1. Introduction

Tout au long de l’histoire, plusieurs institutions clés ont contribué à une amélioration significative des niveaux de vie. L’augmentation des niveaux de revenu et de vie peut être attribuée à des événements historiques cruciaux, en particulier « le Grand Enrichissement », un terme popularisé par l’économiste Deirdre McCloskey (2016). Cette période, qui a débuté au XVIIIe siècle, a marqué une augmentation spectaculaire de la richesse et de la productivité, portée par l’adoption de politiques économiques libérales mettant l’accent sur le libre marché, l’entrepreneuriat et l’innovation. McCloskey soutient qu’un changement culturel vers les vertus bourgeoises – telles que le travail consciencieux, l’honnêteté et l’innovation – a été crucial pour libérer la créativité humaine et la croissance économique. L’adoption généralisée du capitalisme, couplée aux progrès technologiques et éducatifs, a conduit ainsi à une réduction significative de la pauvreté à l’échelle mondiale. Ces évolutions soulignent l’importance des libertés économiques et politiques pour favoriser la prospérité (Skarbek, 2010 ; Hansen et Lønstrup, 2015 ; Springer, 2017).

La quête de liberté est de fait au cœur de la théorie politique et économique, en particulier dans la tradition libérale qui défend les droits individuels, un gouvernement limité et le libre marché. Le libéralisme classique postule que la liberté n’est pas seulement un impératif moral, mais aussi un moteur fondamental de la prospérité.

Cet article dresse un état des lieux sur les liens – au sens de corrélation – que l’on trouve entre les degrés de libertés, tant politiques qu’économiques, d’un régime institutionnel et la « qualité » de la société qui adopte ce régime. Dans une optique plus analytique il s’interroge si les sociétés qui jouissent de niveaux de prospérité plus élevés ont simplement été chanceuses ou si ces libertés ont été cruciales pour amener cette prospérité. En d’autres termes, dans quelle mesure la liberté est cause de notre prospérité.

Précisions méthodologiques

Pour évaluer l’impact des libertés sur les résultats sociétaux, il est essentiel d’établir un cadre conceptuel clair. La liberté économique, telle que définie dans cette étude, fait référence à la mesure dans laquelle les individus peuvent s’engager dans des échanges volontaires, prendre des décisions économiques personnelles et garder le contrôle de leur propriété dans un cadre juridique qui minimise l’ingérence de l’État (Gwartney, Lawson et Hall, 2020). Ce concept est au cœur de la pensée libérale classique, qui considère la liberté économique comme essentielle à l’autonomie individuelle et à l’efficacité du marché.

La liberté politique, en revanche, se caractérise par la protection des droits individuels et la capacité des citoyens à participer librement au processus politique sans crainte de répression (Friedman, 1962). La liberté politique garantit aux individus le droit d’exprimer leurs opinions, de s’associer avec d’autres et d’influencer les décisions qui affectent leur vie.

Ces libertés, à la fois économiques et politiques, sont considérées comme se renforçant mutuellement dans la tradition libérale, créant un environnement propice à l’épanouissement humain (Hayek, 1944).

Les questions de recherche centrales qui guident cette étude sont donc les suivantes :

  • Comment les différents niveaux de liberté économique et politique sont-ils corrélés aux indicateurs de bien-être social, économique et politique ?
  • Quels régimes politiques et économiques produisent les résultats sociétaux les plus favorables (recherche de causalité) ?

Ces questions sont liées à des objectifs universels auxquels la majorité des êtres humains aspirent, quelles que soient leurs convictions politiques ou leurs origines sociales : des gouvernements efficaces, une protection solide des droits des minorités, un environnement durable, une forte croissance économique, des niveaux de revenus plus élevés, une réduction des inégalités et une meilleure santé. Ces questions sont également essentielles pour guider l’élaboration de politiques et de systèmes qui améliorent véritablement le bien-être de tous.

Dans cette étude, ces questions sont abordées au moyen d’une analyse empirique qui compare les pays en fonction de leurs niveaux de liberté économique et politique, en utilisant des indices conçus pour mesurer ces variables.

