La réforme des retraites confiée à Monsieur Delevoye fait beaucoup de bruit pour rien. D’abord parce qu’il y a peu de chances qu’elle soit mise en œuvre de si tôt, ensuite et surtout parce qu’il n’y a aucune chance pour qu’elle réponde au défi du vieillissement de la population française. Dans ces conditions, tout sera à refaire jusqu’à ce que citoyens et gouvernants en viennent à la solution libérale : la capitalisation. Dans combien de temps ?

Retraites : les réformes pour la forme

Une conjoncture politique difficile

Les réformateurs actuels travaillent à quelque six mois des élections municipales.  C’est la raison pour laquelle ils se pressent avec lenteur. Ils prennent prétexte de la nécessité d’obtenir un large consensus et pour ce faire de prolonger le « dialogue social » paritaire. Il est acquis que l’essentiel de la réforme sera défini au cours de l’année 2020, dans sa deuxième partie bien sûr. Mais se profilera alors la présidentielle de 2022, et les points chauds n’auront pas pour autant disparu.

Le premier est évidemment celui du régime universel. Les professions et métiers concernés par la disparition des régimes spéciaux pourront mobiliser l’opinion publique, à moins qu’ils ne reçoivent des compensations financières considérables et des moratoires importants (par exemple après 2022). La référence à la « pénibilité » est un moyen pour les syndicats de refuser « l’égalité entre pensionnés » promise par le gouvernement. Le deuxième point chaud est l’âge de la retraite : même si l’âge légal n’est programmé que pour 62 ans, la perspective d’une pension à 100 % est repoussée dans le temps, en fonction du nombre de trimestres cotisés. Le troisième point est l’incidence immédiate de la réforme sur le niveau des cotisations. L’accroissement pourrait être de 10 % ou, comme il est dit avec habileté, les cotisations seraient appelées à 125 % [1]!

Réelles ou exagérées par des opposants de mauvaise foi, ces menaces sur le sort des retraités et des cotisants et sur la pertinence de ces mesures paraissent suffisantes pour déclencher manifestations, grèves, et il est improbable que le gouvernement veuille se retrouver dans la situation des six mois de gilets jaunes[2].

Une réforme paramétrique

Au demeurant, en dehors de toute considération politique ou sociale, les réformateurs actuels n’ont aucune chance de réussir puisqu’ils pérennisent un système de retraites par répartition. A leur décharge il faut noter d’une part que toutes les réformes envisagées depuis Michel Rocard[3] ont fait de même, d’autre part que la consigne a été donnée dès le départ par le Président de la République : on ne touche pas au système par répartition. 

Considéré par certains comme une « conquête sociale »[4], par d’autres comme un témoignage d’une société de partage et de solidarité intergénérationnelle, le système par répartition se définit tout simplement : les actifs cotisent pour payer leur pension aux retraités. Le corollaire est immédiat : l’argent de ceux qui cotisent est sur-le-champ versé aux retraités actuels. Assez naïvement, la plupart des Français pensent que leur argent est à l’abri (voire fructifie) dans un compte dont ils seraient titulaires et retrouveraient les bénéfices à partir du jour où ils prendraient leur retraite.

Le système fonctionne et a fonctionné efficacement dans une société où les jeunes sont bien plus nombreux[5]. Mais le vieillissement de la population (et l’allongement de l’espérance de vie, dont il faut évidemment se réjouir), déséquilibrent de façon inéluctable le système. Le rapport entre populations des cotisants et des retraités est passé de 3,4 en 1975 à 1,7 en 2018[6], il serait inéluctablement encore abaissé dans les années à venir. Je dis « il serait » parce que les réformateurs, actuels ou passés, français ou étrangers, peuvent toujours user d’un artifice imparable : retarder l’âge légal de la retraite. Le problème des retraites peut être en effet ramené à un problème de plomberie (jadis posé aux enfants en classe de CM1) : pour maintenir le niveau de l’eau dans une baignoire dont la bonde est ouverte, on peut soit accroître le débit du robinet, soit ralentir l’écoulement de la bonde. Le relèvement de l’âge légal de la retraite a bien ce mérite : on cotise plus longtemps, et la durée de service de la pension est diminuée. Je suis navré d’infliger au lecteur une démonstration aussi puérile, mais c’est bien ici le nœud de la réforme d’un système par répartition : on va bricoler la plomberie pour maintenir l’équilibre. C’est ce qu’on appelle une réforme « paramétrique « : le paramètre décisif étant l’âge de la retraite. Évidemment on peut aussi considérer comme « paramètres » le montant et la durée des cotisations (augmentées) et des pensions (diminuées), mais la spoliation est alors trop visible.

