dans un pays de premier refuge, Jordanie, Liban ou Turquie, le message est clair : l’espoir de pouvoir à court terme retourner chez soi s’amincit.
Dans ce contexte, la Turquie, bien que percevant des subventions importantes de l’Union européenne en tant que pays ayant, depuis le 3 octobre 2005, le statut de candidat officiel à l’adhésion, souhaite que les pays de l’UE restent discrets sur son soutien, au moins indirect, à l’état islamique, aux islamistes en général ou sur le caractère liberticide croissant de son régime. Elle entrevoit alors le moyen de faire pression sur l’UE en y facilitant l’envoi de nombreux migrants, ce qui a été formulé à plusieurs reprises par le président de la république turque, dans le cadre des rapports de force entre le Turquie et l’Union européenne, une sorte de menace que l’on peut résumer ainsi : « Si l’Union européenne continue d’avoir un comportement de méfiance, voire d’hostilité envers la Turquie, cette dernière dispose d’une arme, le robinet migratoire »[12]. Dans ce dessein, le gouvernement turc laisse agir en plein jour des passeurs ayant pignon sur rue, par exemple à Izmir, passeurs dont le chiffre d’affaires représente des milliards de dollars. En utilisant, surtout en 2015, l’arme de la migration[13] comme moyen de pression sur l’Union européenne, la Turquie devient, selon la formulation ensuite utilisée par le directeur de Frontex, une « autoroute à migrants »[14].
Acte trois : générosité ou opportunité ?
Or, au fil des années, en Allemagne, les demandes de portes plus ouvertes à des immigrants pouvant travailler est constante dans les milieux patronaux. En 2015, la chancelière Merkel, toujours très populaire en Allemagne, l’est beaucoup moins en Europe. Elle voit alors dans l’accueil de migrants une double opportunité : satisfaire les besoins économiques de l’Allemagne et se donner une image de générosité à l’inverse de celle véhiculée avec la crise de l’euro.
À l’été 2015, la chancelière Angela Merkel, invoquant l’urgence humanitaire en Syrie, annonce qu’elle ne fermera pas les frontières aux Syriens, ce qui va entraîner une hausse considérable des immigrants et notamment des demandeurs d’asile. Précisément, le 29 août 2015, elle demande aux Allemands de lui faire confiance en déclarant : « Wir schaffen das ! » (nous y arriverons) [à accueillir des centaines de milliers d’immigrants]. Le 5 septembre 2015, une déclaration historique du gouvernement allemand annonce l’ouverture des frontières et l’accueil des demandeurs d’asile bloqués en Hongrie, ce qui équivaut à la suspension du règlement Dublin qui attribue la responsabilité du traitement des demandes d’asile au premier pays européen dans lequel le demandeur d’asile est entré.
Notamment compte tenu du caractère unilatéral de cette décision, pris donc sans aucune concertation ni même information de ses partenaires européens qui participent pourtant à deux organisations communes, l’UE et Schengen[15], aucun autre pays européen, pas même la France, ne suit. Comme les autres pays européens ne sont pas inscrits dans son sillage, l’appel d’air sur l’Allemagne, plus particulièrement sur les Länder les plus proches de l’Autriche et donc de la Hongrie, c’est-à-dire des pays où débouche la route des Balkans[16], s’en est trouvé considérablement accru. À la suite de la décision du 5 septembre, le nombre d’arrivées quotidiennes, déjà significatif, augmente jusqu’à plusieurs milliers par jour. Toutefois, la chancelière présente les événements comme un phénomène temporaire et exceptionnel.
Sous la générosité affichée et louée par les médias, les motifs sont donc plus prosaïques : trouver de la main-d’œuvre pour l’économie allemande par suite de générations moins nombreuses arrivant à l’âge d’activité en raison de sa fécondité affaiblie, résultant de « l’hiver démographique européen » ; prise en compte du fait qu’il devenait extrêmement difficile, sur le plan administratif, d’appliquer les accords de Dublin, c’est-à-dire de mettre en œuvre les procédures permettant de renvoyer les immigrants dans leur premier pays d’entrée, compte tenu de l’importance du nombre des migrants. Pourtant, en septembre 2015, les commentateurs et les hommes politiques présentent l’Allemagne comme la conscience morale de l’Europe. Mais où est la morale lorsqu’on a une part de responsabilités dans le fait que des individus vivent une situation de désespérance les contraignant à quitter leur pays et une autre part de responsabilité dans le fait que ces mêmes personnes sont exploitées par des passeurs[17]. Car il s’agit non d’une émigration librement choisie, mais d’une émigration essentiellement contrainte.
