Presque vingt après les 39 leçons d’économie contemporaine, Philippe Simonnot nous offre une version revue, corrigée, actualisée et augmentée de dix leçons placées à la fin de l’ouvrage. Ces dix nouvelles leçons ont pour sujet le bitcoin accompagné de deux leçons sur l’étalon or et la création monétaire des banques, l’analyse économique de la religion, le pétrole, la crise de 2008, l’incapacité des économistes à faire des prévisions chiffrées et enfin l’immigration.

Ces nouveaux sujets recoupent à la fois l’évolution de l’actualité et les sujets que Philippe Simonnot a étudiés par ailleurs durant ces vingt dernières années (la religion par exemple).

Antoine Gentier est professeur d’économie à Aix-Marseille Université et co-directeur du Master Economie du Droit. Il est également éditeur associé du Journal des économistes et des études humaines (de Gruyter). Il co-dirige avec Ahmed Silem la 15ème édition du Lexique d’économie chez Dalloz (2018).

Je ne suis pas un lecteur objectif mais résolument partisan de ce livre. J’ai systématiquement prescrit la première édition du livre à mes étudiants et je suis très heureux d’avoir cette possibilité renouvelée. Il y a peu d’ouvrages qui permettent à un lecteur d’avoir accès aux principes du raisonnement économique sans investir dans un langage souvent mathématisé. C’est donc un livre vraiment utile (au sens moral comme au sens économique) qui permet au lecteur de découvrir le raisonnement économique. Il peut servir d’introduction à des publics non spécialistes mais aussi de complément pour des étudiants de sciences économiques afin de leur faire découvrir tout l’intérêt d’une discipline.

La seule difficulté du livre réside dans l’érudition de l’auteur. Il faut cependant lui rendre justice sur ce point, le renvoi des notes de bas de pages en fin de l’ouvrage, permet d’alléger le texte et de ne pas rebuter un lecteur qui n’aurait pas les mêmes références culturelles. Cette érudition prend toute sa dimension dans les notes de fin et dans une bibliographie très élégamment organisée. Elle permet au livre de se transformer non plus comme un ouvrage d’introduction, mais comme un guide de lecture en sciences économiques.

C’est sans doute la plus grande qualité du livre : réussir le grand écart entre la vulgarisation et l’érudition sans sacrifier l’un à l’autre. Examinons les autres qualités de ce livre.

D’abord, il a une forme originale qui est très peu utilisée par les économistes. Les leçons se présentent sous la forme de dialogues ou d’échanges épistolaires entre Archibald le professeur et Candide son élève. Cette forme fait écho aux Soirées de la rue Saint Lazare de Gustave de Molinari, mais pour ainsi dire aucun livre d’économie n’a recours à ce procédé qui rend vivant l’exposition des concepts les plus difficiles. En plus, cela valorise le lecteur, car celui qui pose les questions et qui révèle une faible compréhension (Candide) le fait à la place du lecteur. Le Candide de Simonnot n’est pas aussi naïf que celui de Voltaire, mais il est lourdement intoxiqué par les idées fausses. Malgré les vingt ans de mûrissement, Candide persiste résolument dans l’erreur, à la limite de la mauvaise foi.

Cette forme originale permet plusieurs lectures. Le livre peut se lire de façon chronologique, il est d’ailleurs conçu avec une gradation des concepts, mais il est aussi possible de le lire en choisissant un groupe de leçons sur un thème commun. Comme chaque leçon est conçue pour être lue de manière autonome (au besoin il y a un renvoi vers une autre leçon), le lecteur est libre de composer son parcours. Enfin l’ouvrage a un index des noms d’auteurs et des notions clés ce qui permet de faire une lecture analytique.

Pour terminer, cet ouvrage de plus de 700 pages en format poche, a le mérite d’offrir un prix contenu de 11,20 euros en format papier et un prix délirant de 10.99 euros en format numérique (prix Amazon). A ce niveau, il y aurait eu la place pour quelques leçons supplémentaires sur l’économie numérique. Archibald pourrait ainsi expliquer l’aveuglement des éditeurs français sur leur politique tarifaire. Le coût de production d’un livre papier est supérieur à celui d’un livre numérique, mais ils choisissent de les vendre à un prix identique. La conséquence c’est qu’ils ne vendent aucun livre numérique alors que s’ils pratiquaient une intelligente discrimination tarifaire ils pourraient gagner un maximum sur les deux marchés. La numérisation des biens culturels (livres, musique, films, logiciels, photos…) permet une reproduction du bien à un coût presque nul, enfin bien plus faible qu’à l’époque de la tablette d’argile, du papyrus ou du moine copiste. Il serait normal que les gains de productivité puissent bénéficier aux consommateurs. Le marché de l’édition ne s’en porterait que mieux car cela offrirait de nouveaux clients pour une lecture numérique en plus de la lecture papier. Les Candides de l’édition sont tétanisés par la peur que les ventes numériques pourraient se faire au détriment des ventes papiers, ce qui reste à démontrer car les usages et les marchés sont différents. Même, si le livre numérique remplaçait le papier, il vaut mieux vendre plus de livres numériques à 5 euros avec une marge de 4,99 euros que moins de livres papier à 11 euros avec une marge de 2 euros.

Mon seul souhait est qu’Archibald revienne dans un nouvel opus, et qu’il n’attende pas vingt longues années pour éclairer Candide entre autres sur ces sujets.

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Journal des Libertés

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