Faute de vouloir ou pouvoir mener une réforme systémique, le réformateur est alors condamné à tricher avec les mots, par exemple en parlant de « retraite d’équilibre », ou en présentant comme innovante une « retraite par points ».

La valeur du point

Que chaque euro donne droit au même point de retraite : ce principe apparemment inspiré par la justice sociale (dans sa version égalitariste[7]) légitime le projet de régime universel. Mais il introduit aussi une nouveauté de nature à séduire les Français, auxquels le réformateur fait croire qu’un changement décisif va être réalisé. Il n’y a en fait aucun progrès.

Les apparences sont trompeuses, des esprits éminents ont été séduits[8]. On a souvent fait référence au système de retraite par points Prefon dont peuvent bénéficier les fonctionnaires, mais sans tenir compte du fait que Prefon n’est pas un système par répartition et obéit à une logique capitalistique. Autrement dit les fonctionnaires bénéficient depuis des lustres d’un système interdit à tous les autres Français. En se référant à une « retraite par point » le projet actuel de réforme laisse croire que le cotisant aura désormais la liberté et la responsabilité personnelles de la gestion de sa retraite, mais il s’agit en fait d’une liberté marginale, limitée à la possibilité d’acheter des points. Cet achat correspond à l’ajustement qu’un futur retraité peut réaliser s’il estime et craint que la pension promise par le système par répartition ne soit pas suffisante.  Certes, cette dose minime de liberté est en soi appréciable, elle sollicite la responsabilité personnelle et l’esprit d’épargne, mais elle donne l’illusion que la valeur de la retraite dépend d’un choix individuel, alors qu’elle sera, demain comme aujourd’hui, subordonnée à la proportion cotisants/pensionnés.

En effet, quelle sera la valeur de la pension (exprimée en euros) quand l’individu prendra sa retraite ? Elle dépendra de la masse de cotisations dont disposera l’URSSAF (ou tout autre organisme collecteur). Il n’y a aucune garantie que l’individu y retrouvera son compte, et l’« assuré » aura à coup sûr le sentiment d’avoir payé durant toute sa vie active pour recevoir…des haricots[9].

Il est vrai que tout système de retraite doit être fondé sur un choix définitif : entre retraites à valeur arrêtée et à cotisations variables, ou à cotisations fixes et valeur variable[10]. Mais il est illogique et mensonger de promettre des pensions d’une valeur réelle certaine avec des cotisations d’un montant nominal fixé.

Il est donc évident et fatal que le système par points, version habile et formelle du système par répartition, échappe à toute logique financière et assurancielle, pour la simple raison que l’argent des cotisations ne sera pas capitalisé, même quand le cotisant prévoyant aura la sagesse d’abonder son compte personnel : sacrifice honorable mais vain. Il est bien sûr nécessaire de comparer cette forme de prévoyance maladroite avec celle qui consiste à souscrire à une assurance-vie ou à investir dans la pierre, tout en remarquant que le législateur français a tout fait pour pénaliser et taxer ces opérations. Au demeurant, seules des personnes aisées ont la possibilité de gérer un patrimoine suffisant pour leur garantir des vieux jours confortables. Voilà une « injustice sociale » que l’on a rarement relevée. Par contraste la capitalisation est en mesure de garantir des retraites décentes aux Français les plus démunis.   