L’appel d’air[18] que Madame Merkel a stimulé est d’autant plus intense que, comme l’Allemagne n’a plus de relations diplomatiques avec la Syrie, il lui est impossible de disposer des informations qui lui permettraient de détecter aisément les nombreux faux passeports syriens qui se vendent et s’achètent. De septembre 2015 à mars 2016, le nombre de demandes d’asile en Allemagne atteint des niveaux inégalés. Il avait été particulièrement élevé (400 000) en 1992 sous l’effet des guerres de l’ex-Yougoslavie et encore à 150 000 en 1996 ; puis il avait atteint un niveau fort bas en 2008 avec 28 000 demandes. Les conflits du Moyen-Orient, mais aussi les difficultés dans les Balkans, voient remonter le nombre au-dessus de 120 000 en 2013. Eurostat ne livre pas de chiffres mensuels, mais les données annuelles sont éloquentes : 476 510 demandes d’asile en 2015 et 745 155 en 2016, contre 202 645 en 2014[19]. Sur les deux années 2015-2016, le nombre de primo-demandeurs d’asile dépasse donc largement le million, 1 221 665 exactement. En effet, les Syriens (ou ceux se présentant ainsi) forment les flux les plus importants de demandeurs d’asile en Allemagne[20], tant en 2015 (36 % selon les chiffres Eurostat[21]) qu’en 2016 (36 % selon Eurostat[22]) et à nouveau en 2017 (25 %[23]), soit respectivement 158 655 demandeurs syriens en 2015, 266 250 en 2016 et 48 970 en 2017.
Acte quatre : un reflux mais des impacts durables
Ensuite, l’arrivée massive d’immigrants en Allemagne semble devoir se tarir puisque le nombre de demandeurs d’asile diminue fortement en 2017 (222 560) et 2018. Sauf que seul l’un des facteurs de cette baisse est dû à Madame Merkel.
Cette baisse du nombre de demandeurs d’asile s’explique par trois ensembles d’évolutions géopolitiques qui se sont produites en 2016. Le premier réside dans la fermeture de la route des Balkans. Cette décision, prise le 24 février 2016 par des ministres de l’intérieur réunis par l’Autriche, est décidée en dehors des instances de l’UE, indépendamment de l’Allemagne, et contraire aux déclarations de la Commission européenne. Elle est appliquée dès mars 2016 par l’Autriche, en concertation avec les autres pays réunis, soit la Slovénie, la Serbie, la Macédoine, l’Albanie, la Bosnie, la Bulgarie, la Croatie, le Monténégro et le Kosovo. Cette fermeture limite l’entrée de migrants dans l’Union européenne et fait comprendre à d’éventuels futurs migrants qu’ils ne pouvaient plus faire confiance aux passeurs qui leur « vendaient » cette route des Balkans. De son côté, la Hongrie s’était décidée à appliquer les règles de Schengen qui veulent que toute personne entrant sur le territoire de l’Union européenne doive être munie de documents d’identité lui permettant d’entrer[24]. En outre, l’Autriche décide de restreindre l’entrée des migrants sur son territoire à 80 demandeurs d’asile par jour, et à 3 200 personnes en déplacement. La Slovénie et la Croatie, membres de l’UE, ainsi que la Serbie et la Macédoine annoncent également des limites quantitatives.
La deuxième raison de la baisse du nombre de demandeurs d’asile est constituée par l’accord négocié par Angela Merkel avec la Turquie et signé par l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016. Cet accord consiste à payer le gouvernement turc afin que celui-ci abandonne son instrumentalisation géopolitique des migrants, à laquelle il s’était livré jusqu’alors afin d’obtenir des avantages de la part de l’Union européenne. Dans ce rapport de force, l’Union européenne a accepté de verser 6 milliards d’euros à la Turquie, accordant la réouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union (ce qui signifie surtout le maintien des financements de pré-adhésion qui représentent environ 1 milliard d’euros par an), promettant de supprimer les visas pour les ressortissants turcs souhaitant se rendre en Europe, et limitant la question des renvois éventuels de la Grèce vers la Turquie à un accord dit « un pour un » limité à 72 000 personnes. Ceci signifie que, pour chaque syrien renvoyé vers la Turquie au départ des îles grecques, un autre syrien serait réinstallé de la Turquie vers l’Union européenne, dans la limite de 72 000 personnes maximum[25].