Les indices de liberté

Cette étude utilise une méthodologie empirique fondée sur l’analyse de données provenant de sources multiples. Plus précisément, la recherche utilise l’indice de liberté économique mondiale (EFW), développé par le Fraser Institute, et l’indice de démocratie libérale du projet Varieties of Democracy (V-Dem), comme indicateurs pour mesurer respectivement la liberté économique et la liberté politique. Ces indices offrent une évaluation complète du degré de liberté dans différents pays, facilitant une analyse comparative dans divers contextes politiques et économiques. Les pays sont classés en quartiles en fonction de leur niveau de liberté, et leurs résultats sur divers indicateurs, notamment le PIB par habitant, l’inégalité des revenus, les résultats en matière de santé et la stabilité politique, sont comparés. La méthode des quartiles permet une analyse nuancée de la corrélation entre différents niveaux de liberté et divers résultats sociétaux. Cette approche vise à montrer les tendances et les directions de ces relations, tout en reconnaissant que les résultats ne sont pas que des coïncidences mais reflètent une véritable relation entre la liberté et le bien-être sociétal. C’est pourquoi nous accompagnons ensuite nos résultats d’études complémentaires qui montrent la robustesse des relations que nous identifions tout en reconnaissant la possible influence d’autres facteurs. L’objectif de cet exposé est de révéler que les résultats empiriques confirment que certains régimes institutionnels sont liés à de meilleurs résultats pour nos sociétés.

  • Quelles institutions socio-économiques fonctionnent mieux ?

Cette section de l’étude explore l’efficacité des institutions socio-économiques dans la promotion de résultats positifs. Elle exploite les données sur les degrés de libertés économiques (EFW) calculées par le Fraser Institute. Les résultats indiquent que les pays ayant des niveaux plus élevés de liberté économique obtiennent systématiquement de meilleurs résultats sur une série d’indicateurs : PIB par habitant (Figure 1), inégalités et pauvreté (Figures 2), santé (Figures 3), bonheur (Figure 4).

Figure 1 : Liberté économique et PIB par habitant

Sources : Economic Freedom of the World : Rapport annuel 2023 ; Banque mondiale, 2023, Indicateurs du développement dans le monde PIB (USD contants, Parité du pouvoir d’achat de 2017).

La figure 1 montre la corrélation entre la liberté économique (axe horizontal) et le PIB par habitant (axe vertical). Pour ce qui est du niveau de liberté économique, les pays sont répartis en quartiles : le quartile des pays les plus libres (les 25% en haut du classement basé sur la liberté économique), suivi du deuxième quartile (les pays modérément libres), puis du troisième composé de pays moins libres que la moyenne mais néanmoins au-dessus des 25% les moins libres, et enfin les pays où les libertés économiques sont quasiment inexistantes. Si l’on calcule la moyenne des PIB par habitant des pays d’un même quartile on observe que les pays « les plus libres » affichent le PIB par habitant le plus élevé, soit 48 569 dollars, tandis que les pays « les moins libres » affichent un PIB par habitant nettement inférieur, soit 6 324 $. Les quartiles intermédiaires, « Deuxième » et « Troisième », affichent des valeurs moyennes de PIB par habitant de 25 901 $ et 12 080 $, respectivement. Le graphique suggère donc que des niveaux plus élevés de liberté économique sont fortement associés à une plus grande prospérité économique, telle que mesurée par le PIB par habitant.

Figure 2 : Liberté économique et inégalités/pauvreté

2.a : Liberté économique (axe horizontal) et revenu annuel moyen pour les 10 % les plus pauvres (axe vertical)

Sources : ibidem

La figure 2a montre la relation entre la liberté économique et le revenu annuel moyen pour un habitant faisant parti des 10 % les plus pauvres de son pays (mesuré en parité de pouvoir d’achat constant de 2017). Les données pays sont divisées comme précédemment en quartiles de liberté économique, les pays « les plus libres » affichent un revenu annuel nettement plus élevé chez les 10 % les plus pauvres, soit 14 204 $. En revanche, les pays les moins libres affichent un revenu annuel bien plus faible, de seulement 1 736 $ pour la même tranche démographique. Ce graphique suggère que des niveaux plus élevés de liberté économique sont associés à des revenus plus élevés pour les segments les plus pauvres de la société, soulignant le potentiel de la liberté économique pour améliorer le niveau de vie des plus défavorisés.