Rejet idéologique de la capitalisation

Mais en France aux yeux de la plupart des politiciens, des syndicalistes, des journalistes, le capitalisme est un système économique inacceptable et dépassé, et la finance est en marge de « l’économie réelle ». Le schéma marxiste de la lutte des classes, mais plus généralement l’idée de l’exploitation des faibles et des pauvres par les forts et les riches, ont progressivement façonné des esprits ignorants des lois économiques – une ignorance entretenue et aggravée par l’enseignement secondaire et supérieur. Depuis quelques années la condamnation du capitalisme s’est enrichie de la dénonciation des crimes écologiques imputables à la mondialisation.

Dans ces conditions évoquer la « capitalisation » comme base d’un système de retraite, c’est s’écarter dangereusement de la pensée unique et perdre tout crédit intellectuel et politique. Et il ne manque pas d’argument pour dénoncer les dégâts causés ou encourus par un système de capitalisation.

L’argument de la faillite des fonds de pension est souvent avancé : les affaires Enron, Maxwell démontreraient que l’argent des cotisations peut être englouti par des gestionnaires incompétents voire criminels. Ces affaires concernent des fonds de pension d’entreprises, qu’il faut en effet interdire[11]. La capitalisation implique obligatoirement la gestion des fonds par des financiers, assureurs ou autres, ayant la mission de valoriser des actifs à travers le choix de leurs placements et de leurs portefeuilles.

Apparaît alors un autre argument : l’instabilité boursière, les crises qui agiteraient fatalement et périodiquement les placements mobiliers ou immobiliers. Il n’est pas question de nier l’existence de ces crises, sauf à préciser qu’elles ne doivent rien au capitalisme, et presque tout aux interventions monétaires et bancaires des gouvernements, comme en 1929 ou en 2008.  Les marxistes (et leurs disciples involontaires et crédules) attendent toujours la crise finale du capitalisme, victime de « ses contradictions internes », mais leur attente est aujourd’hui déçue[12]. La seule remarque sensée est ici de déplorer la permanence de ce que les libéraux appellent « capitalisme de connivence », c’est-à-dire la collusion entre la classe politique et le monde des affaires.

Si l’on mesure maintenant les performances boursières sur la longue période, la valeur boursière est en croissance très régulière ; et il est démontré que sur un placement de plus de dix ans il est impossible de perdre de l’argent. Un taux réel de rendement annuel est au minimum de 4%, ce qui signifie un doublement en quinze ans de la valeur du capital investi. Partout dans le monde les fonds de pension, sous toutes leurs formes, ont totalement digéré les accidents boursiers et bancaires de 2008. Par contraste les Etats, comme celui de la France, qui ont tourné le dos aux disciplines de l’économie de marché pour pratiquer des relances budgétaires et monétaires, ont accumulé endettement, chômage et stagnation.

Le rejet de la capitalisation est donc exclusivement idéologique, ce qui évidemment dispense tout le monde de connaître les perspectives ouvertes pour sauver les retraites en mal de répartition. 

Performances de la capitalisation

Un système par capitalisation implique que l’argent des cotisants ne soit pas utilisé pour servir une pension à des retraités qu’ils ne connaissent pas et ne connaîtront jamais, mais qu’il demeure leur propriété et soit confié à des gestionnaires qui le valoriseront. Un système de retraite par capitalisation a donc au moins trois caractéristiques :

  1. Il est valorisé : les pensions seront supérieures grâce à la gestion des sommes accumulées,
  2. Il est personnalisé : à chacun sa retraite,
  3. Il est productif : l’argent est investi dans l’économie réelle, stimule croissance et emploi.