À partir de ce moment-là, le gouvernement turc change sa politique qui consistait à faire de son pays une « autoroute à migrants » ; il décide de contrecarrer l’action des passeurs qui organisaient systématiquement l’envoi de migrants en Europe. Le succès très rapide de cette opération confirme combien ce gouvernement, auparavant, était favorable aux actions des passeurs.
Le troisième événement géopolitique majeur expliquant cette baisse du nombre de demandeurs d’asile, dans des pays comme l’Allemagne ou la Suède, est l’évolution géopolitique opérée au sein même du conflit syrien. Les changements dans la situation de guerre civile en Syrie modifient les flux syriens. En raison de la reprise du contrôle de différentes villes par le gouvernement de Bachar el-Assad, les périmètres géographiques de la guerre civile syrienne se réduisent entre fin 2015 et l’année 2016, du fait de l’intervention militaire russe[26], décidée officiellement à la demande du gouvernement syrien, à partir de septembre 2015 et de l’accélération des combats menés de concert par l’armée syrienne, le Hezbollah libanais, et les concours iraniens. À la lumière d’une bonne analyse géopolitique, tous ces appuis qui ont grandement facilité la tâche de reconquête territoriale de l’armée de Bachar el-Assad contre différents groupes militarisés soutenus par d’autres pays n’avaient rien d’imprévisibles. En 2016, les territoires syriens qui connaissent un calme relatif ou un début de calme relatif ou même l’espoir d’un calme à venir sont plus étendus qu’en 2015. Des populations syriennes qui voient alors qu’il est possible de rester chez elles, avec le recul de la violence militaire et la temporisation de la guerre civile là où elles habitent, préfèrent rester en Syrie plutôt que de fuir. Les incitations à partir diminuent donc entre 2015 et 2016, et plus encore en 2017 et 2018 ; certaines populations syriennes réfugiées au Liban ou en Jordanie envisagent même un retour dans leur pays. Le cas d’Alep est à cet égard révélateur de cette situation : l’espoir de l’arrêt de tirs de rebelles sur Alep-ouest et de la reconquête d’Alep-est, puis la concrétisation de cet espoir, avec la fin de la bataille d’Alep le 22 décembre 2016 signifiant la fin d’affrontements au sein de la ville, encouragent les populations d’abord à moins partir, puis d’autres à revenir, en dépit de la difficulté des conditions de vie.
Toutefois, en Allemagne, l’impact provoqué par l’arrivée, surtout de septembre 2015 à mars 2016, d’un si grand nombre de migrants en si peu de temps est considérable. Les problèmes que rencontre l’Allemagne correspondent à l’une des dix lois de géopolitique des populations que j’ai désigné « loi du nombre »[27] : lorsque le nombre de demandeurs d’asile n’était pas fort différent des années précédentes, les procédures prévues se mettaient en œuvre sans difficulté majeure. Lorsque la pression du nombre devient considérable, le phénomène change de nature et la situation devient difficilement gérable, même pour un pays comme l’Allemagne qui a accepté de recevoir de nombreuses personnes se présentant comme demandeurs d’asile et d’en financer les conséquences.
Face au nombre très élevé d’arrivées d’immigrants, des régions et des municipalités éprouvent des difficultés à organiser l’accueil des primo-arrivants. Il faut constater de longues files d’attente devant les centres de premier accueil (Erstaufnahmezentren), des campements provisoires et la carence des services administratifs dans plusieurs localités allemandes. Certes, des Allemands s’organisent en comités d’accueil, distribuent nourriture et vêtements et orientent les demandeurs d’asile vers les administrations compétentes et les cours de langue. Mais, apparemment débordés, les autorités allemandes parviennent difficilement à enregistrer toutes les demandes d’asile. Et ensuite, les procédures engendrent un engorgement de la justice. Autres constats, les difficultés des administrations à simplement faire l’inventaire et le suivi des immigrés, les violences dues à des immigrés à Cologne la nuit du 31 décembre 2015, les attentats[28] à Berlin ou ailleurs, sans oublier les problèmes liés à l’intégration[29].