2.b : Liberté économique et taux de pauvreté

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Sources : ibidem

La figure 2b représente les taux de pauvreté dans différents quartiles de liberté économique. Pour chaque quartile, plusieurs seuils de pauvreté sont considérés : revenu inférieur à 2,15 $, à 3,65 $ et à 6,85 $ par jour en dollars constants ajustés à la PPA de 2017. Les données révèlent que les pays du quartile « les plus libres » ont des taux de pauvreté nettement inférieurs à tous les niveaux de revenu, le taux de pauvreté à 6,85 $ par jour n’étant que de 5,53 %. En revanche, les pays « les moins libres » affichent des taux de pauvreté beaucoup plus élevés, 73,59 % de la population vivant avec 6,85 $ par jour ou moins. La figure met en évidence la relation inverse entre liberté économique et pauvreté, suggérant qu’une plus grande liberté économique est associée à des taux de pauvreté plus faibles.

2.c : Liberté économique et indice de Gini

La figure 2c montre la relation entre liberté économique et inégalités de revenus, telle que mesurée par l’indice de Gini ; un indice fréquemment utilisé pour mesurer les inégalités de revenus. Les données sont encore organisées en quartiles de liberté économique. Les pays « les plus libres » présentent le coefficient de Gini moyen le plus bas ( 0,34 ), ce qui indique une plus faible inégalité des revenus. Les pays « les moins libres » ont un coefficient de Gini légèrement plus élevé de 0,38, tandis que le « troisième quartile » présente l’inégalité la plus élevée avec un coefficient de Gini de 0,43. Cela suggère qu’une plus grande liberté économique peut être associée à une répartition plus équitable des revenus, comme le reflètent des coefficients de Gini plus faibles.

Sources : ibidem

Figure 3 : Liberté économique et santé

3.a : Liberté économique et espérance de vie à la naissance

Sources : ibidem

La figure 3a illustre la relation entre la liberté économique et l’espérance de vie à la naissance (en années). Les pays « les plus libres » ont l’espérance de vie la plus élevée, soit 80,8 ans, tandis que les pays « les moins libres » ont une espérance de vie nettement inférieure, soit 65 ans. Les troisième et deuxième quartiles affichent des espérances de vie de 70 et 76,4 ans, respectivement. La figure 3a indique qu’une plus grande liberté économique est associée à une espérance de vie plus longue, ce qui suggère que les économies plus libres peuvent offrir de meilleurs soins de santé et de meilleures conditions de vie.

3.b : Liberté économique et taux de mortalité infantile

La figure 3b montre la corrélation entre la liberté économique et le taux de mortalité infantile, mesuré comme le nombre de décès pour 1 000 naissances vivantes. Les données sont organisées en quartiles en fonction de la liberté économique. Les pays « les moins libres » ont le taux de mortalité infantile le plus élevé, soit 39,1 pour 1 000 naissances vivantes, tandis que les pays « les plus libres » affichent un taux nettement inférieur de 4,2. Les troisième et deuxième quartiles ont des taux de 21,2 et 8,7 respectivement. La figure 3b suggère qu’une plus grande liberté économique est associée à des taux de mortalité infantile plus faibles, peut-être en raison de meilleures infrastructures et services de santé dans des sociétés plus libres économiquement.

Sources : ibidem

Figure 4 : Liberté économique et bonheur

Sources : Economic Freedom of the World : Rapport annuel 2023 ; Nations Unies, Rapport mondial sur le bonheur 2023. Élaboration personnelle.

La figure 4 indique que les individus vivant dans des sociétés économiquement libres déclarent des niveaux plus élevés de satisfaction dans la vie et de bien-être général. Cela peut être attribué à l’autonomie et à la sécurité accrues que procure la liberté économique, et permettent aux individus de faire des choix qui correspondent à leurs préférences et à leurs valeurs (Bjørnskov, Dreher et Fischer, 2010). La capacité de participer librement aux activités économiques, de poursuivre des ambitions personnelles et d’accumuler des richesses contribue à une meilleure qualité de vie et à une plus grande satisfaction dans la vie des citoyens des pays économiquement libres.

  • Quelles institutions politiques fonctionnent mieux ?