La valorisation est évidemment ce qu’il y a de plus visible et de plus séduisant pour l’assuré. Alors qu’il est prisonnier d’un système de répartition promis à l’explosion dans moins de dix ans, il aura la certitude d’une pension obtenue grâce à des cotisations moindres. Aujourd’hui le taux de remplacement brut des retraites françaises est de quelque 60 % et appelé à baisser[13] ce qui veut dire que la pension attendue sera de 60 % de la dernière rémunération en activité. Le taux est de 105 % en Croatie, de 97 % aux Pays Bas, de 87% au Danemark, de 83 % en Italie. Il n’y a pas de miracle. C’est la loi des intérêts composés qui conduit à cette performance : un placement à long terme d’une somme capitalisée multiplie chaque année la valeur de cette somme. On peut considérer que le taux de 4% annuel réel est le minimum sur lequel on peut compter (taux de rendement boursier ente 5 et 9 % suivant la composition du portefeuille).

La personnalisation est un progrès humain décisif. L’individu n’est pas tributaire d’un système administratif inefficace, dont les règles du jeu changent sans arrêt, et qui inspire la crainte, voire la panique, qui étreint aujourd’hui les retraités actuels, mais aussi ceux qui se demandent ce qu’ils auront à payer bientôt et ce qu’ils toucheront plus tard. La capitalisation affranchit l’individu de l’arbitraire et de la servitude de l’Etat Providence : il cesse d’être « assujetti » pour devenir « assuré ». A ce titre, il est libre de gérer son compte. Dans tous les pays où la capitalisation est en place, les gens sont fiers de leurs choix, ils ont à tout moment un aperçu des droits qu’ils auront, et peuvent ajuster leurs objectifs. C’est d’ailleurs ce que les réformateurs actuels ont fait miroiter avec la retraite par points — mais en oubliant simplement la capitalisation.

La productivité du système passe souvent inaperçue dans le débat, c’est pourtant l’atout majeur de la capitalisation. Une masse financière considérable est mise à la disposition de l’investissement dans les entreprises. Elle se répartit en fonction de la rentabilité offerte par les emprunteurs, elle-même mesurée par les profits réalisés, c’est-à-dire par la qualité des services rendus à la communauté par les producteurs. Par contraste l’épargne forcée constituée par les cotisations retraites obligatoires est purement et simplement gaspillée, elle n’aura fait que traverser le tiroir-caisse de l’URSSAF et des Caisses de retraites. Dans tous les pays ayant fait radicalement ou progressivement le choix d’un système de capitalisation, la croissance a été si rapide qu’il a été possible non seulement d’amortir les dettes accumulées avec la répartition mais aussi d’offrir des contrats de retraites de plus en plus avantageux.

La transition à la capitalisation

Dans mon travail sur les retraites je me suis particulièrement intéressé au problème de la transition d’un système à l’autre. Il n’est pas pensable d’imaginer une transition vers la capitalisation en ignorant les droits déjà acquis en répartition[14]. Il n’est donc pas question de pénaliser les innocentes victimes de la répartition : nul ne doit perdre du fait de la transition.

Suivant les pays, la transition a été tantôt très progressive, tantôt rapide et radicale. A ce jour, la France n’est pas concernée. Par contraste des pays jadis socialistes, comme la Suède, la Nouvelle Zélande, ont pratiquement achevé la transition, mais prévoient évidemment un « filet social » pour des personnes démunies n‘ayant pu s’assurer, auxquelles est servie une pension minime. Avec l’administration Obama, les États-Unis auraient pu faire une transition inverse, mais la logique assurancielle a été finalement confirmée. Enfin, la plupart des pays de l’OCDE ont un système assis sur deux piliers : l’un obligatoire en répartition, l’autre facultatif en capitalisation — mais comme en Angleterre le régime obligatoire se ramène à un filet social tandis que les fonds de pension assurent près des deux tiers des retraites[15]

Comment organiser une transition à la fois respectueuse des droits acquis et porteuse de droits nouveaux ? Je me suis rangé, au moins dans ses grandes lignes, à la méthode utilisée au Chili par mon ami José Piñera[16], le premier grand réformateur au monde du système de retraites. Il s’agit de fractionner la population en trois classes d’âge :

  • Les retraités actuels ou sur le point de le devenir dans moins de cinq ans demeurent dans le système par répartition, ils ne sont pas concernés par la réforme.
  • Les personnes qui entrent dans la vie active sont les acteurs essentiels de la réforme.
  • Pour la classe d’âge intermédiaire (disons 45/60 ans) le choix est libre, quitter ou prolonger la répartition. On peut en effet estimer que cette classe a le temps de se constituer une retraite par capitalisation et peut prendre ce risque[17].