Fin 2015, l’ancien président allemand Gauck résume ainsi la situation :
« Plusieurs personnes s’inquiètent et se demandent comment l’Allemagne pourra rester ouverte aux réfugiés dans le futur, si des milliers de personnes supplémentaires arrivent en se rajoutant à celles déjà présentes. Serons-nous submergés un jour ? […] Notre prospère et stable pays sera-t-il poussé vers un point de rupture ? […] Permettez-moi de citer (un représentant d’une municipalité) : » les professionnels et les bénévoles sont arrivés au bout. Nous sommes dos au mur ». […] Et souvenez-vous que ceci est une déclaration de quelqu’un qui aide, qui joue un rôle actif, et non pas de quelqu’un qui regarde passivement et se plaint. Nous voulons aider. Nous avons un grand cœur. Mais nos moyens sont limités. »
L’Allemagne est une société adepte du droit et est attachée à l’ordre juridique. Certains Allemands ont du mal à accepter qu’une partie importante des 620 000 demandeurs d’asile déboutés de leur demande pendant la période 2015-2017 ne soient pas tous partis, et se trouvent donc en situation irrégulière, donc sortis des radars de l’administration. Le départ d’une partie d’entre eux, notamment d’Afghans, vers la France, pays qui accorde plus généreusement l’asile[30] à cette nationalité, ne supprime pas, tant s’en faut, toutes les situations d’illégalité.
En conséquence, la baisse des demandes d’asile et des flux d’immigration en Allemagne en 2017 et 2018 par rapport à 2015 et 2016 ne signifie ni la fin des interrogations en Allemagne sur la façon dans les flux migratoires ont été gérés, ni la fin des conséquences de ces flux.
Acte cinq : le dénouement : une aura en berne
Le dénouement se dessine tout particulièrement lorsque les élections législatives allemandes de septembre 2017 se préparent. Selon un sondage publié dans le quotidien Bild, 81 % des Allemands considèrent que Berlin, sous la direction de la chancelière Merkel, s’est montré trop complaisant avec la Turquie. Il est vrai que, outre l’accord asymétrique de mars 2016 rappelé ci-dessus, l’Allemagne a accepté silencieusement des propos fort violents d’Erdogan ou de ses ministres. L’Allemagne est resté sans réagir face à des meetings organisés en Allemagne en faveur de l’AKP où étaient déversés par des responsables turcs des discours très hostiles aux valeurs de l’Allemagne et fort belliqueux à l’encontre du Parti démocratique des peuples (Halkların Demokratik Partisi – HDP).
Résultat, les élections fédérales de septembre 2017 sont marquées par une forte baisse du Parti chrétien-démocrate et par la percée historique du parti AfD (Alternative für Deutschland), opposé à l’immigration avec, selon les résultats des sièges répartis de façon proportionnelle au Bundestag, 12,64 % des voix. Comme l’écrit ensuite Heinrich August Winkler, « l’entrée de l’AfD au Bundestag est un tournant dans l’histoire »[31]. 32,93 % des voix vont à la CDU/CSU contre 41,54 % en 2013. Le SPD, de centre-gauche, réalise son pire score depuis la Seconde Guerre mondiale, à 20,51 % contre 25,73 % en 2013. Les libéraux du FDP reviennent au Bundestag et dépassent la barre des 10,75 % contre 4,76 % en 2013. Les Verts augmentent légèrement leurs suffrages, avec 8,94 % contre 8,45 % en 2013. Enfin, la gauche radicale, Die Linke, est créditée de 9,24 % contre 8,59 %. Pour rester chancelière, Angela Merkel n’obtient la majorité à la Chambre des députés que grâce à la formation, fort difficile à mettre en place, d’une coalition avec le SPD.