De même, l’étude souligne l’importance des institutions politiques pour obtenir des résultats sociaux positifs. Les pays dotés d’une solide liberté politique ont tendance à protéger plus efficacement les droits des individus et des minorités, ce qui, à son tour, soutient des objectifs sociétaux plus larges tels que la liberté personnelle, l’égalité et la justice. L’analyse souligne que les institutions politiques libérales sont essentielles non seulement pour préserver les libertés, mais aussi pour favoriser un environnement propice à la prospérité économique.

Cette sous-section examine le rôle des institutions politiques pour atteindre des résultats positifs au niveau de la société.

Figure 5 : Liberté politique et efficacité du gouvernement

La figure 5 illustre la relation entre le niveau de liberté politique, tel que mesuré par l’indice de démocratie libérale utilisé par le V-Dem Institute, et l’efficacité du gouvernement mesurée par la Banque mondiale. Les pays « les plus libres », avec les niveaux les plus élevés de démocratie libérale, affichent un score moyen d’efficacité gouvernementale significativement plus élevé de 1,22. En revanche, les pays « les moins libres » ont en moyenne un score négatif de – 0,59, indiquant une efficacité gouvernementale bien plus faible. Les troisième et deuxième quartiles ont des scores de – 0,47 et – 0,08, respectivement. La figure 5 suggère une forte corrélation positive entre la démocratie libérale et l’efficacité gouvernementale, indiquant que les pays plus démocratiques ont tendance à avoir des gouvernements plus efficaces (avec un coefficient de corrélation élevé, R2=0,82).

Sources: V-dem, 2024, Liberal Democracy Index; Banque mondiale, 2023, World Development Indicators, calculs personnels.

Figure 6 : Liberté politique et inégalités de revenus

Sources : ibidem

La figure 6 montre la relation entre le niveau de démocratie libérale et les inégalités de revenus, mesurées par l’indice de Gini. Les données sont une fois encore classées en quartiles en fonction du niveau de démocratie libérale. Les pays « les plus libres », avec les niveaux les plus élevés de démocratie libérale, ont le coefficient de Gini moyen le plus bas, à 0,33, ce qui indique une plus faible inégalité des revenus. En revanche, le « deuxième quartile » et le « troisième quartile » ont des coefficients de Gini plus élevés, de 0,42 et 0,41, respectivement, tandis que les pays « les moins libres » affichent un coefficient de Gini de 0,36. La figure 6 suggère que des niveaux plus élevés de démocratie libérale et donc de libertés politiques peuvent être associés à une répartition plus équitable des revenus.

Figure 7 : Libertés politiques et environnement

7a :  Indice de performance environnementale – Taux de croissance ajusté des émissions de dioxyde de carbone

Sources: V-dem, 2024, Liberal Democracy Index; Wolf, M. J., Emerson, J. W., Esty, D. C., de Sherbinin, A., Wendling, Z. A., et al. (2022). 2022 Environmental Performance Index. New Haven, CT: Yale Center for Environmental Law & Policy. epi.yale.edu. Nos propres calculs.

La figure 7a montre la relation entre la liberté politique et le taux de croissance ajusté des émissions de dioxyde de carbone. Les pays « les plus libres » ont le score moyen le plus élevé, soit 50,5, ce qui indique une gestion plus efficace de la croissance des émissions de dioxyde de carbone. Les pays « les moins libres », en revanche, ont un score moyen nettement inférieur, soit 27,83. Cela suggère qu’une plus grande liberté politique peut contribuer à des politiques environnementales plus efficaces dans la gestion des émissions de dioxyde de carbone. (coefficient de corrélation R2=0,71).

7b : Indice de performance environnementale – Exposition au CO

Sources : ibidem

La figure 7b présente la relation entre la liberté politique et l’exposition au monoxyde de carbone (CO). Les données indiquent que les pays « les plus libres » ont le score moyen le plus élevé, soit 51,28, ce qui suggère une meilleure gestion de l’exposition au CO. En revanche, les pays « les moins libres » ont le score le plus bas, soit 39,11. La figure 7b implique que les pays ayant une plus grande liberté politique ont tendance à avoir de meilleurs résultats en matière de réduction de l’exposition au CO. (R= 0,99).

