Il y a deux manières d’envisager l’opuscule de Michel Albouy. D’un côté, on peut se réjouir, dans le flot des ouvrages antilibéraux qui inondent le marché, qu’un « grand auteur francophone » – selon le titre étrange de la collection qui renvoie non pas au sujet mais à son auteur ! – consacre quelques dizaines de pages laudatives à un penseur de premier plan si négligé dans son propre pays. D’un autre côté, on peut être surpris que l’édition soit si peu scientifique et que le texte, par-delà ses lacunes, compte nombre de coquilles et autres erreurs.
L’objectif de Michel Albouy, agrégé en sciences de gestion et professeur émérite à l’Université (peu libérale…) de Grenoble, est de revisiter l’œuvre de Frédéric Bastiat (p. 16), plus précisément de mettre en perspective ses analyses à la lumière de l’évolution de la société française (p. 20) et ce, au fil de sept chapitres consacrés au marché, à l’État, à la finance, à l’impôt, à « ce qui se voit et ce qui ne se voit pas », à la propriété et à la colonisation – le dernier chapitre étant peut-être le plus faible (pp. 99 s.). Les développements permettent de dénoncer de nombreux préjugés contre le libéralisme et de multiples idées fausses sur les lois économiques.
A vrai dire, le titre de l’ouvrage apparaît rapidement contestable car l’auteur se réfère en permanence aux erreurs économiques commises non pas seulement au XXIème siècle mais depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale : ordonnance sur les prix de 1945, contrôle des loyers de 1948, expérience socialo-communiste de 1981 contrée partiellement en 1986, etc. Ce qui est gênant, c’est que les idées de l’auteur se mêlent à celles de Bastiat sans que l’on puisse toujours les dissocier et que ces dernières sont ensuite l’objet de digressions propres à Michel Albouy.
De manière plus générale, il est regrettable que l’édition donne une impression de bâclé, ce qui ne fait guère honneur à Bastiat dont la méticulosité en matière de rédaction était légendaire : paragraphe qui ne veut rien dire (p. 40), multiples coquilles (pp. 24, 31, 33, 36, 73 à répétition…), erreurs (il est mentionné en p. 42 que le gouvernement promulgue la loi et en p. 73 que l’impôt de solidarité sur la fortune est l’ancêtre de l’impôt sur les grandes fortunes…).
Une erreur doit être particulièrement relevée dans ce livre dont on aura compris qu’il ne brille pas par sa teneur conceptuelle et sa profondeur historique. Après une première mention déjà ambigüe (p. 16), l’auteur fait de Bastiat un député du centre gauche comme Tocqueville (p. 19), ce qui se retrouve en quatrième de couverture. Fausse, l’allégation est également incohérente car Michel Albouy mentionne ensuite à juste titre que Bastiat siégeait à gauche (idem).
Un dernier mot sur la « bibliographie », terme fautif pour de brèves indications bibliographiques (pp. 113 s.). Étrangement la plupart des ouvrages de Bastiat n’y sont pas cités. Quant aux ouvrages et articles sur Bastiat, ils sont aux abonnés absents. Pourtant, on trouve mention dans le texte une fois des Œuvres économiques éditées par le regretté Florin Aftalion, sans mention de la page d’ailleurs (p. 48, n. 7) et deux fois des Œuvres complètes (pp. 55 n. 6 & 67 n. 3).