Dans les mois suivants, la question de l’immigration reste dans l’actualité. Le 16 avril 2018, une attaque antisémite présumée se produit à Berlin. Celle-ci a été filmée par un jeune arabe israélien non-juif qui portait une kippa pour jauger l’antisémitisme dans la ville. On y voit sur des images tournées en vue subjective des individus attaquer le jeune homme à coups de ceinture en criant « juif ! » en arabe et en l’insultant. L’agresseur présumé principal, qui s’est livré à la police, est un jeune réfugié syrien ayant vécu dans un centre pour migrants près de Berlin. Angela Merkel, interrogée le 22 avril 2018 par la chaîne de télévision israélienne privée « Channel 10 », se voit obligé de considérer la montée d’un antisémitisme en Allemagne et ses causes: « Nous avons un nouveau phénomène, dans la mesure où nous avons de nombreux réfugiés parmi lesquels il y a, par exemple, des gens d’origine arabe qui amènent une autre forme d’antisémitisme dans le pays », a-t-elle expliqué. « Le fait qu’aucune crèche, aucune école, aucune synagogue ne peut être laissée sans protection policière nous consterne », ajoute la chancelière allemande.
En mai 2018, un scandale éclate à l’Office fédéral de migration et des réfugiés (Bundesamt für migration und Flüchtlinge – BAMF, équivalent allemand de l’« Ofpra français »), dont l’antenne de Brême est soupçonnée d’avoir accordé de façon abusive, donc sans procéder aux vérifications nécessaires, l’asile à quelque 1 200 étrangers entre 2013 et 2016. La directrice de l’antenne ainsi que d’autres personnes sont suspendues et mises en examen, mais l’Allemagne s’interroge sur la chaîne de responsabilités pouvant aller jusqu’à la chancelière. Le 26 août 2018 à Chemnitz (Saxe), un Allemand d’origine afghane de 35 ans est mortellement frappé de cinq coups de couteau, vraisemblablement par deux jeunes étrangers, un Syrien et un Irakien. Le lendemain, des milliers de manifestants défilent sous le mot d’ordre suivant : que le gouvernement garantisse « la sécurité de ses citoyens ». En septembre, d’autres manifestations se déroulent à nouveau à Chemnitz et à Köthen (Anhalt). Certains manifestants, arborant des drapeaux allemands, du parti AfD et des pancartes telles que : « Arrêter le flot de demandeurs d’asile » ou « Défendre l’Europe ! »[32], scandent « Merkel doit partir ». Un mois plus tard, le 25 septembre 2018, c’est la défaite d’un très proche de la chancelière, Volker Kauder, qui briguait un nouveau mandat à la tête du groupe CDU-CSU au Bundestag et qui occupait ce poste depuis treize ans, donc depuis les débuts de Merkel à la chancellerie. Ce camouflet infligé à Angela Merkel par ses parlementaires est un signe de sa perte d’autorité au sein de son propre camp. Le 29 septembre 2018, c’est l’inauguration de la grande mosquée de Cologne en centre-ville, construite par la branche du ministère des affaires religieuses d’Ankara Ditib (Diyanet İşleri Türk-İslam Birliği) ou Union islamo-turque des affaires religieuses. Des milliers de partisans d’Erdogan agitant le drapeau turc convergent vers la nouvelle mosquée, aux cris de « Qui est la plus grande ? La Turquie ! ». Des Allemands – y compris une partie de la diaspora turque – se demandent quelle est la loyauté de tels partisans vis-à-vis de l’Allemagne puisque nombre d’entre eux semblent privilégier un pays étranger[33] ?
Puis le « discrédit »[34] de Madame Merkel auprès des électeurs se trouve confirmé. Le 14 octobre 2018, aux élections en Bavière, la CSU perd 10,5 points et s’abaisse à 37,5 %, tandis que l’autre grand parti traditionnel, le SPD, passe sous la barre des 10 % (9,7 %), et que l’AfD entre au parlement régional de Bavière avec 10 % des suffrages. Dans ce contexte, les résultats électoraux politiques de Madame Merkel font craindre aux entreprises allemandes une sorte d’effet boomerang, c’est-à-dire que la sur-attraction migratoire de l’Allemagne des années 2014-2016 n’engendre une moindre attraction. Ainsi, des entreprises « redoutent que les querelles sur l’immigration à l’intérieur n’affectent l’image de l’Allemagne et découragent les travailleurs qualifiés de venir y travailler »[35].