7c : Indice de performance environnementale – Eau potable insalubre

Sources : ibidem

La figure 7c montre la relation entre la liberté politique et la prévalence de l’eau insalubre. Les pays « les plus libres » obtiennent le score moyen le plus élevé, soit 81,19, ce qui indique un meilleur accès à l’eau potable. Les pays « les moins libres » ont le score le plus bas, soit 26,36, ce qui met en évidence les défis importants en matière d’approvisionnement en eau potable. La figure 7c suggère qu’une plus grande liberté politique est liée à une meilleure gestion de la sécurité de l’eau. (R2=0,73).

7d : Perte de zones humides

Sources : ibidem

La figure 7d montre la relation entre la liberté politique et la perte de zones humides. Les pays « les plus libres » ont le score moyen le plus bas, soit 56,48, ce qui indique une meilleure conservation des zones humides. En revanche, les pays « les moins libres » ont un score plus élevé, soit 65,39, ce qui suggère une plus grande perte de zones humides. La figure 7d implique qu’une plus grande liberté politique ne contribue pas nécessairement à des efforts de préservation des zones humides plus efficaces (R2=0,92).

Figure 8 : Liberté politique et droits individuels (des LGBT)

Sources: V-dem, 2024, Liberal Democracy Index; Equaldex, 2023, LGBT Equality Index. Calculs personnels.

La figure 8 illustre la relation entre le niveau de démocratie libérale et l’égalité LGBT, telle que mesurée par l’indice d’égalité LGBT. Les données sont classées en quartiles de démocratie libérale. Les pays « les plus libres », avec les niveaux les plus élevés de démocratie libérale, ont le score moyen le plus élevé de 82,21, indiquant une plus grande égalité de traitement pour les LGBT. En revanche, les pays « les moins libres » ont un score moyen nettement inférieur de 28,21. Le « troisième quartile » et le « deuxième quartile » ont des scores de 39,15 et 55,93, respectivement. La figure 8 suggère que des niveaux plus élevés de démocratie libérale sont associés à des protections et des droits plus importants pour la communauté LGBT.

  • Prise en compte des facteurs de confusion et causalité

L’analyse présentée ci-dessus comporte des limites et est sensible aux variables confondantes (facteur de confusion) qui peuvent influencer les relations observées ou produire des corrélations sans implications causales. Si la liberté économique est souvent liée à des revenus et un bien-être plus élevés, ces résultats peuvent également résulter de forces institutionnelles préexistantes, du capital humain ou des dotations en ressources naturelles (Rodrik, 2004 ; Easterly, 2001). En outre, la causalité inverse, où la prospérité conduit à de plus grandes demandes de liberté, ne peut être exclue (Glaeser, La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer, 2004).

Néanmoins, la littérature soutient les effets positifs de la liberté économique sur la prospérité. Gwartney et al. (2020) et Rode et Coll (2012) montrent que les pays dotés d’une plus grande liberté économique connaissent une croissance plus rapide, des revenus plus élevés et un niveau de vie amélioré. Cependant, ces effets sont modérés par la qualité des institutions, en particulier par la solidité des droits de propriété (Faria et Montesinos, 2009). De plus, des facteurs contextuels comme la géographie et la culture peuvent brouiller l’impact de la liberté économique (Easterly, 2001 ; Rodrik, 2004). Enfin, les sociétés plus riches peuvent exiger plus de liberté, ce qui complique la direction causale (Glaeser et al., 2004).

Analyse des corrélations

De nombreuses études ont documenté la corrélation positive entre la liberté économique et diverses mesures de prospérité. Gwartney, Lawson et Hall (2020) apportent la preuve que la liberté économique contribue de manière significative à la croissance économique en permettant des opérations de marché efficaces et en favorisant l’innovation. Leurs conclusions sont cohérentes avec la littérature plus large qui suggère que lorsque les individus et les entreprises opèrent dans des environnements avec moins de contraintes réglementaires, ils peuvent allouer les ressources plus efficacement, ce qui conduit à une productivité et une production économique accrues[1].