J’appelle « acteurs de la réforme » ceux qui vont financer l’extinction progressive de la répartition, leurs cotisations vont permettre de servir les pensions des retraités actuels ou sur le point de l’être. Mais, en même temps, ils commencent à alimenter leur propre compte d’épargne retraite, au rythme et au montant qu’ils souhaitent. Ils sont ainsi amenés à consentir un effort significatif, mais qui constitue en quelque sorte une rançon, ou un droit d’entrée : ils payent pour entrer en capitalisation. Cette méthode semble aberrante, mais elle se légitime à plusieurs titres. D’une part les gens concernés auraient dû payer pour les retraités actuels et leurs cotisations auraient dû augmenter sans fin jusqu’au moment où ils auraient été eux-mêmes retraités. D’autre part ils achètent la sécurité de leurs retraites futures, alors que le système par répartition ne leur promet que la ruine. Enfin, la gestion de leur compte épargne-retraite correspond à un cycle vital tout à fait naturel : la jeunesse commence par consommer beaucoup, puis investit d’abord dans son cadre de vie (avec la constitution de la famille et les enfants), et finit par investir pour ses vieux jours. Ce cycle est évidemment celui du revenu, et il est évident qu’au cours des dix dernières années d’activité les fonds nécessaires à garantir une pension de haut niveau sont à portée des épargnants.

J’ai soutenu cette approche depuis fort longtemps, je l’ai précisée dans mon dernier ouvrage[18]. Mais j’admets qu’une autre approche peut se concevoir, en particulier en imaginant l’émission de titres en contrepartie de la dette contractée par des intermédiaires financiers qui réassurent les fonds de pension.

Dans ce domaine comme dans tous les domaines de la vie sociale, la liberté et la concurrence engendreront l’innovation. La pire des choses est de persévérer dans l’erreur, et c’est ce que font les réformateurs qui ferment délibérément la porte à la capitalisation, en proposant des réformes pour la forme. 

Annexe

Gary Becker : Un changement de société

Prix Nobel d’Économie, Gary Becker avait participé le 10 décembre 1997 à une réunion publique organisée à Paris par l’ALEPS et SOS Retraites Médecins. Voici un passage de son allocution.

« Tous les points techniques [de la transition] peuvent être aménagés, mais le plus important n’est pas là. Il réside dans le fait que certains tournants décisifs vont devoir être pris pour réussir la capitalisation :

  • C’est un retour au travail : plus de gens seront actifs et le seront plus longtemps. Aujourd’hui, on est dans une société où le capital humain est gaspillé, on se prive de compétences, et on stérilise l’investissement en capital humain fort coûteux réalisé au cours des périodes précédentes. Cela suppose évidemment que les pouvoirs politiques cessent d’intervenir sur le marché du travail, et lui rendent la liberté et la souplesse nécessaires. C’est donc non seulement un retour au travail, mais au travail qualifié et au travail libéré.
  • C’est un retour à l’épargne : alors que la répartition dilapide l’argent gagné, et détruit le capital humain et la richesse nationale, la capitalisation place l’argent gagné, le fructifie. Cela suppose aussi que toute fiscalité sur l’épargne soit éliminée et s’il y a une charge fiscale à assurer elle doit l’être par des impôts sur la consommation, sans toucher à l’épargne ni au patrimoine.
  • C’est un retour à la responsabilité personnelle : la répartition contient tous les germes de la collectivisation et aboutit à faire disparaître toute idée de progrès personnel. La capitalisation a le mérite de mettre chacun face à son propre progrès. S’il y a des individus laissés pour compte on peut prévoir un filet social à leur intention, mais ces cas doivent demeurer marginaux et il faut se garder, comme on le fait maintenant, de construire tout un système d’Etat Providence sur des hypothèses extrêmes qui ne concerneraient normalement qu’une infime minorité de la population.