Le 28 octobre 2018, les élections régionales dans le Land du Hesse donnent des résultats semblables à ceux de la Bavière avec une dizaine de points en moins pour la CDU. Après cette élection, le parti AfD se retrouve désormais représenté dans les assemblées de tous les Länder. Il ne peut plus être considéré uniquement comme un parti de l’est de l’Allemagne. Dès le lendemain de ce nouveau mauvais résultat électoral de la CDU, la chancelière Merkel annonce qu’elle ne se représentera pas en décembre 2018 à la présidence de son parti et qu’elle ne demandera pas le renouvellement de son mandat de chancelière aux législatives de 2021.
Un tel dénouement est initialement fondé sur un refus de voir les signaux faibles, donc dans une démarche politique s’ancrant essentiellement dans le court terme. Comme le formule un analyste : « La chancelière a renoncé à chaque tentative d’inscrire sa politique dans une perspective de long terme »[36]. L’habileté politique dont a fait preuve Madame Merkel pour prendre le pouvoir et s’y maintenir, pour gérer certains dossiers, ne peut masquer son insuffisante prise en compte de réalités fondamentales de son pays, des rapports de force géopolitiques et des logiques migratoires. En particulier, penser la liberté des déplacements, c’est penser le fait que l’émigration doit être libre. Cela signifie d’une part ne pas commettre des actes susceptibles de contribuer à contraindre à émigrer et, d’autre part, de combattre les passeurs abusant de la pauvreté des populations.
La tragédie de Merkel, c’est le refus d’agir sur les problèmes structurels les plus problématiques de l’Allemagne, la difficulté de penser les risques du futur, de penser la liberté des peuples à être eux-mêmes et de penser les paramètres géopolitiques de l’immigration. La tragédie de Merkel pose une autre question car il faut « s’interroger sur la part de la responsabilité allemande dans l’état très inquiétant de l’Europe d’aujourd’hui »[37] et par exemple sur les restrictions apportées à la libre circulation des Européens en raison de « la lente agonie de l’espace Schengen »[38]. La tragédie de Merkel n’est-elle donc pas aussi celle d’une UE qui a mal mis en œuvre les libertés dont elle se réclame ?
[1] Sur les facteurs et les concepts des migrations internationales, cf. Dumont, Gérard-François, Géographie des populations. Concepts, dynamiques, prospectives, Paris, Armand Colin, 2018.
[2] Fécondité nécessaire pour que les femmes d’une génération soient remplacées nombre pour nombre à la génération suivante, donc une trentaine d’années plus tard ; en conséquence, un effectif de cent femmes est remplacé par un effectif semblable de cent femmes. Ce seuil est de 2,1 enfants par femme dans les pays à haut niveau sanitaire et hygiénique.
[3] C’est-à-dire de personnes considérées de souche allemande au titre de la Loi fondamentale de 1949, mais vivant auparavant en URSS.
[4] Sauvy-Wilkinson, Anne, « Alfred Sauvy aurait cent ans », Population & Avenir, n° 642, mars-avril 1999, p. 2.
[5] Ce qui n’est nullement le cas ; cf. Dumont, Gérard-François, « Syrie : de la géopolitique des populations à des scénarios prospectifs », Géostratégiques, n° 37, 3e trimestre 2012.
[6] Ces mêmes principes expliquent également l’intervention militaire en Libye de mars à octobre 2011.
[7] cf. Dumont, Gérard-François, « L’État islamique, un « nouveau califat » pérenne ? », dans : Pautet, Arnaud (coordination), Moyen-Orient, Chaos et recompositions, Paris, Ellipses, 2015.
[8] Précisément Temporarily closed,
- https://www.embassypages.com/ambassade1156/, site web consulté le 8 novembre 2018. En revanche, la République tchèque et la Roumanie ont maintenu ouverte leur ambassade à Damas.
[9] cf. Dumont, Gérard-François, « Les migrants », Audition par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, 11 mai 2016, dans : Legendre, Jacques, et Gorce, Gaëtan, Rapport d’information sur les migrants, Sénat, Paris, n° 795, 13 juillet 2016, p. 117-120.
[10] Dumont, Gérard-François, « Syrie et Irak : une migration sans précédent historique ? », Diploweb.com, La revue géopolitique, 12 décembre 2015.