Les recherches montrent que la liberté économique améliore la mobilité sociale et économique. Compton, Giedeman et Hoover (2011) soutiennent que les économies plus libres offrent aux individus plus de possibilités d’améliorer leur statut socio-économique, ce qui conduit à une société dynamique. Hall et Lawson (2014) soulignent que la liberté économique réduit les inégalités de revenus en élargissant l’accès à l’éducation et à l’emploi. Stroup (2007) constate que la liberté économique est liée à de meilleurs résultats en matière de santé, car les sociétés les plus riches investissent davantage dans les soins de santé. De plus, Bjørnskov, Dreher et Fischer (2010) soulignent qu’une plus grande liberté économique est corrélée à une plus grande satisfaction personnelle, plus de bonheur, plus grand bien-être, offrant aux individus davantage d’autonomie et de sécurité. Ces résultats suggèrent que la liberté économique a un impact positif à la fois sur la richesse matérielle et sur le bien-être subjectif (Haller et Hadler, 2006 ; Veenhoven, 2000).

Analyse des liens de causalité

Les études d’inférence causale renforcent l’impact positif des institutions libérales sur le développement économique. Acemoglu et Robinson (2012) soutiennent que les institutions inclusives, offrant un large accès aux ressources, sont essentielles à une prospérité durable. Knack et Keefer (1995) montrent en outre que la confiance et les normes civiques au sein de ces institutions sont fortement corrélées aux performances économiques. North (1990) souligne le rôle essentiel des droits de propriété sécurisés et de l’état de droit dans la promotion de la croissance économique, car tous les deux encouragent l’investissement en capital. Rodrik, Subramanian et Trebbi (2004) confirment que les institutions, plutôt que la géographie ou le commerce, sont les principaux moteurs du développement. Ensemble, ces études suggèrent que les institutions libérales jouent un rôle fondamental et causal dans l’obtention de résultats économiques positifs (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2001).

  • Conclusion et implications pour les recherches futures

Dans cet exposé, nous soutenons que les institutions économiques et politiques libérales sont associées à de bons résultats sociétaux et que ces institutions stimulent le progrès humain. Pinker (2011) et Norberg (2016) ont expliqué cette association dans leurs travaux pionniers sur les institutions. Cependant, nous ne prétendons pas que les institutions libérales conduisent inévitablement à de meilleurs résultats dans tous les contextes, ni n’ignorons les externalités négatives potentielles associées à une plus grande liberté. Par exemple, les données montrent une corrélation négative entre les indices de libertés économiques et d’inégalités (figure 2c). En même temps, les libertés économiques promeuvent la mobilité ascendante des revenus ce qui compense dans une certaine mesure les résultats négatifs en termes d’inégalité des revenus (Callais & Geloso, 2021).

Notre analyse suggère que, globalement et dans la plupart des cas, il existe une tendance claire selon laquelle une plus grande liberté politique et économique est associée à une série de résultats positifs, notamment des niveaux de revenus plus élevés, une meilleure santé, une réduction de la pauvreté et une gouvernance plus efficace. Ces tendances indiquent une direction générale dans laquelle une plus grande liberté tend à être corrélée à des avantages sociétaux. Par conséquent, plutôt que d’affirmer que les institutions libérales sont une solution parfaite, nous soutenons que ces résultats devraient éclairer et guider nos décisions politiques. En tirant parti de la recherche et des preuves rassemblées, nous pouvons faire avancer des politiques qui renforcent les avantages de la liberté tout en abordant et en atténuant ses inconvénients potentiels.

Cette recherche souligne également la nécessité de mener d’autres études pour explorer les mécanismes causaux qui lient liberté et prospérité. Les recherches futures devraient se concentrer sur la compréhension des interactions complexes entre les libertés économiques et politiques et d’autres facteurs contextuels, tels que la culture, l’histoire et la géographie. En outre, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les compromis potentiels et les conséquences imprévues des institutions libérales, en particulier dans différents contextes culturels et socio-économiques.

Références bibiographiques

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[1]    De même, Rode et Coll (2012) constatent que la liberté économique est positivement corrélée à des niveaux de revenus plus élevés, car elle offre aux individus de plus grandes opportunités de réussir économiquement, en abaissant les barrières à l’entrée et en encourageant les activités entrepreneuriales (Faria et Montesinos, 2009).

About Author

Constantinos Saravakos

Constantinos Saravakos est doctorant au Département des Études Internationales et Européennes de l’Université de Macédoine. Il est directeur de recherche au KEFIM et chercheur associé pour EPICENTER. Il est également expert et auditeur dans le cadre du projet Varieties of Democracy (Université de Göteborg), du Rule of Law Index (World Justice Project) et de l'Economic Freedom of the World (Fraser Institute).

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