C’est une raison essentielle il faut laisser aux individus le soin de bâtir leurs retraites de façon volontaire et autonome, en n’utilisant le procédé de la cotisation obligatoire que pour une période transitoire et pour une part résiduelle des revenus.

Le passage à la capitalisation signifie donc aussi le passage à un Etat Providence réduit à sa plus simple expression et à une économie de liberté et de responsabilité. »


[1]     Il est possible de donner illusion sur le taux réel des cotisations en introduisant un « taux d’appel » supérieur. La gymnastique sur les chiffres issus des experts réformateurs a été dénoncée avec précision dans deux articles du Dr. Gérard Maudrux publiés le 21 août par Contrepoints. Ancien président d’une Caisse de retraites des médecins, Gérard Maudrux est l’auteur de Retraites, le mensonge permanent en 2000, qui a reçu le prix Turgot. Il avait participé au grand colloque organisé en 1996 à Paris par l’ALEPS (auquel a participé Gary Becker, prix Nobel d’économie).

[2]     La promotion de Jean Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme, au rang de ministre, est révélatrice : désormais la réforme est entre les mains du gouvernement, souverain jusqu’en 2022 compte tenu de sa majorité à l’Assemblée Nationale.

[3]     Les réformes « significatives » ont été celles de Balladur (1993), Fillon (2003), Woerth (2010), Touraine (2014). On n’oubliera pas les rapports Briet (1995) et Charpin (1999).

[4]     Par exemple Xavier Bertrand, ministre du travail en 2007, qui ignore comme tant d’autres que le système a été inventé par François Belin, ministre du gouvernement de Vichy, en 1941.

[5]     Encore cette efficacité est-elle toute relative puisque de toutes façons l’argent des cotisations n’est ni épargné ni investi (cf. infra la discussion sur les performances de la capitalisation).

[6]     Cf. le rapport du COR http://bit.ly/2m0NuoD.

[7]     Pour les libéraux le concept de justice sociale est ambigu, comme l’a démontré Hayek dans le deuxième tome de Droit, Législation et Liberté, PUF, 1985.

[8]     Notamment Jacques Bichot et Alain Madelin, Quand les autruches prendront leur retraite, Seuil, 2003.

[9]     Titre d’un article que j’avais écrit dans le journal La Croix en dialogue avec Jacques Bichot, promoteur de la retraite par points.

[10]   En termes techniques on oppose régimes à prestations forfaitaires et régimes à prestations proportionnelles aux gains.

[11]   Pourtant les lois Debré sur la participation créent un lien inadmissible entre l’avenir de l’entreprise et celui des salariés (privés de la possibilité de confier leur argent ailleurs).

[12]   Ce qui justifierait la révolution, initiative de nature à « accélérer le sens de l’histoire ».

[13]   Source OCDE, http://bit.ly/2mogFSJ.

[14]   Voudrait-on demander aux Français de renoncer non seulement à tout l’argent qu’ils ont déjà versé depuis leur entrée dans la vie active mais aussi à toutes les pensions auxquelles ils ont ou auront droit durant leur vie de retraités ? L’estimation courante est de l’ordre de 4 PIB.

[15]   Un classement plus précis et plus complet figurait dans le tome II de mon ouvrage Futur des retraites et retraites du futur, (tome 2, 2008, Ed. Librairie de l’Université, Aix).

[16] Cf. Jose Piñera Journal des libertés, N°2. Disponible à : http://bit.ly/2kWA5Oj.

[17]   L’expérience au Chili et ailleurs montre que le choix conduit une large majorité des gens à quitter la répartition.

[18]   Comment Sauver vos retraites, Ed. Libréchange, 2014.

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Journal des Libertés

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