[11]Dumont, Gérard-François, « L’État islamique, un « nouveau califat » pérenne ? », dans : Pautet, Arnaud (coordination), Moyen-Orient, Chaos et recompositions, Paris, Ellipses, 2015.
[12] Pérouse, Jean-François, « La Turquie et le « crise migratoire » de 2015 », Anatoli, n° 9, automne 2018.
[13] Dumont, Gérard-François, « Syrie et Irak : une migration sans précédent historique ? », Diploweb.com, La revue géopolitique, 12 décembre 2015.
[14] Le Monde, 11 mars 2016.
[15] Dumont, Gérard-François et Pierre Verluise, Géopolitique de l’Europe : de l’Atlantique à l’Oural, Paris, PUF, 2016.
[16] La route des Balkans recouvre en réalité plusieurs routes, par exemple d’Istanbul à Sofia en Bulgarie, ou de Turquie en Grèce pour rejoindre, via les Balkans, Belgrade, puis Budapest ou Ljubljana et les autres pays de l’Union européenne.
[17] En effet, d’autres solutions auraient pu être mises en œuvre sous forme de visas humanitaires et/ou de protection temporaire. Selon la formule de la directive du Conseil européen du 20 juillet 2001 : la protection temporaire est « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ».
[18] Certes, l’ouverture des frontières de l’Allemagne est suivie d’une série de restrictions : le 13 septembre 2015, suspension des accords de Schengen et réintroduction des contrôles à la frontière avec l’Autriche ; Kosovo, Albanie et Monténégro sont ajoutés à la liste des « pays d’origine sûrs » ; regroupement familial suspendu pendant deux ans pour les titulaires de la protection subsidiaire… Mais ceci n’annule pas les effets enclenchés.
[19] Chiffres du site Eurostat, consulté le 12 novembre 2018.
[20] Rapporté à la population des pays, la Hongrie et la Suède ont un pourcentage plus élevé.
[21] Eurostat 44/2016 – 4 mars 2016.
[22] Eurostat 46/2017 – 16 mars 2017.
[23] Eurostat 47/2017 – 20 mars 2018.
[24] Dumont, Gérard-François, « L’Union européenne entre « hiver démographique » et crise des migrants », Diplomatie, Les grands dossiers, n° 36, décembre 2016 – janvier 2017.
[25] Dans les faits, cette partie de l’accord n’a donné lieu qu’à une très faible application.
[26] Sans omettre l’action de la diplomatie russe pour limiter, voire arrêter l’envoi d’armes et de munitions à certains groupes rebelles par la Turquie ou le Qatar.
[27] Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
[28] Selon une note du renseignement hongrois, « il a été établi que plus de dix membres de la cellule terroriste responsable des attaques commises à Paris le 13 novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016 ont séjourné ou transité en Hongrie entre juillet et novembre 2015, en profitant du flux de migrants » ; cf. « Comment les terroristes se sont infiltrés en Europe », Le Monde, 13 & 14 novembre 2016.
[29] Qui peuvent être objectivement mesurés par le fait que les turcs vivant en Allemagne (et en Europe) – comprenant un nombre croissant de bi-nationaux – donnent un pourcentage de suffrages au parti islamique de l’AKP d’Erdogan nettement plus élevé que les Turcs de Turquie.
[30] Leschi, Didier, « Migrations : la France singulière », Fondapol, octobre 2018.
[31] Winkler, Heinrich August, Le Monde, 7-8- octobre 2018.
[32] Le Monde, 27 août 2018.
[33] Un tel questionnement peut concerner d’autres diasporas, dans divers pays ; cf. Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
[34] Uterwedde, Henrik, « Fin de partie pour Angela Merkel ? », Telos, 9 octobre 2018.
[35] Boutelet, Cécile, « En Allemagne, un modèle grippé », Le Monde, 16 octobre 2018.
[36] Winkler, Heinrich August, op. cit.
[37] Heinrich August Winkler, Le Monde, 7-8- octobre 2018.
[38] Su, Romain, Telos, 6 novembre 2018 ; cf. Dumont, Gérard-François, « Schengen est mort de ne pas avoir été appliqué », Liberté politique, 6 novembre 2015 ; « Sur le volet sécuritaire, Schengen est déjà mort », La Tribune de Genève, 28 janvier 2016.